Livret A : une opportunité cachée pour les Français

En effet, si les particuliers pourraient y voir un manque à gagner à court terme, cela pourrait également les aider à repenser leur rapport à l’épargne et à l’investissement, ce qui ne serait que bénéfique pour eux à long terme. 

Selon sa formule de calcul, le taux du livret A aurait dû passer à 4,1%. En théorie, son taux doit correspondre à la moyenne arithmétique, arrondie au dixième de point le plus proche, entre l’inflation hors tabac et les taux interbancaires des six derniers mois. La formule de calcul, qui est en vigueur depuis février 2020, minorait déjà le rôle de l’inflation dans la détermination du taux du Livret A. Cela pourrait  s’expliquer par une volonté de plus en plus assumée du gouvernement de faire évoluer le comportement des Français en matière d’épargne, en favorisant une appétence au risque plus élevée et leur participation au financement de l’économie.

En 2022, le livret A a réalisé une collecte nette record avec 27 milliards d’euros. Au premier trimestre 2023, un nouveau record a été atteint sur la période, avec une collecte avoisinant les 20 milliards - signe de sa toute-puissance dans l’esprit des Français. Mais le maintien de son taux à 3% jusqu’en 2025 pourrait amorcer un changement majeur dans la manière dont les Français gèrent leurs portefeuilles, en les faisant passer d’épargnants friands de livrets à de véritables investisseurs en herbe.

Le succès du livret A s’est toujours expliqué par sa stabilité et l’aversion au risque dont souffrent les Français. Pourtant, bien que toujours très sollicité en période d’inflation, ce dernier ne permet pas de compenser la perte de pouvoir d’achat elle-même étroitement liée à l’inflation. Ainsi, les Français auraient beaucoup plus à gagner en attribuant au livret A le rôle qu’il devrait idéalement avoir, à savoir un support pour l’épargne de précaution ou de court terme, et non pas un support d’investissement capable de se suffire à lui-même. 

Les fonds en euro de l’assurance constituaient traditionnellement une alternative au Livret A, avec des encours plus de trois fois supérieurs et sans plafond. Leur rémunération moyenne de 1,3% en 2021 et de 2,0% en 2022 ne satisfait cependant plus un nombre croissant de Français, comme en témoigne la collecte nette négative sur chacun des cinq premiers mois de 2023. Ce sont alors d’autres alternatives comme l’investissement en bourse qu’il convient aux Français d’explorer, afin de briser le plafond de verre et amorcer un véritable changement de mentalité sur la question.

L’investissement, par nature, se définit par l’acceptation d’une prise de risque, dans l’espérance de gains plus élevés. Mais une prise de risque est-elle synonyme de démesure ? Le risque peut bien évidemment se nuancer. C’est notamment le cas par le biais de la diversification, facilitée par certaines classes d’actifs comme les ETF. Les plans d’investissement peuvent ajouter une couche supplémentaire de diversification dans le temps pour profiter du lissage des prix d’entrée avec un investissement périodique et automatique.

Ainsi, le maintien du taux du livret A à 3% permet d’ouvrir une nouvelle réflexion de fond sur l’épargne, l’investissement, et le rapport global des Français à ces deux notions - en particulier au regard de l’inflation. Petit à petit, l’épargne traditionnelle et garantie comme les livrets ou les fonds en euros de l’assurance-vie pourrait céder la place à de nouveaux comportements en matière d’investissement.

Cette évolution est observable dans de nombreux pays européens mais aussi en France avec l’essor de l’adoption des ETF auprès des particuliers. L’investissement pourrait contribuer à relever des défis sociétaux majeurs comme l’enjeu des retraites ou du financement de la transition de l’économie. Une chose est sûre : prendre en main son avenir financier par le biais d’un investissement en lien avec ses valeurs et ses convictions, tout en acceptant les risques inhérents à l’investissement, est un comportement qui va continuer à se démocratiser.