La mémoire du cerveau : à l’attaque des neuromythes !

Les neuromythes, largement répandus dans la société contemporaine, sont des croyances erronées sur le fonctionnement du cerveau humain. Souvent basés sur des éléments scientifiques réels mais mal interprétés, tronqués, ou non actualisés, ces mythes ont la particularité de persister malgré les avancées de la recherche en neurosciences.

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Par Mathieu Hainselin Publié le 19 décembre 2023 à 5h00
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10%Non, nous n'utilisons pas que 10% de notre cerveau.

Un exemple emblématique est celui selon lequel nous n'utilisons que 10% de notre cerveau, une idée séduisante popularisée par des œuvres de fiction et des déclarations attribuées à des personnalités renommées. Ces neuromythes sont souvent entretenus par des mécanismes complexes tels que l'effet d'autorité, le biais de familiarité, et même une intégration dans notre identité personnelle.

Comment un neuromythe se fabrique-t-il ?

En général, les neuromythes reposent sur des faits scientifiques réels, mais parcellaires, mal compris ou qui n’ont pas été actualisés. Prenons le mythe le plus répandu, parfois attribué à Einstein, selon lequel « on n’utilise que 10% de notre cerveau ». Ce neuromythe a émergé dans un contexte sociétal qui était favorable ; il est en effet plaisant de croire que nous avons un énorme potentiel inexploité. Cette idée est illustrée par de nombreuses œuvres de fiction, comme le film Lucy de Luc Besson par exemple, et tous les films de super héros. Cette croyance a ensuite été confortée par la publication d’images de cerveau faisant apparaître 2 à 3 petites régions spécifiques colorées. Ces images, issues de travaux scientifiques mais obtenues avec des méthodes particulières, entretiennent l’idée que le langage, le raisonnement mathématique n’utilisent qu’une infime partie du cerveau. Depuis une quinzaine d’années, l’étude du réseau de repos (ou réseau du mode par défaut) a montré qu’en réalité, même lorsque l’on ne fait rien de particulier, la majeure partie du cerveau est en activité, et pas seulement 10%...

Pourquoi les neuromythes sont-ils si résistants ?

Si les neuromythes sont tellement ancrés, c’est qu’ils sont souvent entretenus par plusieurs facteurs : un effet d’autorité, lié à la personne qui l’a énoncé, un biais de familiarité lorsqu’on a entendu plusieurs fois une même information de sources différentes. Il est compliqué de s’en défaire car ces mythes sont rassurants et ils sont parfois devenus une part de notre identité, comme par exemple le neuromythe lié au style d’apprentissage préféré : « Moi je suis visuel, je revois la page du livre ».

Quels sont les principaux neuromythes à déconstruire ?

Ce neuromythe du style d’apprentissage préféré, est probablement celui qui a le plus d’impact dommageable sur les pratiques éducatives, car il conduit à se priver de stratégies d’apprentissage très efficaces. En effet, celles-ci reposent notamment sur la multimodalité, c’est-à-dire le fait de combiner plusieurs canaux pour apprendre : visuel, auditif, kinesthésique…

Un autre neuromythe très souvent donné est celui de la dominance hémisphérique : « êtes-vous plutôt cerveau gauche ou cerveau droit ? » Ce mythe repose sur une réalité scientifique, basée sur des opérations de neurochirurgie pratiquées il y a plusieurs années, où l’on procédait à des injections d’anesthésiant dans une région assez large du cerveau avant d’opérer pour enlever une zone malade (tumeur par exemple) sans léser d’autres zones voisines importantes. Ces expériences ont montré qu’il existe des régions spécialisées plus particulièrement liées à un hémisphère mais cela existe de façon nuancée, ce n’est pas « un hémisphère pour une fonction ». Cette croyance est entretenue par les nombreux schémas symbolisant le côté logique du cerveau gauche et artistique du cerveau droit. En réalité, le cerveau a une plasticité qui permet de s’adapter et n’est donc pas dans un fonctionnement figé : des recherches très récentes ont montré que les deux hémisphères sont mobilisés pour réaliser certaines tâches complexes, notamment de créativité.  

Quelles stratégies d’apprentissage et de mémorisation sont vraiment efficaces ?

Il existe deux grandes clés : la première consiste à tester ses connaissances. Cela permet d’améliorer ses capacités de récupération, essentielles lorsqu’on veut retrouver ce que l’on a appris pour une conversation ou un examen. Cette démarche de se tester implique de se mettre face à son propre échec, ce qui peut être stressant, et nettement moins « confortable » que le fait de relire, où on vérifie juste la familiarité du cours en surface. En pratique, on peut préparer des cartes avec d’un côté la question, de l’autre la réponse et se tester avec des quiz. C’est encore mieux à plusieurs à l’oral, car on combine l’écriture, la lecture, l’oralité et le jeu…

La 2e notion clé est l’espacement : à volume de travail égal, au lieu de réviser de façon massée en une fois, il est plus efficace de fractionner et répartir le temps de révision sur plusieurs jours. L’idéal est de coupler avec des tests, faisant ainsi de la « récupération espacée ». Plus on répète le chemin de récupération en mémoire, plus cela entraine notre cerveau à retrouver l’information et moins on a d’effort à produire ! Si l’on augmente le délai entre les séances, cela permet de mieux lutter contre l’oubli progressif, car lorsqu’un souvenir va être oublié, on le réactive…

Pour cela, il est conseillé de réaliser un planning de révisions et de tests. Les enseignants peuvent aider leurs élèves en préparant une « banque de questions » pour revoir et ancrer les contenus, et en leur proposant quelques questions avant de démarrer le cours. Les nouveaux outils numériques (plateformes) permettent de faire des sondages en temps réel et d’obtenir le pourcentage de bonnes réponses, un bon indicateur aussi pour l’enseignant.

Ainsi, à défaut d’avoir 90% de notre cerveau qui resterait à utiliser, ce qui est sûr en revanche, c’est qu’il est possible d’augmenter très efficacement nos performances d’apprentissage et de mémorisation. Gagnons un temps précieux en adoptant des stratégies qui ont fait leurs preuves !

Mhainselin

Neuropsychologue et membre du Conseil scientifique de l’Observatoire B2V des Mémoires

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