Le pétrole sans risque n’existe pas

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Par Jean-Paul Boeldieu Modifié le 26 septembre 2012 à 4h16

Comment se prend la décision de produire ? Comme un périmètre de recherche et d’exploitation d’hydrocarbures est attribué à une association de partenaires ayant chacun un pourcentage des dépenses et des revenus éventuels, ils prennent en commun les décisions.

Il y a des règles au cas où certains refusent un budget. Par exemple, un projet de forage peut n’être décidé que par certains, qui paient alors la totalité des coûts avec la condition que s’il y a découverte, ceux qui n’ont pas participé ne peuvent retrouver leur pourcentage d’intérêt qu’en payant sept fois plus que s’ils avaient participé (clause de sole risk en anglais). S’ils ne peuvent pas, ils perdent gros au bénéfice de ceux qui ont mieux parié. C’est un peu le Casino, mais l’histoire pétrolière l’est souvent.

Avec de tels paris Aquitaine of Canada a pris le contrôle de Banff Oil dans les années 1970. L’histoire ne s’est pas terminée ainsi et Aquitaine a fini par n’investir que 50 millions de dollars pour constituer sa filiale, vendue en 1981 deux milliards de dollars. Comme quoi le jeu peut rapporter beaucoup plus quand la technique s’allie à la finance.

Les dépenses d’exploration, bien qu’importantes, sont encore six à dix fois moins élevées que celles de mise en production. Si les premières se font sur fonds propres, les secondes font appel à l’emprunt, d’où un taux d’endettement. Ce taux a beaucoup diminué ces dernières années.
Les changements de l’environnement fiscal représentent un autre pari. Certaines compagnies décident d’abandonner leurs installations pour de telles raisons, dans certains pays.

Il y a aussi le pari sur l’évolution des prix de vente internationaux. Sur les quarante dernières années, c’est à dire la durée de l’exploitation d’un gisement, le remplacement de la loi du marché par la politique de l’OPEP n’a pas permis la stabilité. Les variations de prix en dollar constant ont atteint des extrêmes allant de 10 à 150 dollars.

Les prix à la production ont tendance à diminuer sur le long terme. Selon les fluctuations de prix, ce sont des bruts plus ou moins chers qui sont mis sur le marché. Le négoce rapporte aussi lorsque les prix montent entre le départ d’une cargaison de brut et son arrivée à la raffinerie.
Les achats et les ventes sont alors multiples. Actuellement les bénéfices à l’exportation sont taxés en moyenne à 60 %.

Après transport, raffinage et distribution, les taxes des pays consommateurs multiplient encore les prix par trois ou plus, de telle sorte que ce que paye le consommateur, ce sont essentiellement des taxes. C’est une des plus grosses parts du budget de tous les pays.
Les pays producteurs n’ajoutent pas toutes les taxes précédentes, pour le bénéfice de leurs résidents.

Le traitement et le raffinage des produits pétroliers font de tels progrès que les pétroles changent de catégorie pour devenir de plus en plus conventionnels. C’est le cas des productions éloignées des lieux de consommation et des bruts lourds. De plus en plus de ressources américaines (du Venezuela au Canada) entrent dans ce cas. L’ensemble des investissements annuels pour les acteurs pétroliers dépasse le milliard de dollars, alors que les revenus après taxes sont au niveau de la moitié de cette somme.

Dans une décision de produire, il y a d’autres paris : sur l’amélioration des techniques de production par exemple, en coûts et en quantités. La diminution historique des coûts justifie que l’on n’ait aucun intérêt à produire trop tôt. Plus tard, ce sera moins cher. Il faut suivre la demande, qui augmente de l’ordre de 1 % par an quand les ressources augmentent de 2 %. Cela explique le gonflement des projets en attente, qui de plus ne peuvent fournir de réserves telles qu’elles ont été définies plus haut.

Les proportions que l’on tire d’un gisement (taux de récupération) augmentent, par optimisation des techniques, de l’ordre de 1 % des réserves chaque année. De nouveaux types d’hydrocarbures s’ajoutent aux ressources habituelles …

Pour conclure cette introduction aux hydrocarbures, les hydrocarbures liquides, et c’est encore plus vrai pour les hydrocarbures gazeux, auront encore de beaux jours, tant qu’une énergie vraiment concurrentielle en termes de risques et de prix de revient ne les auront pas détrônés, comme cela a été le cas pour les hydrocarbures solides (les charbons). Vous l’avez compris, les métiers pétroliers sont faits pour les plus aventureux, qui s’y délectent. C’est le plus souvent par aversion au risque qu’une compagnie disparaît.

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