Temps de travail : faire travailler un salarié 12 jours d’affilée, c’est légal !

Votre patron peut désormais vous faire travailler jusqu’à 12 jours d’affilée ! C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation le 13 novembre 2025. Cette décision, fondée sur une lecture précise de la notion de « semaine » dans le Code du travail, bouleverse une interprétation pourtant bien ancrée du repos hebdomadaire et soulève des questions essentielles pour chaque salarié soumis à une organisation du temps de travail contraignante.

Anton Kunin
By Anton Kunin Published on 24 novembre 2025 8h08
Temps de travail : faire travailler un salarié 12 jours d'affilée, c'est légal !
Temps de travail : faire travailler un salarié 12 jours d’affilée, c’est légal ! - © Economie Matin
12En théorie. un salarié peut être appelé à travailler jusqu'à 12 jours d'affilée.

Votre patron peut désormais vous faire travailler jusqu’à 12 jours d’affilée ! C'est ce qu'a décidé la Cour de cassation le 13 novembre 2025. Cette décision, fondée sur une lecture précise de la notion de « semaine » dans le Code du travail, bouleverse une interprétation pourtant bien ancrée du repos hebdomadaire et soulève des questions essentielles pour chaque salarié soumis à une organisation du temps de travail contraignante.

Le repos hebdomadaire s'entend « par semaine civile », juge la Cour de cassation

Le 13 novembre 2025, la Cour de cassation a décidé que la semaine à laquelle renvoie l’interdiction pour un salarié de dépasser six jours travaillés d'affilée correspond, strictement, à la semaine civile, du lundi 0 h au dimanche 24 h. Cette interprétation, qui s’appuie sur la jurisprudence européenne, permet désormais à un salarié de travailler jusqu’à 12 jours consécutifs, sans que l’employeur ne viole l’obligation de repos hebdomadaire. Alors que le droit du travail fixe un repos de 24 heures auquel s’ajoutent les 11 heures de repos quotidien, la Cour estime que ces temps doivent être appréciés semaine par semaine, et non en fonction d’un décompte glissant.

Cette formulation introduit un changement notable, car elle écarte l’idée d’un repos obligatoire dès que six jours consécutifs ont été atteints. Elle privilégie la logique de semaine civile, ce qui, en pratique, permet des séquences de travail particulièrement longues, tant que les règles de repos sont respectées dans chaque semaine.

Pour comprendre l’impact de cette décision, il faut rappeler que l’article L. 3132-1 du Code du travail pose l’interdiction de faire travailler un salarié plus de six jours par semaine. Jusqu’ici, beaucoup de juristes considéraient ce seuil comme empêchant d’enchaîner plus de six jours consécutifs. Or, grâce à cette nouvelle lecture, un salarié peut travailler du mardi au dimanche une première semaine, puis du lundi au samedi la suivante. La présence d’un repos dans chaque semaine civile respecte formellement la loi, même si l’enchaînement total atteint douze jours.

Une cohérence revendiquée avec le droit de l’Union européenne

L’affaire ayant donné lieu à cet arrêt concernait un salarié ayant travaillé 11 jours consécutifs lors d’un salon (du 3 au 13 avril 2018), puis 12 jours consécutifs en septembre de la même année. La cour d’appel de Pau avait jugé ces pratiques illicites et avait condamné l’employeur. Toutefois, la Cour de cassation a annulé ce raisonnement, considérant que les repos hebdomadaires accordés dans chacune des semaines civiles étaient suffisants. Ainsi, bien que l’enchaînement atteigne 11 ou 12 jours, le droit au repos est considéré comme respecté dès lors que le salarié bénéficie, chaque semaine, de 24 heures de repos hebdomadaire assorties des 11 heures de repos quotidien.

La décision française ne surgit pas de nulle part : elle s’appuie directement sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Cette dernière avait admis que la directive 2003/88/CE n’exige pas que le repos soit accordé immédiatement après six jours de travail. En choisissant de suivre cette lecture, la Cour de cassation adopte une approche qui se veut conforme à la norme européenne. Ce raisonnement permet d’éviter des contradictions entre le droit national et le droit européen. Toutefois, il modifie l’équilibre entre flexibilité pour les employeurs et protection de la santé des travailleurs, un équilibre historiquement fragile dans le droit social.

Des interrogations persistantes concernant les risques pour la santé

Malgré la cohérence juridique, cette décision soulève des inquiétudes légitimes. L’enchaînement de 12 jours de travail consécutifs, même s’il respecte le repos de 24 heures par semaine et les 11 heures quotidiennes, reste éprouvant dans de nombreux secteurs. L’obligation de sécurité de l’employeur ne doit pas être dédaignée : l'employeur est tenu de de préserver la santé physique et mentale des salariés en s’assurant de l'absence de risque lié à la fatigue accumulée. De plus, les conventions collectives peuvent instaurer des règles plus protectrices, interdisant ou encadrant plus strictement les séquences longues.

Cette souplesse ne modifie pas non plus les règles sur la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail. Elle n’autorise pas l’employeur à ignorer les limites de 10 heures par jour et de 48 heures par semaine, sauf dérogations encadrées. De même, les inspections du travail pourront toujours contrôler la manière dont les jours de repos sont réellement accordés.

Il faut également noter que des textes conventionnels plus favorables au salarié s’appliquent en priorité. Certaines branches imposent par exemple un repos hebdomadaire plus long ou limitent explicitement les jours travaillés de manière consécutive. Ces dispositions continueront à primer.

Anton Kunin

Après son Master de journalisme, Anton Kunin a rejoint l'équipe d'ÉconomieMatin, où il écrit sur des sujets liés à la consommation, la banque, l'immobilier, l'e-commerce et les transports.

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