Une « Silicon Valley » pour les entrepreneurs français : et si on commençait par assécher leur Vallée de larmes ?

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Par Jordan Galienne Publié le 28 février 2014 à 4h31

L'American Dream a encore de beaux jours devant lui. Si le PDG de Siemens France, Christophe de Maistre, en marge d'une réunion à l'Elysée, a plaidé pour une "Silicon Valley à la française" qui prendrait ses quartiers sur le site de Saclay (Essonne), ce n'est semble-t-il pas demain la veille que la France cessera de regarder vers l'ouest avec une forme de jalousie mêlée d'admiration. En 2013, 63 000 entreprises ont fait faillite dans l'Hexagone. La dette du pays enfle. Elle devrait atteindre 95 % du PIB en 2014. 100 % en 2015. 74 % des dirigeants français se disent inquiets au sujet de l'économie du pays.

Cette ribambelle de chiffres se prolonge d'autres statistiques encore plus parlantes à l'échelle de la capitale, bassin censé porter la dynamique entrepreneuriale du pays. Un entrepreneur sur quatre souhaite quitter Paris. Ils sont 22 % à déclarer que leur activité va se réduire au cours de l'année, quand ils n'étaient que 11 % à le penser en 2008. Ils sont aussi deux fois plus nombreux qu'il y a 6 ans à déclarer ne pas souhaiter recruter d'ici 6 mois (57 % contre 23 % en 2008).

La situation de la capitale est symptomatique de l'état d'un pays où la frilosité entrepreneuriale est devenue la norme. Quand Christophe de Maistre croit en en la naissance d'une "Silicon Valley à la française", il n'en pose pas moins des conditions sine qua non. En tête desquelles la nécessité d'instaurer une "stabilité" fiscale : «Il ne faut pas remettre en cause à chaque fois chaque année, pour l’exercice fiscal, l’ensemble des mesures que l’on a prises, (il faut) supprimer aussi l’aspect rétroactif d’un certain nombre de mesures qui sont très perturbantes pour un investisseur», argumente-t-il dans les colonnes de Libération.

Supprimer la rétroactivité des lois fiscales, sûrement. Cela permettrait d'améliorer la visibilité des dirigeants sur leurs investissements. Pourtant, si l'optimisme du PDG de Siemens est louable, il n'est pas partagé par tout le monde. N'en déplaise à François Hollande et son cortège d'annonces sociales-démocrates, nombreux sont ceux qui n'y croient plus.

Cinglant, Jonathan, jeune entrepreneur de 30 ans dont 20 Minutes brosse le portrait, en témoigne : "On n'aura jamais une Silicon Valley en France". Les raisons d'un tel pessimisme ? Elles sont nombreuses. Jonathan évoque par exemple l'imbroglio administratif dans lequel un système français "bien trop complexe" plonge les entrepreneurs. Un mille-feuille de procédures qui l'encourage à recourir aux services d'un comptable. Problème : "Si j'engage une personne que je paye 2 000 euros, je dois donner autant à l'Etat. Je préfère les garder pour moi", explique-t-il.

Jonathan met ici le doigt sur la difficulté la plus prégnante à laquelle doit faire face tout entrepreneur français désireux de monter son affaire : les charges. Avec une hausse de plus de 50 milliards des charges fiscales ces deux dernières années, la France n'avait pas connu de tel matraquage depuis la Seconde Guerre mondiale, à en croire l'économiste Christian Saint Etienne.

Bombardés d'impôts, de charges, de taxes, les Français et, à travers eux, les patrons, frisent la crise de nerf. Leur expression favorite pour qualifier l'année 2013 ? "Ras-le-bol". Le risque de grève fiscal n'a jamais été aussi fort. Que faire pour éviter le pire ?

Longtemps considérés comme des Cassandre par le gouvernement, les membres de Génération Entreprise - Entrepreneurs Associés, le groupe de parlementaires d'Olivier Dassault, sont devenus incontournables ces derniers mois sur le sujet. L'UMP a repris à son compte la moitié des propositions émises dans le livre blanc publié par GEEA en décembre 2013. Mais les suggestions de l'association ne rencontrent pas seulement d'échos sur les bancs de la droite. Difficile de ne pas voir dans les voeux présidentiels du 31 décembre dernier de références explicites à la ligne défendue par GEEA.

Mais ce n'est pas assez. Nous évoquions plus haut la versatilité des lois fiscales. Pour offrir une certaine stabilité aux entrepreneurs, GEEA propose un moratoire : que le Gouvernement ne fasse plus voter de lois, synonymes de contraintes pour les entreprises, pendant un an. Dans le cadre du colloque organisé par l'association fin janvier, Jean-Michel Fourgous, délégué général de GEEA, ajoute : "S’ils veulent voter des réformes de l’Administration ou l’Etat, qu’ils le fassent ! Mais qu’ils laissent tranquilles les entreprises dans cette période tourmentée."

Le pacte de responsabilité proposé par Hollande contient en germe de bonnes idées, qui ont déjà été largement commentées. Pour qu'elles se traduisent dans les faits, il semble important de rassurer les entrepreneurs en leur garantissant une certaine stabilité dans le temps. Une "Silicon Valley à la française", pourquoi pas, mais il faudrait déjà pour cela que les forces vives de l'économie du pays aient l'opportunité de se projeter dans l'avenir. Impossible sur des sables mouvants.

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Jordan Galienne est auditeur dans un grand cabinet de conseil économique. Souvent en déplacement aux quatre coins de l’Europe, il s’intéresse aux opportunités d’investissement et identifie les risques associés aux pays les plus prometteurs.  

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