La Commission européenne envisage une réforme majeure de ses règlements de durabilité, dont la directive CSRD. Alors que le vice-président exécutif Stéphane Séjourné propose une éventuelle suppression des obligations de reporting, cette perspective suscite une réaction mitigée entre simplification administrative et risque de recul pour la transition durable des entreprises européennes.
Durabilité : les grandes entreprises ne devront pas rendre des comptes

CSRD : une simplification controversée des règles de reporting
L'annonce du commissaire européen Stéphane Séjourné sur une potentielle suppression des obligations de reporting imposées par la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) a provoqué un véritable électrochoc. Cette initiative, inscrite dans le cadre du projet de loi « omnibus » prévu pour février 2025, vise à réduire les charges administratives considérées comme un frein à l'investissement par plus de 60% des entreprises européennes. À travers cette réforme, la Commission cherche à renforcer la compétitivité de l’UE tout en allégeant des cadres jugés redondants ou trop complexes.
Cependant, la suppression de la CSRD soulève des inquiétudes parmi les experts et acteurs de la durabilité. La directive, adoptée pour structurer et harmoniser le reporting environnemental, social et de gouvernance (ESG) des entreprises, est perçue comme un levier essentiel pour responsabiliser les entreprises face aux défis globaux. Pour Martin Richer, expert en responsabilité sociale des entreprises, « cet abandon serait un retour en arrière de 15 ans ». De nombreuses organisations, dont WWF EU, redoutent une fragilisation des standards de durabilité et un signal négatif pour l’investissement durable.
Les réactions entre défiance et appel à la stabilité réglementaire
Les grandes entreprises, telles que Mars, Unilever et Primark, ont publié des lettres ouvertes appelant à maintenir les textes existants. Selon elles, une renégociation générale créerait une incertitude juridique nuisible. Alors que certaines d’entre elles ont déjà investi massivement dans la mise en conformité avec la CSRD, elles insistent sur la nécessité d’un cadre clair pour garantir leur compétitivité et favoriser une transition ordonnée. « Ce que les entreprises souhaitent, c’est une mise en œuvre pratique et non une remise en cause des acquis », affirme Nicholas Mazzei, vice-président pour la durabilité chez DP World.
De leur côté, 160 ONG et syndicats, ainsi que des réseaux d’entreprises comme France Invest et B-Lab France, ont appelé à préserver l’intégrité des règles ESG. Ils considèrent que ces régulations, bien qu’exigeantes, sont fondamentales pour positionner les entreprises européennes comme leaders de la durabilité mondiale. Dans une lettre adressée à la Commission, les organisations soulignent que simplification et robustesse ne sont pas incompatibles, plaidant pour une adaptation progressive qui ne compromettrait pas les objectifs stratégiques de l’UE.
La controverse autour de la CSRD illustre ainsi l’enjeu d’un équilibre subtil entre réduction des charges administratives et maintien des ambitions environnementales. En attendant la présentation du projet « omnibus », la tension demeure palpable entre les différents acteurs du système européen.