Arrivée de la télévision numérique terrestre en Afrique : quels sont les enjeux ?

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Par Damien Nevers Publié le 10 octobre 2014 à 9h14

Le 17 juin 2015, le continent africain basculera de la télévision analogique vers la télévision numérique. Discutées ces 8, 9 et 10 octobre lors de la Conférence internationale sur l'avenir des médias francophones organisée par l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) en partenariat avec le Pôle médias HEC Montréal, les conséquences de cette révolution numérique restent encore difficiles à cerner, que ce soit pour l'économie africaine ou pour l'avenir de la Francophonie sur le continent.

Conformément à un accord signé par les 193 pays et autres institutions membres de l'Union Internationale des Télécommunications (UIT), l'instance de régulation internationale en charge de la distribution des fréquences pour la radio-télédiffusion, les pays industrialisés basculent peu à peu de la télévision analogique à la télévision numérique depuis le début des années 2000.

Un calendrier trop ambitieux pour des coûts faramineux ?

Pour l'Afrique, le calendrier est un peu différent et ce passage devrait se faire à partir du 17 juin 2015, comme prévu par l'accord GE-06 signé lors de la Conférence Régionale des Radiocommunications de Genève en 2006. Les hautes fréquences comprises entre 174-230 MHz et 470-862 MHz, utilisées depuis 1961, seront alors progressivement abandonnées par le continent africain qui devra dire un au revoir définitif à la télévision analogique en 2020. Cette transition posera les bases d'une véritable révolution numérique en Afrique qui soulève aujourd'hui de nombreuses questions sur sa faisabilité économique principalement.

Si personne ne remet en question les bienfaits de ce passage de la télévision analogique à la télévision numérique, à court terme, il implique cependant des coûts difficiles à supporter pour de nombreux pays d'Afrique. Les gouvernements ont d'ores et déjà du mal à boucler leur budget et cette transition représentera au bas mot entre 200 et 300 millions d'euros d'investissements. La plupart des pays du continent dépenseront encore plus, partant d'un taux d'équipement télévisuel très bas alors même que le taux d'électrification du continent atteint difficilement les 40 %. En parallèle, les consommateurs devront eux aussi supporter des coûts non négligeables. En plus du renouvellement du parc de téléviseurs, chaque foyer devra s'acquitter d'un minimum de 30 euros pour l'acquisition d'un adaptateur TNT (télévision numérique terrestre).

Des subventions pour aider les citoyens africains à s'équiper de matériel numérique ont déjà été mises en place par la Banque Mondiale en zone subsaharienne notamment, mais il est peu probable que ce soit suffisant. Une seule solution s'offre au continent : la vente aux enchères des fréquences qui appartiennent pour le moment aux États à des institutions et entreprises privées. Reste à savoir si les bénéfices suffiront à compenser les pertes.

L'émergence d'un marché crucial pour la Francophonie

Outre des questions économiques, le passage à la télévision numérique signifie surtout une multiplication des chaînes de télévision, le numérique utilisant moins de fréquences que l'analogique. Or, l'Afrique aujourd'hui n'a qu'un nombre limité de stocks d'émissions et d'archives. Pour survivre, les nouveaux canaux de diffusion devront s'ouvrir au marché télévisuel africain, mais également au marché occidental. Une ouverture a double tranchant pour le continent tant les flous qui entourent cette transition sont nombreux.

Il y a fort à parier que le continent africain ne puisse débloquer un budget suffisant pour remplir lui-même la grande quantité de chaînes de télévision qui arriveront avec la TNT. La solution la plus évidente sera alors de nouer des partenariats avec des chaînes occidentales. Une mondialisation des programmes de télévision qui représente surtout une menace pour la création culturelle africaine. Sans une législation claire à l'image de l'exception culturelle française par exemple, cette dernière se retrouvera obligatoirement impactée et c'est là que la Francophonie à un rôle à jouer.

Alors que plus de la moitié des personnes parlant le français dans le monde vivent en Afrique, la place et l'avenir des médias francophones dans cette révolution numérique africaine préoccupent. Plusieurs experts et responsables politiques se sont penchés sur la question les 8, 9 et 10 octobre prochain pendant la Conférence Internationale organisée par l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et le Pôle médias HEC Montréal. En attendant, un constat est clair : le plus important est d'accompagner les pays qui le souhaitent dans le développement de leurs propres outils télévisuels afin de préserver la culture africaine.

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Entrepreneur dans le numérique après de nombreuses expériences comme Chef de projet dans les secteurs du BTP et des Télécoms. 

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