Chine : un choc de demande se dessine malgré la levée du confinement

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Par Thuy Van Pham Modifié le 28 avril 2020 à 14h22
Chine Wuhan Vide
97,4%Au 24 février 97,4% des malades de coronavirus comptabilisés sont en Chine.

En Chine, le choc « coronavirus » sur la croissance au premier trimestre 2020 se confirme. Selon les estimations du Bureau National des Statistiques (BNS), le PIB s’est contracté de 6,8 % par rapport à la même période en 2019 (cf. graphique ci-dessous). En glissement trimestriel annualisé et corrigé des aléas saisonniers, le recul de l’activité est estimé à environ 36 %.

Cette contraction du PIB trimestriel ne constitue pas une surprise. Elle résulte des mesures de confinement drastiques imposées par les autorités pour endiguer l’épidémie entre fin janvier et février. L’ampleur de la baisse est cependant moins marquée que ce que nous avions projeté (-9 % en glissement annuel). L’explication principale provient du rattrapage plus rapide de l’activité industrielle en mars. Celle-ci s’est contractée de seulement 1,1 % sur un an après -13,5 % au cours des deux premiers de l’année. La propagation de l’épidémie maîtrisée à ce stade a permis de lever les restrictions des transports domestiques, favorisant la réouverture des usines et la reprise de la production. La tendance est appelée à se poursuivre. Selon la Commission nationale pour le développement et la réforme (CNDR), au 16 avril, le taux de reprise officiel de l’activité a atteint 99 % pour les grandes entreprises industrielles sur l’ensemble du pays (contre 78 % au 27 mars) et 84 % pour les PME (contre 76 %). Les secteurs de l’informatique et télécommunications, des équipements et des machines-outils sont les principaux contributeurs à cette reprise.

Malgré la récupération rapide de l’industrie, la prudence doit rester de mise. La reprise de l’activité dans son ensemble reste graduelle. En effet, l’économie ne fonctionnait qu’à 83 % de ses capacités normales au 16 avril contre 75 % fin mars (cf. graphique ci-dessous). A Hubei, foyer de l’épidémie, le taux de reprise des grandes entreprises demeure faible, à 65 %.

Trois facteurs expliquent la reprise partielle de l’économie :

  • Le rattrapage de l’activité des services demeure lent. En mars, l’indice de la production des services du BNS a reculé de 9,1 % sur un an après -13 % au cours de janvier-février. Selon la CNDR, le retour à la normale de l’activité des services (hors tourisme) est envisagé seulement à la fin du deuxième trimestre ;
  • Un choc de demande se dessine malgré la levée du confinement. La baisse des revenus, la dégradation du marché du travail et le maintien des mesures de précaution face au risque de résurgence de l’épidémie pèsent sur la confiance des ménages et leurs dépenses de consommation. Par exemple, les dépenses en restauration ont chuté de 47 % sur un an en mars (contre -43,6 % en janvier-février). Parallèlement, la baisse du chiffre d’affaires et les incertitudes autour les perspectives de croissance ont conduit les entreprises à réduire fortement leurs investissements dans tous les secteurs. Enfin, les exportations, encore résilientes en mars grâce au rattrapage, vont rapidement subir de la chute de la demande des pays développés ;
  • Les politiques de soutien à la demande domestique sont plutôt mesurées à ce stade. La dernière réunion des principaux membres du Comité central du PCC du 17 avril réaffirme l’approche prudente des autorités face au risque associé au niveau élevé de l’endettement. La politique monétaire reste le principal outil de relance. En ce sens, de nouvelles baisses des taux interbancaires et des ratios de réserves obligatoires des banques sont à envisager. Pékin reste en revanche « muet » en ce qui concerne la politique budgétaire. A ce jour, quelques mesures fiscales ont été annoncées, notamment l’autorisation d’émissions obligataires des collectivités locales pour financer les projets d’infrastructures, les aides fiscales aux entreprises et aux ménages en difficulté, les réductions fiscales aux achats de voitures électroniques et d’occasion. En termes de montant, elles sont sans comparaison avec le plan de relance massif de 4 000 milliards de yuans (13 % du PIB) mis en place au lendemain de la crise financière de 2008.

Finalement, premier pays à être frappé par la crise du Covid-19, la Chine devrait repartir progressivement. La production poursuivra son redressement au deuxième trimestre avec le retour à la normale de l’industrie puis un peu plus tard du secteur des services. En revanche, le choc de demande est appelé à perdurer en raison des incertitudes quant à l’évolution de la pandémie, la perte des revenus des entreprises et des ménages, la dégradation du marché du travail et l’impact de la crise sanitaire et économique dans les autres pays du monde. Nous continuons de penser que face à ce choc sans précédent et la perspective d’une récession mondiale, les autorités chinoises mettront en place un plan de soutien à la demande domestique à un moment ou un autre. Il s’agit là de la condition nécessaire pour stimuler le redressement de la croissance du pays et éviter toute tension au niveau social et politique. En ce sens, des annonces sont envisageables lors des prochaines semaines. En effet, le comité central du PCC se réunira de nouveau du 26 au 29 avril afin de préparer les grands objectifs macroéconomiques pour 2020. La feuille de route sera présentée lors de l’Assemblée populaire nationale annuelle qui aura lieu désormais en mai.

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Thuy Vân Pham est économiste Marchés Emergents chez Groupama AM.

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