Carburants : la pression des grévistes commence à faire plier Total et Exxon

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 29 novembre 2022 à 9h22
Indemnite Carburant Octobre 2
5,7 MILLIARDS €Le bénéfice net de TotalEnergies a atteint 5,7 milliards d'euros entre avril et juin 2022.

La grève du secteur de la distribution des produits pétroliers a causé, en France, une pénurie de carburants qui augmente. Une pénurie uniquement liée au fait qu’essence et diesel ne sortent pas des dépôts, bloqués par les syndicats. Ces derniers demandent de meilleurs salaires… et leur pression commence à faire son effet.

Carburants : 30% des stations-service de France sont à sec

Si les stations-service de TotalEnergies ont été régulièrement à sec depuis début septembre 2022 du fait de la ristourne à la pompe offerte par le géant et qui a attiré, dans ses stations, de nombreux automobilistes, cette fois tous les réseaux sont concernés. Selon le ministère de la Transition écologique, qui suit les événements de près, environ 30% des stations-service en France n’auraient pas ou peu de carburants dans leurs cuves.

Résultat : pour les automobilistes, c’est une véritable lutte qui s’engage pour trouver de quoi remplir le réservoir. Les files d’attente pour faire le plein s’allongent à mesure que les stations aux cuves vides ferment les portes, espérant une livraison qui n’arrive pas.

Premiers signes d’un succès du mouvement syndical

Au centre de cette situation qui pourrait trouver rapidement une issue, le conflit entre les syndicats et les entreprises. Les premiers demandent une augmentation de salaire, surtout face aux bénéfices exceptionnels que les groupes pétroliers ont engrangé durant le premier semestre 2022 lorsque les prix du pétrole, et donc d’essence et diesel, ont battu des records. Les célèbres « super-profits » que Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a un temps tenté de déclarer comme inexistants avant de revoir son discours et les confirmer… sans pour autant prendre de mesures à leur sujet.

La CGT, notamment, demande une hausse des salaires de 10%, décomposée en 3% au titre du partage des richesses et de 7% au titre de l’inflation (qui a dépassé les 6% sur un an durant l’été 2022 en France). Une demande refusée par les entreprises concernées, ce qui a justifié le mouvement de grève.

Or, TotalEnergies et Esso-ExxonMobil ont donné des signes positifs : face à la pression populaire, la pression des syndicats et la pression politique, des négociations salariales pourraient avoir lieu bien plus tôt que prévu. Avec une demande de la part des groupes pétroliers : la fin des blocages.

TotalEnergies confirme encore une fois les bénéfices exceptionnels

Dans le détail, selon les informations fournies à la presse par les concernés, Esso-ExxonMobil prévoit une réunion avec les syndicats dès lundi 10 octobre 2022, a minima pour commencer à réfléchir à une sortie de crise et pour que soient échangées les revendications de chacun.

Quant à TotalEnergies, le groupe annonce avancer les négociations salariales d’un mois : elles auraient alors lieu dès octobre 2022 contre novembre 2022 normalement. Le groupe compte ainsi permettre aux salariés de « bénéficier, avant la fin de l’année, des résultats exceptionnels générés par TotalEnergies », confirmant une nouvelle fois ses super-profits.

Double-peine pour les frontaliers et mobilisation des réserves stratégiques

Tous les Français ne sont néanmoins pas logés à la même enseigne sur le front de la pénurie d’essence et diesel : les frontaliers en souffrent bien plus. Ils subissent en effet une sorte de « tourisme du carburant » depuis que le gouvernement a annoncé sa ristourne à la pompe de 30 centimes le litre au 1er septembre 2022. Mathématiquement, le prix d’essence et diesel est désormais bien moins élevé en France qu’en Allemagne, en Belgique ou encore en Italie… et les automobilistes de ces pays ne se privent pas d’en profiter.

Résultat : 54,8% des stations-essence des Hauts-de-France étaient à sec dimanche 9 octobre 2022, soit plus d'une sur deux, et 59% des stations dans le Pas-de-Calais. De quoi contraindre le gouvernement à réagir : les réserves stratégiques de l’Hexagone ont été mobilisées et les camions-citerne autorisés à rouler tout le week-end, exceptionnellement, afin de réapprovisionner les distributeurs.

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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