Aliou Diallo : « Au Mali, l’heure du pragmatisme démocratique »

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Par Aliou Diallo Modifié le 20 août 2020 à 13h47
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@shutter - © Economie Matin

Après l’indignation légitime au lendemain de ce qu’il faut appeler par son nom, un coup d’état militaire, les amis du Mali ne doivent pas se perdre en condamnations stériles mais tourner leurs regards vers l’avenir pour proposer une alternance véritable et commencer enfin la reconstruction d’un pays qui a trop souffert depuis 2012.

Le régime du président Ibrahim Boubacar Keïta est tombé. Comme un fruit pourri. Les officiers qui sont venus l’arrêter à son domicile ne sont que l’expression d’un ras-le-bol généralisé et d’un blocage qui n’avait sans doute plus d’autre issue possible. Le départ d’IBK était devenu inéluctable. En son temps, à de multiples reprises, j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour que la contestation demeure dans le cadre constitutionnel et institutionnel.

Aujourd’hui, on ne peut que regretter et condamner l’intrusion des forces armées dans le jeu démocratique malien, mais on ne peut pas non plus ignorer que le peuple les soutient très massivement. L’intervention des militaires vient mettre un terme à une crise inextricable qui paralysait le pays depuis plus de deux mois et qui a coûté la vie à 23 de nos concitoyens tués par le régime d’IBK.

Le président Keïta sort par la petite porte. Il aurait pu se choisir un autre destin. Pour tous les Maliens, sa présidence a pris fin au terme des journées sanglantes de juillet. Lui, si fin stratège, n’a pas pris la mesure de l’indignation au sein d’un peuple qui a fini de lui tourner le dos devant les images des cadavres de nos frères.

Comme l’adage populaire le dit, souvent le poisson pourrit par la tête. C’est tout un système de corruption et de népotisme que les maliens ont massivement rejeté. Un système qu’incarnaient depuis 2013 IBK et son entourage, mais qui, il faut être honnête, concerne en réalité l’immense majorité des élites politiques, qui se sont servies de notre pays depuis trente ans plutôt que de le servir. C’est contre eux qu’est orientée la colère du peuple.

Présidents, ministres, décideurs de tous poils n’ont jamais cherché à répondre aux angoisses et défis vitaux auxquels sont confrontés chaque jour les Maliens. L’absence de perspectives pour la jeunesse, le poison du chômage de masse, l’échec de l’état à garantir à tous des services publics de base, qu’il s’agisse d’éducation, de santé ou d’infrastructures (routes, électricité, eau potable). Les leaders maliens ont trahi leur peuple !

IBK n’est qu’un énième symptôme de ce mal malien, où la crise sécuritaire puise ses racines et dont elle se nourrit, mais sa gestion clanique du pouvoir, ses tentatives pour miner les acquis démocratiques, et surtout sa gestion calamiteuse du mouvement de contestation qui secoue depuis deux mois le pays font que son départ était sans doute inéluctable.

Bien sûr que le renversement d’un président démocratiquement élu (même si comme de nombreux Maliens j’ai dénoncé de graves irrégularités lors du dernier scrutin présidentiel) est choquant. Bien sûr qu’il s’agit là d’images que nous ne souhaiterions jamais plus voir. C’est condamnable et doit être condamné. Mais l’heure nous impose d’être pragmatique. Le peuple malien a trop souffert !

Depuis qu’il a fait tirer sur son peuple, IBK ne pouvait plus diriger le Mali. Contrairement à ce qu’on peut entendre ces dernières heures dans les médias occidentaux, le risque d’une prise de pouvoir militaire est quasi-inexistant dans le contexte malien. Le coup de force de mardi peut au contraire être le vecteur d’un nouveau départ pour la démocratie malienne, débarrassée de ses embarrassants dinosaures et de leurs réflexes prédateurs.

Les alliés du Mali, nos amis, en Afrique de l’Ouest et dans le monde, ne doivent pas nous tourner le dos face à cette nouvelle épreuve, mais au contraire nous épauler plus que jamais pour vaincre l’hydre terroriste et ramener la stabilité dans notre pays. Mais comme je m’évertue à le dire depuis des années, le retour à la paix n’est pas possible sans espérance et sans renouveau économique et social. Il faut de l’emploi et des perspectives pour tous si on veut remporter la partie contre les terroristes et construire un état pérenne.

Je lance donc un appel à la communauté internationale, dont la présence et l’assistance ont permis de sauver l’essentiel depuis près de huit ans, de persévérer et même d’accélérer dans leurs efforts pour accompagner le Mali dans son cheminement souverain pour restaurer l’état de droit, la stabilité et la sécurité dans l’intégralité de son territoire national.

Les chancelleries du monde entier doivent certes dénoncer le coup de force des soldats de Kati, mais elles doivent surtout tourner leurs regards vers l’avenir. L’avenir du Mali doit appartenir à sa jeunesse qui est aujourd’hui absente des organes de décision. L’alternance indispensable au Mali doit être totale. Au-delà des premiers cercles d’IBK, elle doit concerner tous ceux qui monopolisent et incarnent le pouvoir depuis les années 1990, dont certains sans interruption. Toute autre solution est vouée à l’échec.

Qu’Allah bénisse le Mali et son Peuple.

Tribune libre d'Aliou Diallo.

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Entrepreneur et candidat de la société civile, arrivé en 3e position à l’élection présidentielle de 2018.

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