Alors que la demande mondiale pour les équipements militaires explose, l’Europe peine à tirer parti de cette manne. Dépendance aux importations, délais de production allongés et manque de coordination freinent son industrie de défense. Pendant ce temps, les États-Unis et l’Asie dominent le marché avec des chiffres de croissance impressionnants.
Industrie de la Défense : l’Europe distanciée par ses rivaux
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Publié le 3 décembre 2024 à 10h00
78 %78 % des acquisitions militaires de l’UE entre 2022 et 2023 proviennent de l’extérieur, avec une part écrasante de 63 % pour les États-Unis.
Armement : une industrie européenne en stagnation malgré des budgets en hausse
Depuis 2021, les budgets de défense européens ont bondi de 31 %, atteignant 326 milliards d’euros en 2024 (1,9 % du PIB), selon l’Agence européenne de défense (AED). Pourtant, cette hausse ne se reflète pas dans les chiffres des 27 entreprises européennes dans le top 100 mondial des producteurs militaires : leurs ventes n’ont progressé que de 0,2 % en 2023, bien loin de la moyenne mondiale de 4,2 %. Le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) explique cette stagnation par la lenteur des systèmes de production.
Pendant ce temps, les commandes affluent, mais elles sont souvent honorées par des industriels non européens. Ainsi, 78 % des acquisitions militaires de l’UE entre 2022 et 2023 proviennent de l’extérieur, avec une part écrasante de 63 % pour les États-Unis.
La dépendance européenne envers des acteurs étrangers illustre des failles profondes dans son modèle industriel. Les infrastructures ne permettent pas une montée en cadence rapide. Par exemple, Airbus reste tributaire de contrats anciens, le rendant incapable de capter de nouvelles opportunités. En revanche, des entreprises comme Nexter innovent pour rattraper ce retard. Le fabricant français des canons Caesar a réduit ses délais de production de 30 à 15 mois et triplé sa cadence, répondant à la demande croissante, notamment celle liée à la guerre en Ukraine.
Cependant, ces efforts restent isolés face à des adversaires bien mieux préparés. « Nous n’avons ni l’argent, ni les stocks, ni les capacités de production », confie Diego De Ojeda Garcia Pardo, patron de l’unité en charge de la coordination de la politique de défense et de sécurité à Bruxelles.
L'incroyable progression de la Corée du Sud
Alors que l’Europe peine à réagir, d’autres régions connaissent une croissance spectaculaire. Aux États-Unis, les 41 entreprises du top 100 mondial ont généré 317 milliards de dollars en 2023 (+2,5 %). Malgré des ralentissements pour des géants comme Lockheed Martin, l’industrie américaine reste ultradominante grâce à sa capacité à répondre rapidement aux nouvelles commandes.
L’Asie, et notamment la Corée du Sud, affiche des progressions impressionnantes. Les revenus des industriels sud-coréens ont bondi de 39 % grâce à des contrats gigantesques de 12 milliards de dollars avec la Pologne, incluant plus de 1 000 chars Black Panther et 48 avions de combat.
Les deux entreprises russes du top 100 ont aussi augmenté leurs ventes de 40 %, à 25,5 milliards de dollars.
Face à ce constat, l’Union européenne semble amorcer un réveil. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a annoncé la rédaction d’un livre blanc sur la défense. Ce plan stratégique vise à structurer les efforts industriels et à combler le retard accumulé. Son coût est estimé à 500 milliards d’euros.
En parallèle, la nomination d’un commissaire européen en charge de la défense marque un tournant. « Les questions militaires deviennent une priorité », affirme Dr. Nan Tian, directeur du programme des dépenses militaires du Sipri. Cette dynamique pourrait enfin offrir à l’industrie européenne les moyens de rivaliser avec ses concurrents, tout en renforçant l’autonomie stratégique de l’Union.