L’enseigne de grande distribution E.Leclerc a révélé, le 15 avril, son plan de décarbonation à l’horizon 2035. Dans une ambition clairement affichée, le groupe promet de réduire de 50 % ses émissions de gaz à effet de serre, tous scopes confondus, à partir d’un niveau de référence colossal : 73,6 millions de tonnes de CO₂ enregistrées en 2023. Un chiffre qui englobe les émissions directes, les consommations énergétiques et celles liées à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.
Leclerc accélère sa transition énergétique avec biocarburants et bornes électriques

Mais dans cet affichage vertueux, un détail mérite attention. Les déplacements des clients ne sont pas intégrés, car « la méthodologie utilisée rend le calcul facultatif », a reconnu Leclerc. Pourtant, ces trajets pèsent lourd dans le bilan carbone d’un supermarché. « Par contre, nous les avons calculés et prévoyons de mener des actions sur ce point », assure-t-on chez E.Leclerc.
E.Leclerc et les biocarburants : une vitrine verte ou une vraie rupture ?
Le carburant est au cœur du problème. En 2023, plus de la moitié des émissions du groupe provenaient des hydrocarbures. C’est donc là que Michel-Édouard Leclerc concentre ses efforts, mise en avant des biocarburants, introduction de HVO100, un diesel synthétique issu d’huiles végétales et de déchets organiques, et offensive sur le superéthanol E85, grâce à des kits de conversion installés dans les 120 centres techniques de l’enseigne.
Mais attention, ces produits alternatifs ne sont pas accessibles à tous. Le HVO100 reste 20 centimes plus cher par litre que le diesel traditionnel, et Leclerc demande à l’État de revoir sa fiscalité. « Il faut cesser d’aligner le biodiesel sur la taxation du gazole », martèle le patron, dans des propos rapportés par Caradisiac, sans grand espoir d’être entendu en période de restrictions budgétaires. Pour autant, 42 % des camions des transporteurs affiliés roulent déjà au HVO100, et un contrat d’approvisionnement vient même d’être signé avec la RATP. Une avancée concrète, certes, mais qui pose une question : ces biocarburants resteront-ils un levier de communication ou pourront-ils réellement s’imposer dans les stations ?
L’électricité selon E.Leclerc : réseau privé et bornes publiques
L’autre pilier du plan se joue sur le terrain de l’électricité. Dès la fin 2025, l’enseigne lancera Charge E-Lec, une offre de recharge électrique à prix maîtrisé, avec l’ambition de passer de 4 300 bornes actuellement à 15 000 d’ici 2035. Une expansion spectaculaire, rendue possible par des investissements massifs dans le photovoltaïque. Trois millions de mètres carrés de panneaux solaires doivent être installés pour alimenter le réseau et réduire les coûts.
Leclerc envisage même de collaborer avec des opérateurs comme Tesla pour développer un maillage de super chargeurs en marque blanche. Un partenariat stratégique ou un simple coup de bluff ? Philippe Amann, président de la Siplec, l’entité du groupe dédiée aux produits et services Énergies, laisse planer le doute : « Ce serait pour eux un nouveau débouché ». Mais cette stratégie d’intégration verticale cache une logique bien rodée, fidéliser le consommateur par le service énergétique, comme hier par les carburants bon marché. Autrement dit, faire de l’électricité une nouvelle arme de captation dans la guerre des enseignes.
Des produits traçables, une chaîne plus lisible
L'effort de transparence est une autre brique du projet. Depuis cette semaine, plus de 6 000 produits alimentaires sous marques de distributeur (Marque Repère, Bio Village, Eco +, Nos Régions ont du Talent) affichent leur empreinte carbone via l’outil Carbon’Info. Celui-ci couvre tout le cycle de vie : production, transformation, transport, distribution et même usage domestique. « Il nous faut décarboner toute la chaîne, du producteur au consommateur », résume Michel-Édouard Leclerc dans des propos rapportés par CB News.
Une déclaration ambitieuse, mais dont l'application aux produits de marques nationales (Coca-Cola, Haribo, Nutella…) reste conditionnée. Sur ce segment, 20 % des émissions du groupe sont en jeu, et Leclerc admet que seuls 250 fournisseurs concentrent 73 % des émissions totales. D’où l’appel à des « engagements concrets de réduction », sans autre précision sur les moyens de pression envisagés.
