À Londres, entrer chez Aldi coûte plus de 11 euros

À l’entrée de son magasin Shop & Go de Greenwich, dans le sud-est de Londres, Aldi a mis en place un système de prépaiement de 10 livres sterling, soit 11,73 euros. Ce dispositif, présenté comme une expérimentation technologique, bouleverse les habitudes des consommateurs. Le supermarché, entièrement automatisé et dépourvu d’employés en caisse, déclenche ainsi une tempête médiatique, éthique et sociale.

Stephanie Haerts
By Stéphanie Haerts Last modified on 6 mai 2025 11h07
À Londres, entrer chez Aldi coûte plus de 11 euros
À Londres, entrer chez Aldi coûte plus de 11 euros - © Economie Matin

Aldi à Londres : une innovation qui commence à coûter cher

À Greenwich, le tout dernier Aldi de Londres n’a rien d’un magasin ordinaire. Pas de caisses, pas de personnel. L’expérience d’achat repose sur une technologie de reconnaissance via capteurs et caméras. L'entrée ? Payante, ou presque. Car pour franchir les portiques, il faut avancer 10 livres.

Selon 20 Minutes, cette somme est « remboursée dans les deux jours » en cas de non-achat, mais le délai dépend de la banque du client. L'argent est prélevé, quoi qu’il arrive. Cette automatisation prétend améliorer le parcours client. Mais dans les faits, elle introduit un nouveau type de barrière : « si vous ne consommez pas (ou moins de dix livres), vous êtes remboursés dans les deux jours », écrit Diane Regny. Une temporalité incompatible avec les contraintes financières de nombreux foyers.

Aldi : vers un commerce sous condition ?

Le principe est simple. Une application ou une carte bancaire valide votre passage. Le montant prélevé à l’entrée est ensuite ajusté selon vos achats. Problème, la logique de prépaiement change profondément le sens même de l’acte commercial. Ce n’est plus l’achat en lui-même qui crée l’engagement, mais bien la simple présomption de vouloir acheter.

Pour entrer chez Aldi, il ne suffit plus d’avoir faim, il faut prouver qu’on peut payer. Ce « péage technologique », comme l’appelle le média, s’accompagne d’une double exclusion : celle des précaires, et celle des personnes non connectées. Sans smartphone, sans application, sans compte en banque, l’accès vous est refusé.

À Londres, Aldi inverse les règles du commerce de détail

La promesse de l’automatisation totale ne masque plus les travers d’un système qui place la technologie au-dessus de l’humain. Steve Farrell, dans The Grocer, ironise sur cette contradiction majeure : « Le but est d'optimiser l'expérience client, mais cette politique crée justement de la friction ».

Il relate même une démonstration où un client se voit débiter 10 livres pour avoir acheté un article de 99 pence, soit un peu plus d’un euro. Des dysfonctionnements s’ajoutent à ce modèle. Selon 20 Minutes, certains clients ont été « prélevés plusieurs fois après avoir appuyé plusieurs fois sur le bouton d’entrée ».

Aldi : un modèle importé… et rejeté ?

Aldi s’inscrit dans une tendance déjà tentée, et abandonnée, par Amazon avec ses magasins « Just Walk Out ». Presse-Citron rappelle l’échec cuisant du géant américain : « Amazon [...] s’est pris une sévère correction avec son ‘Just Walk Out’ ». Et pour cause : dans les cultures occidentales, le supermarché est encore perçu comme un espace libre, où l’on peut entrer sans acheter, observer, comparer, revenir. Ce n’est pas une salle de spectacle.

En Asie, et plus particulièrement au Japon ou en Corée du Sud, ce type de dispositif s’intègre harmonieusement à des cultures où le respect de l’espace d’autrui et l’évitement de toute gêne sont profondément ancrés. L’automatisation du service y trouve donc naturellement sa place. En revanche, appliquer ce modèle tel quel en Europe revient à imposer une vision technologique sur un cadre social qui repose sur des dynamiques différentes. Ce qui est admis dans ces sociétés orientales ne se transpose pas automatiquement de ce côté-ci du globe. La modernité n’a de sens que si elle s’inscrit dans une culture et une société prêtes à l’embrasser. À Londres, cette vision est déjà contestée.

Stephanie Haerts

Rédactrice dans la finance et l'économie depuis 2010. Après un Master en Journalisme, Stéphanie a travaillé pour un courtier en ligne à Londres où elle présentait un point bourse journalier sur LCI. Elle rejoint l'équipe d'Économie Matin en 2019, où elle écrit sur des sujets liés à l'économie, la finance, les technologies, l'environnement, l'énergie et l'éducation.

No comment on «À Londres, entrer chez Aldi coûte plus de 11 euros»

Leave a comment

* Required fields