L’État de New York a marqué, ce lundi 23 juin, une rupture dans sa politique énergétique en annonçant officiellement le lancement d’un projet de centrale nucléaire. Cette initiative, dévoilée par la gouverneure démocrate Kathy Hochul, ressuscite une filière oubliée aux États-Unis, où aucune nouvelle installation n’a été initiée depuis 2009. En pleine frénésie numérique et sous pression climatique, le nucléaire tente ainsi un retour.
New York relance le nucléaire avec un projet de centrale d’un gigawatt

La centrale nucléaire, cheval de bataille de New York face aux limites du renouvelable
Lors d’une conférence de presse à Albany, Kathy Hochul, a annoncé vouloir « Développer et construire une centrale nucléaire de nouvelle génération dans le nord de l’État de New York ». La commande a été passée à la New York Power Authority (NYPA), bras armé énergétique de l’État. Objectif affiché, produire au moins un gigawattheure (GWh), l’équivalent de la production d’une centrale conventionnelle. Rien de moins. Il faut dire que le nucléaire avait été relégué au second plan depuis la fermeture anticipée d’Indian Point en 2021.
Ce projet, encore sans localisation précise, pourrait mobiliser des technologies conventionnelles ou des SMR (Small Modular Reactors), bien que ces derniers n’aient toujours pas reçu d’approbation de la Nuclear Regulatory Commission (NRC). Et pendant que les panneaux solaires prolifèrent, que les éoliennes saturent les plaines, que les rivières s’assèchent, un constat s’impose, le renouvelable ne suffit pas. Les centrales thermiques sont indésirables, l’hydroélectricité atteint ses limites, et l’électrification progresse à marche forcée. Le nucléaire revient alors par la grande porte, auréolé du label « zéro émission ».
Cloud, intelligence artificielle et appétit énergétique insatiable : l’autre moteur du projet nucléaire new-yorkais
L’étrange moteur de ce réveil nucléaire ? Pas le climat. Pas les réseaux électriques vétustes. Mais les data centers. Des cathédrales de serveurs, dopées à l’intelligence artificielle, affamées d’électricité continue. « Nous avons attiré certaines des entreprises les plus innovantes au monde », a déclaré Kathy Hochul dans des propos rapportés Le Figaro. « Elles arrivent, mais maintenant, notre défi est de leur fournir l’électricité pour prospérer. » Et en coulisse, les géants de la tech poussent.
Ils exigent une énergie abondante, stable, et neutre en carbone. Un combo que seul le nucléaire est, aujourd’hui, capable d’offrir. Le cabinet de la gouverneure évoque des « besoins énergétiques exponentiels liés à l’essor de l’informatique dématérialisée ». Sans centrale nucléaire, pas de métavers, pas de super IA, pas d’économie numérique souveraine. La gouverneure ne cache pas sa volonté d’ancrer New York comme capitale du green tech power, mais sans les intermittences du vent ni les sautes d’humeur du soleil.
Une annonce symbolique…
Le dernier chantier nucléaire civil lancé aux États-Unis remonte à 2009, sur le site de Vogtle (Géorgie). L’unité 3 n’est entrée en service qu’en juillet 2023, la 4 en avril 2024. Coûts multipliés, délais triplés, controverses à la chaîne. Ce précédent n’a pas refroidi Kathy Hochul, qui mise sur une nouvelle ère technologique. Mais elle n’a fourni aucun calendrier, aucune estimation budgétaire, aucun partenaire industriel. Du côté des partisans, les syndicats et chambres de commerce applaudissent. Le projet pourrait générer des milliers d’emplois directs et indirects.
La New York Building Congress y voit une « opportunité historique pour l’industrie locale ». Mais les critiques fusent. Des ONG comme le Sierra Club dénoncent une « distraction coûteuse et lente ». Le New York Public Interest Research Group rappelle que « les SMR sont loin d’être prouvés, et les réacteurs traditionnels sont obsolètes dès la conception ». Le scepticisme ronge aussi certains élus progressistes, qui y voient une menace sur les objectifs climatiques à court terme.
