Écrans et insomnie : la lumière bleue est-elle vraiment en cause ?

Longtemps accusée d’être l’ennemie du sommeil, la lumière bleue émise par nos écrans est-elle vraiment responsable de nos nuits blanches ? Alors que le marché des filtres anti-lumière bleue explose, des scientifiques remettent en cause cette idée reçue. Et si le vrai problème était ailleurs ?

By Alix de Bonnières Published on 7 septembre 2025 14h00
lumière bleue
Écrans et insomnie : la lumière bleue est-elle vraiment en cause ? - © Economie Matin
1Évitez les écrans 1 heure avant de vous coucher.

Une influence réelle, mais largement exagérée

Depuis plusieurs années, la lumière bleue est devenue le bouc émissaire idéal pour expliquer l’explosion des troubles du sommeil. Pourtant, les données scientifiques les plus récentes remettent en cause sa responsabilité directe dans l’apparition de l’insomnie. D’après Claude Gronfier, chronobiologiste à l’Inserm, « la lumière bleue n’est pas l’ennemie jurée du sommeil que l’on croyait », des propos rapportés par L’Express.

En réalité, les récepteurs à mélanopsine, sensibles à cette lumière particulière, jouent un rôle important dans la régulation des rythmes circadiens. Ils influencent la production de mélatonine, hormone centrale du cycle veille-sommeil. Toutefois, ce mécanisme n’est pas exclusif. Selon Sciences et Avenir, l’intensité lumineuse dans son ensemble – quelle que soit la couleur du spectre – semble peser davantage dans la balance. Une lumière blanche intense peut donc perturber le sommeil autant qu’un écran rétroéclairé. C’est ce qu’illustre la remarque du professeur Paul Gringras, spécialiste en neurosciences pédiatriques : « On dort aussi mal après avoir lu un roman en lumière forte qu’après avoir scrollé Instagram ».

Des filtres contestés et un effet placebo probable

Les filtres anti-lumière bleue ont envahi le marché : lunettes spécifiques, applications de réduction de lumière bleue, modes "nuit" intégrés dans les appareils. Pourtant, plusieurs experts relativisent leur efficacité. Samuel Badr, ophtalmologiste, souligne sur Portail Free que « l’effet néfaste attribué à la lumière bleue est largement exagéré ». Selon lui, ces outils auraient avant tout un effet psychologique, proche du placebo.

Dans un article de The Conversation, on apprend également que certains filtres modifient les contrastes de l’image, ce qui pourrait nuire à la lisibilité et donc prolonger l’activité mentale avant l’endormissement. De plus, certains chercheurs alertent sur le fait que l’attention excessive portée à la lumière bleue pourrait masquer d’autres causes essentielles de l’insomnie : stress, mauvaise hygiène du sommeil, usage prolongé d’écrans à des fins stimulantes.

Le point commun de ces critiques repose sur un constat : c’est moins la nature de la lumière que son usage et son contexte qui comptent. En d’autres termes, lire un courriel anxiogène ou jouer à un jeu dynamique en soirée pourrait avoir bien plus d’effets sur le cerveau que la simple exposition à une onde lumineuse bleutée.

Une problématique particulièrement marquée chez les adolescents

Les jeunes générations sont particulièrement exposées à la lumière des écrans, mais aussi à un usage prolongé de ces dispositifs jusqu’à une heure tardive. Cela a des répercussions concrètes sur leur cycle de sommeil. D’après une étude rapportée par The Conversation, 80 % des adolescents français dorment moins de 8 heures par nuit en semaine. Et lorsqu’ils utilisent leurs écrans après 21 h, un décalage de phase du sommeil d’environ 30 minutes est observé.

Ce phénomène s’explique non seulement par la lumière, mais surtout par la sollicitation cognitive intense des contenus numériques. Réseaux sociaux, vidéos, jeux : l’éveil mental est stimulé, retardant l’arrivée du sommeil. Cette perturbation est accentuée chez les jeunes dont les rythmes biologiques sont naturellement plus tardifs. « L’usage intensif des écrans chez les adolescents est associé à un décalage de phase du sommeil et à une durée de sommeil insuffisante », explique toujours The Conversation.

Par ailleurs, comme le souligne Libération dans son dossier du 15 juin 2023, l’exposition nocturne à une lumière artificielle – quelle qu’elle soit – constitue une forme de pollution lumineuse qui dérègle les rythmes biologiques naturels. L’interruption du cycle circadien par des stimulations lumineuses en soirée peut, à long terme, favoriser des pathologies chroniques telles que les troubles métaboliques, cardiovasculaires, voire certains cancers.

Une hygiène du sommeil à repenser au-delà de la lumière bleue

Si la lumière bleue ne doit pas être totalement innocentée, son influence isolée sur l’endormissement apparaît aujourd’hui très limitée. Ce constat s’inscrit dans une réflexion plus large sur les conditions favorables au sommeil. Car les causes de l’insomnie sont multifactorielles : stress, anxiété, rythmes de vie décalés, absence de routine, exposition aux écrans pour des usages émotionnels ou cognitifs intenses.

De nombreux experts recommandent de limiter toute forme d’exposition lumineuse forte dans l’heure qui précède le coucher. Cela inclut aussi les éclairages LED domestiques ou les lumières de la ville visibles depuis une fenêtre. En parallèle, favoriser des activités calmes, éviter les contenus stimulants et maintenir une régularité dans les horaires de sommeil restent des principes essentiels.

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