Fâché de l’amende contre X, Elon Musk fait (encore) de l’ingérence

L’amende de 120 millions d’euros infligée à X a placé Elon Musk au cœur d’un affrontement institutionnel inédit avec Bruxelles. Tandis que l’Union européenne réaffirme son autorité réglementaire face à un réseau social en rupture avec les exigences de transparence, le dirigeant américain dénonce une ingérence politique et appelle ouvertement à la disparition de l’UE.

Paolo Garoscio
By Paolo Garoscio Published on 8 décembre 2025 6h09
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Fâché de l’amende contre X, Elon Musk fait (encore) de l’ingérence - © Economie Matin
44 MILLIARDS $Elon Musk a payé 44 milliards de dollars pour racheter Twitter.

Le 5 décembre 2025, la Commission européenne a imposé une amende de 120 millions d’euros à X, le réseau social dirigé par Elon Musk, après une enquête fondée sur le Digital Services Act. Cette décision, qui marque une étape essentielle dans l’application du régime européen de responsabilité numérique, intervient alors que le groupe multiplie les tensions autour de la transparence, de l’ingérence politique et de l’accès aux données publiques.

Une sanction européenne fondée sur des manquements répétés de la plateforme X

La Commission européenne reproche à X trois infractions majeures. D’abord, elle estime que la transformation du badge de vérification, autrefois outil d’authentification et désormais simple avantage payant, constitue un « mécanisme trompeur », selon Euronews. Ce dispositif, considéré comme problématique, augmente le risque de confusion entre comptes authentiques et comptes achetés, alors même que la lutte contre la désinformation constitue un pilier central du DSA. Par ailleurs, l’amende inclut une part de 45 millions d’euros liée spécifiquement à ce volet.

Ensuite, la Commission dénonce l’absence d’un registre public complet et transparent des publicités diffusées sur X. Cette obligation, prévue par le Digital Services Act, vise à identifier l’origine des annonces et à prévenir les campagnes d’influence illégitimes. Le manque de transparence publicitaire vaut à la plateforme 35 millions d’euros supplémentaires, preuve de l’ampleur du manquement et la nécessité, pour l’UE, d’assurer un contrôle stable de l’écosystème politique numérique.

Enfin, X est sanctionnée pour avoir restreint l’accès aux données dont les chercheurs agréés ont besoin pour étudier les phénomènes de désinformation et d’ingérence. Le Monde rapporte que cette carence pèse lourdement sur l’exigence scientifique et entrave le rôle des autorités indépendantes. Cette violation représente 40 millions d’euros dans l’amende totale, selon Euronews. Ces trois manquements cumulés illustrent, pour Bruxelles, une rupture systémique entre la plateforme et les règles européennes, ce qui légitime une intervention ferme, d’autant que l’enquête était ouverte depuis 2023 selon Le Monde.

Une décision juridiquement mesurée mais politiquement stratégique

Bien que le DSA permette des sanctions pouvant atteindre 6 % du chiffre d’affaires mondial, Le Point rappelle que la Commission a choisi une amende « modérée ». Cette appréciation proportionnée souligne une stratégie politique claire : affirmer l’autorité réglementaire européenne tout en préservant une marge d’escalade graduée en cas de récidive. Par conséquent, l’amende actuelle, bien qu’importante, sert d’avertissement structuré, pensé pour enclencher une dynamique de conformité durable.

De plus, Bruxelles exige que X propose des mesures correctrices sous 60 jours, toujours selon Le Point. Toutefois, si X persiste dans les manquements, une amende bien plus lourde pourrait suivre. Reuters, cité par plusieurs médias, rappelle que la Commission n’exclut pas des sanctions répétées tant que les obligations légales ne sont pas respectées. Cette première condamnation devient ainsi un test grandeur nature pour le DSA : son efficacité dépend de sa capacité à être appliqué de manière cohérente face à des entreprises d’envergure mondiale.

La Commission considère cette amende comme un signal essentiel envoyé aux géants du numérique. Selon un porte-parole cité par Le Monde, la sanction « coûte plus cher que la mise en conformité ». Cette approche, à la fois ferme et progressive, installe un précédent juridique scruté de près par les plateformes et par les régulateurs internationaux.

La riposte d’Elon Musk : discours contre l’UE

La réaction d’Elon Musk a été immédiate, virulente et résolument politique. Dans une déclaration rapportée par Le Monde le lendemain, il affirme que « l’Union européenne devrait être abolie et la souveraineté rendue aux pays ». Ce propos, sans ambiguïté, marque un tournant dans l’opposition entre le dirigeant américain et les institutions européennes, alors que le débat porte pourtant sur une obligation réglementaire. Selon le même article, Musk va jusqu’à qualifier les commissaires européens de « commissaires “woke” de la Stasi », une formule qui dramatise le conflit et suggère une tentative d’internationaliser la question auprès de son audience.

La crise se poursuit lorsque The Verge rapporte que X a coupé l’accès publicitaire à la Commission européenne après l’annonce de l’amende. Ce geste, inhabituel, est décrit comme une mesure de rétorsion. En parallèle, Time Magazine précise que des responsables politiques américains proches de l’ancien président Donald Trump ont dénoncé la décision européenne, certains la qualifiant d’« attaque contre le peuple américain ».

Sans surprise, Elon Musk considère la décision comme une forme d’atteinte à la liberté d’expression, une critique fréquemment employée pour s’opposer aux régulations européennes. Toutefois, la Commission européenne, citée par Associated Press, rappelle que le DSA ne régule pas les opinions mais impose des obligations de transparence, ce qui contredit directement l’argumentaire du dirigeant américain régulièrement épinglé pour partage de fausses informations… sur sa propre plateforme.

Paolo Garoscio

Rédacteur en chef adjoint. Après son Master de Philosophie, il s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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