Les freins de l’apprentissage, coté PME.

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Par Anne Touchain Publié le 6 juin 2015 à 4h28
Apprentissage Jeune Emploi Tpe Pme
96%Pour 96% des entreprises l'apprentissage aide à l'insertion professionnelle des jeunes.

Mardi dernier, Manuel Vals recevait à Matignon les principaux acteurs de l’apprentissage : patronat, syndicats et régions. Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut développer l’apprentissage. Ces contrats permettent aux jeunes de commencer dans l’entreprise.

Mais ou étaient les « petits patrons » lors de cette réunion ? Ce sont eux qui emploient près de 55% des apprentis. C’est dans les TPE que le « gisement » potentiel d’apprenti est le plus fort.

75% des apprentis travaillent dans des entreprises de moins de 200 salariés et 55% dans des entreprises de moins de 10 salariés. Pour ces très petites entreprises, le recours à un apprenti peut être un pari gagnant… mais parfois aussi un cauchemar dont il est coûteux et difficile de sortir.

PME et TPE : Principal réservoir de contrats d'apprentissage

Après des années de progression, l’apprentissage marque des signes de fatigue. Le nombre de contrats a affiché un recul de 8 % en 2014 et 71% des entreprises disent ne pas vouloir recruter d’apprenti dans les 12 mois à venir. Convaincu que l’apprentissage améliore considérablement l’insertion professionnelle des jeunes - conviction partagée par 96% des entreprises - le gouvernement tente de le relancer.

Le gouvernement a déjà poussé les leviers sur les grandes entreprises. Le quota d’apprenti a été doublé en 3 ans. Si ces entreprises ne respectent pas leur quota – elles encourent une sanction financière. Elles s’y tiendront. Pas de marge de manœuvre de ce côté-là. Côté fonction publique, le gouvernement impose le recrutement d’apprentis mais en quantité insuffisante pour atteindre l’objectif fixé à 500.000 contrats en 2017. Restent les PME et TPE, déjà grandes pourvoyeuses de contrats d’apprentissage, potentiellement toujours preneuses, mais aussi pour beaucoup, échaudées par l’expérience et peu enclines à la retenter.

L'apprenti en PME et TPE : pari gagnant souvent

Les PME ont recours à l’apprentissage mais pas tant que cela.. J’ai moi-même employé 7 apprentis ces dernières années chez Tinteo. Les réactions des autres entrepreneurs étaient contrastées. Les TPE qui proposent des postes en apprentissage le font pour deux raisons : par conviction et pour former un futur salarié. Les postes sont souvent plus variés et autonomes que dans les grandes boites. Ces PME sélectionnent scrupuleusement leurs apprentis et pendant deux ans les forment et très souvent les embauchent définitivement. « Je sais par expérience que l’apprentissage permet de révéler des jeunes qui deviennent ensuite de précieux collaborateurs » affirme ce chef d’entreprise. « Quand je recrute un apprenti, c’est avec l’intention de l’embaucher à la fin du contrat. Si ce n’est pas le cas, c’est un véritable échec, c’est deux ans perdus. » En effet, recruter un apprenti c’est investir sur le long terme, avec des coûts financiers et des coûts en temps de formation et d’encadrement.

Cauchemar parfois

Or pour de nombreux chefs d’entreprise, ce pari sur l’avenir reste risqué, tant la législation est complexe et, très protectrice de l’apprenti. Outre son statut confortable : bien rémunéré et exonéré d’impôts, qui parfois le rend amer à son passage en CDI (Contrat à durée déterminée), l’apprenti a également tous les droits d’un salarié.

Et là, les exemples pleuvent de petites entreprises confrontées à un apprenti qui ne donne pas satisfaction et dont elles ne peuvent rompre le contrat qu’après passage aux Prud’hommes, avec force dossier à constituer, avocat à engager… autant de procédures qui n’embarrassent pas une grande entreprise mais qui mine les ressources d’une petite. C’est aussi l’exemple de cette PME, qui pendant des années a employé des apprentis sans leur verser d’intéressement alors qu’elle en versait à ses salariés et qui apprend au hasard d’un contrôle Urssaf qu’elle devait le faire. Douloureux hasard ! En toute bonne foi ce chef d’entreprise ignorait cette obligation, de même que ses comptable, commissaire aux comptes et banquier. Comment s’étonner que les plus petites entreprises, sans soutien juridique expert, ne veuillent pas prendre le risque avec une législation si complexe et qui peut leur coûter si cher ?

Des primes oui, mais de la simplification surtout

En 2014, le gouvernement a rogné sur les aides pour l’embauche d’un apprenti. C’est le rencentrage sur les apprentis pour des diplômes jusqu’à bac+2 et surtout juste la première année. De nombreux contrats sont sur 2 ou 3 ans. Cependant, c’est plus de simplification et de souplesse qui convaincra les PME et TPE réticentes à recourir à l’apprentissage.

De ce point de vue, certaines mesures de simplification fiscale annoncées pour 2016 vont dans le bon sens, de même que l’assouplissement promis des règles de sécurité pour les apprentis mineurs. Tout ce qui peut être simplifié et assoupli doit l’être. Dans la plupart des PME, les ressources sont comptées et chaque complication administrative est autant de temps, d’énergie et de finances pris sur la production et la compétitivité.

* PME : Petites et Moyennes Entreprises
TPE : Très Petites Entreprises

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Anne Touchain, ingénieur MinesParisTech a créé en 2009 Tinteo après 15 ans de carrière à l'international. Tinteo conçoit et fabrique en France des assistants d'écoute et des systèmes de communication et d'accessibilité pour les malentendants. Elle est investie dans la vie associative au sein du syndicat des entreprises de la silver économie ASIPAG, du pôle de compétitivité Eurobiomed et de l'association des femmes ingénieurs en Paca.

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