Extension d’Airbus : un chantier géant de 18 hectares à Blagnac

Face à une demande mondiale record pour ses avions de la famille A320 et A350, Airbus engage un projet d’expansion inédit sur son site de Toulouse-Blagnac. Avec 18 hectares supplémentaires, des hangars neufs et un centre de livraisons doublé, le groupe bénéficie d’une dérogation environnementale au nom de “l’intérêt national”.

Ade Costume Droit
By Adélaïde Motte Published on 10 octobre 2025 11h25
Extension D'airbus Un Chantier Geant De 18 Hectares A Blagnac
Extension d’Airbus : un chantier géant de 18 hectares à Blagnac - © Economie Matin

Une extension stratégique pour maintenir la cadence

Depuis le début de l’année 2025, Airbus se prépare à franchir une nouvelle étape dans son développement industriel. L’avionneur européen, dont les carnets de commandes dépassent les 8 000 appareils, doit accélérer la production de ses monocouloirs pour tenir les délais de livraison. 

Pour ce faire, l’entreprise a obtenu une dérogation exceptionnelle à la loi Climat et Résilience, qui interdit en principe toute artificialisation nouvelle de sols. L’État a considéré que le projet d’agrandissement, classé “projet d’intérêt national”, répondait à un impératif stratégique pour la filière aéronautique française. Cette décision a ouvert la voie à l’extension du site de 18 hectares, soit l’équivalent de 25 terrains de football. Selon France 3 Occitanie, “il existe des autorisations exceptionnelles pour des projets d’intérêt national ; Airbus a obtenu cette dérogation pour s’agrandir de 18 hectares”.

Toulouse au cœur du redéploiement industriel d’Airbus

Le chantier s’inscrit dans le schéma directeur industriel (SDI) lancé par Airbus pour moderniser le site Jean-Luc Lagardère, à Blagnac. Cette zone, anciennement dédiée à l’assemblage de l’A380, est reconvertie pour accueillir les chaînes d’assemblage de la famille A320/A321, ainsi que les programmes innovants comme ZEROe, l’avion à hydrogène. Selon l’avis rendu par la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAe) Occitanie, “Airbus prévoit environ 20 projets d’ici 2027 dans le cadre de son schéma directeur industriel”.

L’extension comprend la construction de nouveaux hangars, d’un hall de peinture supplémentaire, et d’un deuxième centre de livraisons capable d’accueillir jusqu’à 16 avions simultanément, soit une capacité doublée. Cette expansion permettra d’assurer une production continue malgré la montée en cadence. Le groupe vise une fabrication de 75 A320 par mois d’ici 2027, contre environ 50 aujourd’hui, avec Toulouse en première ligne.

Des surfaces colossales et un calendrier accéléré

Le dossier transmis à la MRAe indique la création de 52 743 m² d’emprise au sol et de 69 049 m² de surface de plancher supplémentaires. En parallèle, l’imperméabilisation du site augmentera de 172 561 m². Ces chiffres reflètent l’ampleur du chantier, réparti sur plusieurs zones d’aménagement dans la ZAC AéroConstellation.

Les travaux ont débuté à l’été 2025 et doivent s’échelonner jusqu’en 2027. Selon le document officiel, le trafic logistique interne du site devrait générer 199,4 t de CO₂ équivalent, contre 64,7 t actuellement, tandis que le trafic européen associé grimpera de 5 906 t à 23 187 t de CO₂ eq. Ces prévisions traduisent la complexité d’un projet mêlant productivité accrue et contraintes climatiques. “La création de nouvelles infrastructures tout en valorisant au maximum les installations existantes permet d’éviter l’imperméabilisation de 160 hectares”, souligne la MRAe dans son rapport.

Un investissement qui soutient l’emploi régional

Ce chantier d’envergure mobilise des centaines d’emplois directs dans la construction, l’ingénierie, la logistique et la maintenance. À plus long terme, il devrait également générer plusieurs centaines d’emplois indirects au sein des sous-traitants et partenaires régionaux.

La direction justifie cet agrandissement par la nécessité de renforcer la chaîne d’approvisionnement européenne, alors que les fournisseurs subissent encore les retards hérités de la pandémie. En renforçant Toulouse, Airbus ancre durablement le centre-sud de la France dans la compétition mondiale. L’entreprise a par ailleurs investi dans une infrastructure 5G privée, déployée avec Ericsson, pour connecter les ateliers de Hambourg et de Toulouse : un levier clé pour automatiser la traçabilité et la maintenance prédictive des lignes d’assemblage.

Une dérogation sous haute surveillance

L’octroi de la dérogation environnementale a suscité de vifs débats. La loi Climat et Résilience impose le zéro artificialisation nette à horizon 2050 ; or, le projet toulousain ajoute une importante emprise au sol. L’administration a jugé que l’impact restait “raisonné” en raison de la réutilisation d’un site déjà industriel et du statut prioritaire de la filière aéronautique pour la souveraineté nationale.

Cependant, la MRAe Occitanie a assorti son avis favorable de plusieurs recommandations environnementales : création d’ouvrages de régulation des eaux pluviales, mesures de compensation écologique, suivi des habitats protégés, et intégration d’espaces verts pour limiter les îlots de chaleur. Airbus s’est engagé à en tenir compte dans ses futurs permis. Les écologistes, eux, dénoncent une “exception de plus au détriment de la cohérence du ZAN”.

Modernisation technologique et résilience écologique

L’expansion d’Airbus ne se limite pas à la surface. Elle s’accompagne d’une modernisation profonde des infrastructures. Une nouvelle ligne d’assemblage A320neo est en cours de déploiement dans un ancien hangar modernisé. Ce projet, opérationnel courant 2025, vise à remplacer une ligne vieillissante tout en augmentant l’efficacité énergétique et la digitalisation des procédés.

En parallèle, le groupe investit dans la résilience énergétique : panneaux photovoltaïques, optimisation des flux thermiques et intégration de systèmes de récupération de chaleur. Ces évolutions répondent aux objectifs fixés par le plan européen Fit for 55 et par la stratégie interne “Airbus ZEROe”. La MRAe conclut que le projet “s’inscrit dans une logique de modernisation compatible avec les ambitions de neutralité carbone”, à condition que les mesures compensatoires soient pleinement appliquées.

Ade Costume Droit

Diplômée en géopolitique, Adélaïde a travaillé comme chargée d'études dans un think-tank avant de rejoindre Economie Matin en 2023.

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