Financer les EHPAD sans peser sur les dépenses publiques ?

Covid-19, scandales financiers et sanitaires, dépenses exponentielles de l’État qui peine à faire aboutir une loi du « bien-vieillir » manquant pourtant cruellement d’ambition, taux de remplissage des établissements pour seniors en nette baisse, vieillissement de la population, perte de sens pour les métiers du soin… les EHPAD traversent une crise majeure dont les effets se font sentir jusque sur les marchés financiers : Orpéa dévisse, Médicharme est en liquidation judiciaire pour 34 établissements, les investisseurs se détournent, les EHPAD publics tirent la sonnette d’alarme. Le modèle de l’EHPAD s’effondre.

Froger
Par Florian Roger Publié le 2 avril 2024 à 5h00
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80%80% des personnes en Ehpad le sont dans une unité urbaine.

C’est dans ce cadre que je propose « Maison TBien », une solution innovante pour métamorphoser les EHPAD, fondée sur une gouvernance renouvelée contribuant à diminuer durablement les dépenses de santé publique et le « reste à charge » pour les particuliers. Une solution « gagnant / gagnant » reposant pour sa mise en œuvre sur deux temps clés : faire évoluer la gouvernance des établissements et repenser l’aménagement des territoires.

Premier temps : faire évoluer la gouvernance des EHPAD

Le point de départ de la nouvelle gouvernance des EHPAD repose sur l’augmentation du temps de présence d’un médecin et la mise en place d’une démarche de médecine intégrative. Une étape qui représente 100 000 € d’investissement initial et pourrait être financé par le dispositif de subventions associé à l’article 51 de la loi de financement de la Sécurité Sociale.

Un an après avoir mis en place cette nouvelle gouvernance, chaque directeur d’EHPAD pourra mesurer les effets bénéfiques sur plusieurs postes de dépenses stratégiques : moins 66% d'hospitalisations soit 827 000 € d’économie, moins 25% de consommation de médicaments soit l’équivalent de 33 000 €, moins 40% de transports sanitaires, soit une économie de 40 000 €1. Au total, le retour sur investissement est de 900 000 €.

La deuxième année valorisera humainement ce retour sur investissement par une optimisation du bien-être des résidents. Ainsi 100 000 € seront réinjectés pour maintenir la présence d’un médecin du lundi au samedi, ainsi que celle des thérapeutes bien-être ; 350 000 € pour augmenter le ratio de personnel soignant afin d’atteindre le chiffre d’un(e) aide-soignant(e) pour six habitants ; 350 000 € pour la revalorisation et la reconnaissance des métiers du soin et du bien-être avec une augmentation des salaires des soignants de 350 € brut/mois et enfin 100 000 € pour rembourser la subvention CPAM (article 51).

Fondée sur un cercle vertueux et des investissements ciblés pertinents, cette nouvelle gouvernance s’inscrit dans une vision pérenne.

Second temps : repenser l’aménagement sanitaire des territoires

L’objectif est de repenser l’aménagement sanitaire de nos territoires en développant, en zone de désert médical, un accès aux soins pour l’ensemble des citoyens à travers la mise en place de « centres de santé » ou de « maisons médicales » adossés à un EHPAD. Ces centres permettraient de développer le « cure », c’est-à-dire les soins curatifs indispensables au quotidien, ainsi que le « care », cette dimension de « bien-être » indispensable dans la pensée actuelle du soin.

La création de ces centres ou maisons médicales contribuerait à un système de « Médecine Santé pour Tous » en hyper proximité des besoins de chacun. Combinée au déploiement d’une médecine intégrative2 prônée par l’OMS, c’est le retour à une santé publique de grande proximité, à la fois préventive et curative.

La première année, le coût de mise en place de ce second dispositif s’élèverait à 0,5 million d’€ par établissement.

Dès la deuxième année, le retour sur investissement serait de 3 millions d’€ : 2 millions d’€ correspondant à la diminution de 25% du nombre d'hospitalisations dans les urgences à 30 kilomètres autour des dispositifs « Médecine Santé pour Tous »3; 0.3 million d’€ résultant d’une diminution de 25% de la consommation de médicaments ; 0,7 million d’€ provenant de la diminution de 40% du nombre de transports sanitaires (SAMU / pompiers, taxis conventionnés, etc.) ; soit au total une économie pour les caisses de la CPAM de 3 millions d’€ et donc un retour sur investissement de 2,5 millions d’€.

La troisième année, ces 3 millions d’€ seraient valorisés humainement de la manière suivante : 0.5 million d’€ rembourserait l'argent investi dans la création du dispositif ; 2 millions d’€ par an et par EHPAD ( d’une taille moyenne de 90 lits) seraient utilisés afin de diviser par trois le reste à charge pour les usagers/familles, le faisant passer de 3000 à 1000 € ; les 0.5 million d’€ restant pouvant être réinjectés dans les centres de santé pour développer la prévention et sensibiliser les citoyens.

Maison TBien : une réponse globale et systémique

Véritable méthodologie de financement du bien vieillir, concept novateur et efficient, Maison TBien crée un cercle financier vertueux afin de développer un accompagnement digne et humain en EHPAD.

Cette métamorphose aura des effets d’impacts positifs et variés : désaturation des urgences, lutte contre les déserts médicaux, renforcement de la politique de prévention en misant sur un meilleur accès aux soins holistiques et en réduisant la polymédication. Pour tous les EHPAD, c’est définitivement tourner le dos à une vision dépassée et à des dérives objectivement choquantes.

Ce cercle vertueux n’est pas que financier et budgétaire, il est aussi celui de la confiance, celle des familles, des seniors et des personnels médicaux, paramédicaux et administratifs. C’est rendre à nouveau financièrement les EHPAD accessibles pour tous et restaurer une équité fondamentale grâce à la diminution du reste à charge pour les familles.

Maison TBien est une réponse globale, concrète et pragmatique face aux enjeux considérables du vieillissement et à ses conséquences et ce, sans peser sur les dépenses publiques. La métamorphose des EHPAD pourrait ainsi passer par ce modèle. J’ai l’espoir de pouvoir accompagner d’autres structures dans ce sens. Pour cela, j’ai besoin que les décideurs politiques et les pouvoirs publics éprouvent, dans les meilleurs délais, la solution TBien. On peut avoir une conviction et vouloir changer les choses mais en tant que simple entrepreneur, je ne peux être seul face à un défi social et sociétal gigantesque. Eprouvée, vérifiée et encadrée, la solution TBien peut accompagner une autre vision du « bien-vieillir ». J’en ai l’intime conviction parce que je le vis au quotidien à la Mélod’hier et à Mélavie.

1 Chiffres constatés sur chacun de mes deux établissements

2 La médecine intégrative associe la médecine scientifique occidentale aux approches complémentaires (thérapies bien-être et interventions non médicamenteuses)

3 chiffre CPAM sur le nombre de passages aux urgences

Froger

Par Florian Roger, directeur de deux maisons pour grands séniors, la Mélod’hier à Coubert (77) et Mélavie à Montgeron (91)

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