COVID-19 : quel impact sur l’économie française et mondiale ?

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Par Tristan-Pierre Maury Publié le 24 avril 2020 à 6h28
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110 MILLIARDS €Le plan d'urgence français contre le Covid-19 devrait mobiliser 110 milliards d'euros.

I. Les plans d’aides nationaux ou européens sont-ils correctement dimensionnés. Quelles seront leurs conséquences sur la soutenabilité de la dette publique ?

Globalement, les plans d’aide déjà annoncés dans les pays développés sont nettement plus importants que ceux mis en place lors de la crise financière de 2008, mais la crise actuelle s’annonce également beaucoup plus forte. En Europe, un plan d’un peu plus de 500 milliards d’euros vient compléter les mesures nationales, en attendant d’autres décisions de la part des leaders européens. Ce plan est encore insuffisant. Ainsi, seulement 200 milliards porteront spécifiquement sur l’aide aux entreprises européennes, sous la forme d’un fonds de garantie de la Banque Européenne d’Investissement. C’est seulement 1,5% du PIB européen. De plus, ce fonds, a priori opérationnel d’ici quelques semaines ou mois, garantira des prêts bancaires et sera donc tributaire de la stabilité du système bancaire durant la crise. En France, après des premières annonces clairement sous-dimensionnées (45 milliards), le gouvernement table maintenant sur un plan d’urgence de 110 milliards plus proche des montants fixés en Allemagne. On doit toutefois s’attendre à de nouvelles hausses car la France reste plus vulnérable que l’Allemagne compte tenu de la nature de son tissu productif avec beaucoup de petites entreprises.
A ce stade, les nouvelles projections données par le gouvernement sur la dette publique en 2020 ne semblent pas inquiéter les marchés et la France continue à emprunter à des taux très bas ce qui est rassurant concernant la soutenabilité de sa dette.

II. Quel rôle pour la politique monétaire et la BCE ? Peut-on craindre des tensions inflationnistes ?

De l’avis de beaucoup, la BCE a un rôle historique à jouer dans cette crise. Pour l’instant, c’est environ 1 000 milliards d’euros d’achats de titres publics et privés qui ont été décidés, dont 750 milliards sous la forme d’un Pandemic Emergency Purchase Programme (PEPP). Cette mesure n’a rien de nouveau pour l’institution basée à Francfort : des programmes de ce type ont été créés il y a une dizaine d’années, notamment pour aider les Etats européens les plus en difficulté lors de la crise de la dette souveraine et casser la spirale négative entre dette publique et pertes bancaires. Si ces aides ont produit des résultats pour certains pays européens en difficulté et si elles ont également permis aux banques européennes de constituer d’importantes réserves de liquidité, elles ne sont pas parvenues à relancer réellement le crédit bancaire. Cette question se pose de nouveau la crise actuelle : le crédit bancaire est le nerf de la guerre, notamment pour les petites entreprises françaises fortement dépendantes de ce type de financement.
Les prévisions en termes d’évolution des prix sont rassurantes et il ne semble pas que les annonces de la BCE doivent générer de fortes tensions inflationnistes, ni en 2020, ni en 2021.

III. Qu’en est-il de la stabilité du système bancaire européen, et du système français en particulier ?

Les banques sont mieux armées aujourd’hui qu’elles ne l’étaient en 2008. Elles disposent d’importantes réserves de fonds propres (eux-mêmes de bien meilleure qualité que lors de la crise des subprimes). En France, les ratios de capital (Tier 1) sont de l’ordre de 15% aujourd’hui, contre environ 10% en 2008. Elles ont également nettement plus de liquidités qu’auparavant. Certains points restent à surveiller : le premier d’entre eux est la tension récente sur les coûts de financement pour les banques. Dans ce domaine, il semble que les interventions des banques centrales sur les marchés obligataires corporate et les opérations de refinancement des banques soient de nature à rassurer les investisseurs. Par ailleurs, la tension sur les marchés interbancaires, bien que réelle depuis le début du mois de Mars, reste encore limitée. Ensuite, les taux de créances douteuses pourraient monter fortement si la crise devait durer. Cependant, ces taux sont très bas actuellement, et historiquement faibles en Europe, et en France notamment. Il faut toutefois noter que les marchés sont encore très incertains concernant la stabilité bancaire ce qui explique la forte baisse des cours des actions pour le secteur bancaire (baisse plus forte que pour d’autres secteurs d’activité, en particulier en France). Tout dépendra donc de la durée de la crise, mais, à ce stade, il semble que le sujet central qui doive nous préoccuper est le fonctionnement du crédit bancaire (en particulier, à court terme, du crédit de trésorerie) plus encore que la stabilité du système bancaire.

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Professeur d’économie à l’EDHEC, membre du pôle de recherche en économie et directeur académique du double diplôme EDHEC / Sciences Po Lille. Après un PhD en macroéconomie, il a travaillé à la Banque de France sur des questions de politique monétaire, puis à l’ESSEC Business School sur des problématiques liées aux marchés immobiliers. Aujourd’hui, ses activités de recherche se concentrent sur plusieurs thèmes : l’évaluation des politiques économiques (et notamment la politique monétaire), la stabilité du système financier et le rôle des marchés immobiliers. Par ailleurs, il intervient régulièrement auprès des acteurs privés comme publics (différents ministères, Cour des Comptes, Inspection Générale des Finances, collectivités locales, etc.).

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