Devoir de vigilance : la France retourne sa veste

Initialement soutenue par la France, la directive européenne sur le devoir de vigilance est désormais contestée par Paris. Le gouvernement plaide pour une simplification des règles et un report de l’entrée en vigueur, invoquant la compétitivité des entreprises. Une position critiquée par les ONG.

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Par Aurélien Delacroix Publié le 27 janvier 2025 à 9h30
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girl or young woman on the street in autumn or winter looking at the phone with an expression of incomprehension or doubt - © Economie Matin
5.000La proposition française est d'appliquer le devoir de vigilance dans les entreprises de plus de 5.000 salariés.

Le ministre français délégué à l’Europe, Benjamin Haddad, a demandé à l’Union européenne de suspendre la directive sur le devoir de vigilance. Adoptée en juin dernier, cette réglementation impose aux entreprises de veiller au respect des droits humains et des normes environnementales dans leurs chaînes de production mondiales. À l’époque, Lara Wolters, rapporteuse du texte au Parlement européen, saluait une avancée « historique » pour responsabiliser les multinationales.

Changement de cap sur le devoir de vigilance

Aujourd’hui, Paris estime que cette directive, combinée à d’autres textes comme la directive CSRD sur le reporting extra-financier, alourdit inutilement les obligations des entreprises. « Nos entreprises ont besoin de simplification, pas d’alourdissement administratif supplémentaire », a justifié Benjamin Haddad sur X (anciennement Twitter).

L'ancien ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a également défendu cette position lors d’une réunion à Bruxelles les 21 et 22 janvier. Dans un document officiel, la France propose de limiter le champ d’application de la directive. Ainsi, seules les entreprises européennes de plus de 5.000 salariés ou générant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 1,5 milliard d’euros seraient concernées. Les entreprises financières seraient, quant à elles, exemptées d’exigences spécifiques.

Ce changement de position suscite des critiques virulentes. Plusieurs ONG, dont Oxfam France et les Amis de la Terre, dénoncent une démarche « irresponsable » qui risque de démanteler un outil essentiel face aux crises climatique et sociale. « La France contribue activement à défaire les avancées obtenues par les citoyens ces dernières années », regrettent-elles dans un communiqué.

La position controversée de la France

Pourtant, la France avait été pionnière en 2017 en adoptant une loi nationale sur le devoir de vigilance. Cette dernière oblige les grandes entreprises à identifier et prévenir les risques environnementaux et sociaux liés à leurs activités. La directive européenne s’inspirait largement de cette législation.

Le revirement français intervient dans un contexte de concurrence internationale accrue, exacerbé par des politiques économiques non coopératives de certains pays, comme l’a souligné l’ancien président du Conseil italien Mario Draghi. Les autorités françaises plaident désormais pour une « pause réglementaire» et une révision des législations adoptées récemment afin de préserver la compétitivité des entreprises européennes.

Alors que les négociations se poursuivent à Bruxelles, ce débat met en lumière la tension entre exigences environnementales et sociales d’une part, et impératifs économiques de l’autre. L’issue pourrait redéfinir les priorités stratégiques de l’UE pour les années à venir.

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De formation économiste, Aurélien s'est spécialisé dans le domaine de la technologie, plus particulièrement dans l'émergence de l'intelligence artificielle et ses implications sociétales.

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