Afrique : la téléphonie mobile, levier de croissance et d’inclusion

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Par Régis Fagbemi Publié le 18 septembre 2019 à 4h30
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600 millions600 millions de Smartphones seront en circulation d'ici 2020 en Afrique.

Sur le continent, le secteur des télécoms est particulièrement dynamique, contribuant tant à la croissance économique qu'à la réduction des inégalités. Un secteur en plein boom, investi tant par de grands groupes que par de pure players de terrain.

« Il revient aux Africains de décider de l'avenir de l'Afrique », déclarait Barack Obama lors d'un discours prononcé en juillet 2009 au Ghana. Aux yeux de l'ancien président américain, « quatre domaines » apparaissaient alors « essentiels pour l'avenir » du continent : « la démocratie, les possibilités économiques, la santé et le règlement pacifique des conflits ». Si les deux derniers critères retenus par l'ex-hôte de la Maison Blanche vont quasiment de soi, il apparaît, en effet, évident que l'Afrique ne saurait décoller sans stabilité politique ni confiance du secteur privé. Atouts auxquels il conviendrait, dix ans après le discours de politique africaine de Barack Obama, d'adjoindre l'inclusion numérique.

Les entreprises de télécoms sortent du lot

Contrairement à de tenaces idées reçues, le continent africain ne manque pas d'entreprises florissantes et vertueuses, pourvoyeuses d'innovation, d'emplois locaux et de subsides publics. Le classement des cent meilleurs employeurs en Afrique réalisé en 2018 par Global Career Company fait ainsi la part belle aux sociétés locales : à l'image de Kenya Airways (47e place), d'Angola LNG (88e), de l'entreprise panafricaine de télécom MTN (18e) ou encore du groupe bancaire Ecobank (63e). En tout, ce ne sont pas moins de trente sociétés de droit africain qui composent le classement des meilleurs employeurs, dont 17 y font leur entrée pour la première fois.

Sans surprise, le secteur de la téléphonie est particulièrement représenté dans ce classement. Un secteur dynamique, qui permet à des acteurs de taille moyenne d'afficher de grandes ambitions. C'est le cas de Telecel Group, une multinationale codirigée par les Français Laurent Foucher et Hugues Mulliez. Spécialisé dans la redynamisation de sociétés en difficultés, Telecel est devenu leader en République centrafricaine (RCA) – devant Orange, un exploit –, pays où il a repris l'opérateur local en 2015, au plus fort de la guerre civile.

M. Mulliez estime quant à lui que « l'Afrique de demain sera une Afrique ultra-connectée, afin notamment de pallier (aux) problèmes de distances et d'infrastructures. Telecel observe une écoute dynamique face à cette demande croissante ». Pour Laurent Foucher, il est également capital pour les pays africains « d'avoir des investisseurs à long terme, qui croient dans son avenir ». Se déclarant « extrêmement optimiste pour l'avenir » du continent, le dirigeant estime encore que « tous les atouts sont présents ». Et n'a de cesse de louer le dynamisme d'une « jeunesse pétrie de valeurs et d'ambitions », « une nouvelle génération qui va révolutionner l'Afrique ».

Un marché prometteur

Car la « révolution » africaine sera mobile et connectée, ou ne sera pas. D'un habitant sur deux en 2016, le taux de pénétration des téléphones portables est passé à 75% l'année dernière. « L'Afrique, c'est la frontière numérique de demain », abonde Stéphane Richard, PDG d'Orange : alors qu'on estime la population du continent à 1,4 milliard d'habitants, quelque 660 millions de smartphones y seront en circulation d'ici à 2020. Mais, en dépit d'un chiffre d'affaires de plus de 110 milliards d'euros (sur la zone Afrique et Moyen-Orient), il reste beaucoup à faire en matière d'Internet mobile, moins d'un quart des abonnés ayant aujourd'hui accès au haut débit, et un Africain sur trois ne disposant toujours d'aucun réseau d'accès.

Le développement des télécoms est donc, logiquement, devenu une priorité pour les autorités africaines, celui-ci constituant un puissant levier pour doper l'économie – très peu d'habitants disposant d'un compte en banque, les solutions de paiement et de transfert d'argent mobile rencontrent ainsi un succès foudroyant, comme au Mali, où 20% du PIB passe par ce type de services. Mais le secteur est aussi un contributeur majeur aux recettes publiques, les opérateurs mobiles ayant reversé, en 2015, 17 milliards de dollars aux caisses des États africains. Ainsi, selon le dernier rapport de la GSMA, l'écosystème mobile représenterait d'ores et déjà 8,7% du PIB de l'Afrique de l'Ouest et apporte une contribution vitale à la croissance économique, au développement social et à la création d'emplois dans la région.

« L'Afrique n'a pas besoin d'hommes forts, mais de fortes institutions »

Si, comme le professe l'un des dirigeants du constructeur chinois Huawei, Philippe Wang, « l'inclusion numérique (représente) un précieux levier pour réduire les inégalités en Afrique », aucun investisseur privé, de surcroît étranger, ne saurait prétendre remplacer la volonté politique – notamment en termes de financements ou de lutte contre la corruption, un phénomène endémique sur le continent ; « aucun pays ne peut créer de richesses si ses dirigeants exploitent l'économie pour s'enrichir personnellement », mettait déjà en garde Barack Obama en 2009, et « aucune entreprise ne veut investir dans un pays où le gouvernement se taille au départ une part de 20% ».

« Le développement dépend de la bonne gouvernance », concluait l'ancien président américain, selon qui « l'Afrique n'a pas besoin d'hommes forts, mais de fortes institutions ».

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Consultant en économie et finance, formateur à l'EEP d'Orléans et chargé de cours de finance au CNAM.

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