OPA sur le Club Med : l’ancrage français du groupe menacé

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Par Daniel Fauvert Modifié le 11 juillet 2014 à 6h32

Ce n'est un secret pour personne, l'Italien Andrea Bonomi veut apposer sa griffe sur la firme au trident, via Global Resorts SAS. Une contre-OPA a officiellement été lancée lundi 30 juin par le transalpin, valorisant le groupe Club Med à 790 millions d'euros, soit 227 millions de plus que l'offre initiale. Si la proposition semble alléchante sur le papier, elle n'en comporte pas moins certains hiatus, à commencer par la délocalisation de l'intégralité du capital de la société à l'étranger.

La vie n'est pas une sinécure pour le Club Med. Rien n'est joué pour l'instant, mais enfin les derniers évènements ne sont pas pour plaire à Henri Giscard d'Estaing, PDG du groupe. Artisan de l'accord avec Ardian et Fosun, qui s'était matérialisé par une OPA amicale lancée il y a un an, le GO en chef du Club Med tenait à conserver un ancrage français. Une volonté qui prendrait corps grâce au duo Ardian/Fosun, le premier étant un fonds d'investissement battant pavillon tricolore.

L'intérêt pour le Club Med de voir deux de ses principaux actionnaires, Ardian, anciennement Axa Private Equity, et Fosun prendre le contrôle de la majorité de son capital est multiple. Déjà parce que cette offre ne remet pas en cause le contrôle essentiellement français de l'entreprise. Plutôt positif à l'heure des délocalisations à tout crin. Ensuite parce que, sur le plan symbolique, elle consacre la première association d'un groupe chinois avec un fonds européen, visant à accompagner la montée en gamme d'un groupe et son développement couronné de succès dans l'empire du Milieu.

Fosun, avant l'annonce de son OPA amicale conjointe, avait déjà commencé à identifier les sites des villages Club Med en Chine, mis en avant la marque au triton et activé sur place les réseaux de distribution. Objectifs identifiés : que les client chinois deviennent la seconde clientèle du groupe (derrière les Français), passant de 70 000 actuellement à 200 000 dès 2015, et avoir ouvert à la même échéance 5 nouveaux villages sur le sol chinois. Un partenariat qui commençait déjà à porter ses fruits, puisque dès le premier trimestre 2013 le résultat net du groupe affichait une croissance de 7,1 %.

Des voix s'étaient élevées à l'époque pour dénoncer le risque de voir, à terme, le Club basculer entièrement dans l'escarcelle chinoise. Une crainte cependant balayée d'un revers de la main, pour peu qu'on veuille bien être lucide. Fosun n'a aucun intérêt à prendre le contrôle du groupe, puisque ce faisant il le priverait de son cachet français, qui est précisément ce que cherche la clientèle chinoise en fréquentant le Club Med. Un non sens économique, donc.

L'offre portée par Ardian/Fosun avait le mérite de plaire à Henri Giscard d'Estaing. On ne peut pas en dire autant de celle présentée par Andrea Bonomi. Le PDG du Club Med pourra toutefois se rassurer en se disant que pour l'instant rien n'est fait, loin s'en faut, et qu'il lui reste quelques cartes à abattre dans sa manche.

En effet, l'offre est actuellement à l'étude par le conseil d'administration du groupe touristique, qui n'a pas tout a fait l'intention de se comporter en touriste sur la question. Une fois la réponse du comité donnée, fin juillet, l'AMF publiera le calendrier des offres. Les opérations de marché devraient ainsi se prolonger jusqu'à mi-septembre. Une deadline jusqu'à laquelle les surenchères sont possibles. Rien n'empêche donc que le duo Ardian/Fosun relève son offre. D'autant que la Caisse des Dépôts aurait été sollicitée pour participer à l'offre franco-chinoise. Si elle n'a pour l'heure pas donné suite, l'intercession du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius en faveur d'un tel montage pourrait faire bouger les choses. En attendant qu'Arnaud Montebourg s'en mêle lui-aussi ? Ça ne serait pas dépourvu de sens.

On a vu quelles étaient les raisons qui poussent la direction du Club Med à vouloir rester dans le giron français tout en resserrant ses liens avec la Chine. En revanche, on ne sait encore rien des motifs de défiance de cette même direction envers l'offre de Bonomi. On s'en fera une petite idée en décortiquant en détail ce projet d'OPA hostile.

L'offre de Bonomi n'a en effet rien de très bonhomme. Réalisée via le consortium Global Resorts SAS, société du groupe italien Investindustrial, elle est aussi portée par Sol Kerzner, professionnel sud-africain du tourisme, et GP Investments, propriétaire d'une chaine d'hôtels brésilienne. L'actionnariat du Club se retrouverait donc éclaté aux quatre coins du monde, et dirait adieu à ses racines hexagonales.

Mais ce qu'il y a de vraiment inquiétant, ce sont les raisons profondes de l'intérêt de Bonomi pour le Club Med. L'homme s'est établi une solide réputation de raideur, et à en juger par le passif d'Investindustrial, force est de constater qu'il ne l'a pas volée. Ce n'est en effet pas la première fois que le groupe italien s'attaque à une société en position de vulnérabilité à des fins spéculatives, revendant ensuite en gros ou au détail ses actifs. L'un de ses coups les plus fumants ? Le rachat de Ducati, puis sa revente quelques années plus tard à Volkswagen. Le risque principal de cette succession de passages de témoin étant une dilution de l'ADN constitutif des firmes concernées.

Surtout, céder à Bonomi, ce serait s'aliéner Fosun et, par contagion, tout le marché chinois. Un manque à gagner considérable, au regard des investissements déjà consentis par le Club Med en Chine, et des perspectives de développement qui sont les siennes dans ce pays. Où l'on voit que si l'offre de Bonomi est la plus appétissante de prime abord, on aurait peut-être tort de laisser ce fleuron du tourisme français convoler en justes noces avec l'Italien sans y regarder à deux fois.

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Consultant en stratégie à mon compte, après avoir longtemps officié au sein d'un célèbre cabinet originaire du Massachusetts.

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