Pourquoi le FMI menace d’exclure l’Argentine

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Par Laure De Charette Modifié le 4 février 2013 à 3h45

Toute première fois, toute toute première fois. Après plusieurs mises en garde qui sont restées lettre morte, le Fonds Monétaire International a adopté une « déclaration de censure » à l'encontre de l'Argentine. Jamais une telle procédure n'avait été lancée par l'organisation internationale envers un de ses membres. L'heure est grave : si l'Argentine n'obtempère pas de toute urgence, elle risque l'exclusion pure et simple du FMI, et du G20 par la même occasion...

Pourquoi ? L'institution reproche à ce pays d'Amérique du Sud de publier des statistiques économiques peu fiables voire mensongères, notamment en ce qui concerne les chiffres de la croissance et du taux d'inflation. En clair, l'Argentine est soupçonnée de truquer ses chiffres et de violer ainsi les obligations faites aux 188 Etats membres du FMI. Les analystes soupçonnent en effet que les prix ont augmenté en un an de 25% voire 30%, loin des 10,8% déclarés. Même chose pour la croissance, de 8% en moyenne chaque année, qui pourrait, elle, être largement surestimée.

Cela fait des mois, depuis juillet 2011 précisément, que cette question des statistiques empoisonne les relations entre le FMI et l'Argentine. Le Fonds a calculé que Buenos Aires refuse depuis "62 mois" les évaluations annuelles auxquelles sont traditionnellement soumis ses Etats membres. En fait, l'histoire est même plus ancienne puisque tout remonte à 2007, lorsque le mari de la présidente actuelle, Nestor Kirchner, a renvoyé les statisticiens de l'INDEC, l'équivalent de l'Insee, et les a remplacés. Ceux qui ont ensuite eu le malheur de publier des données différentes de celles de la nouvelle INDEC ont été poursuivis. Des actions en justice sont actuellement en cours : les statisticiens téméraires risquent une amende pouvant aller jusqu'à 250 000 dollars et une peine de cinq ans de prison. En somme, ils sont considérés comme des criminels mettant l'Etat en danger. Certains banquiers ont aussi raconté les pressions qu'ils subissaient, de la part du ministre du Commerce en personne, pour mettre leurs données en conformité avec celles du gouvernement.

En septembre, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, avait menacé le pays d'un « carton rouge », censé, comme au football, exclure le pays du jeu. Elle avait alors donné trois mois de plus à Buenos Aires pour qu'elle publie sa véritable inflation et qu'elle donne enfin des chiffres conformes aux standards internationaux.

Pour l'Argentine, les conséquences d'une exclusion seraient lourdes : concrètement, le pays serait déchu de son droit de vote au sein des instances du FMI mais, plus grave, il ne pourrait plus lui emprunter d'argent.

A ce jour, seule la Tchécoslovaquie a été exclue du FMI, en 1954, pour avoir refusé de communiquer certains renseignements à l'Organisation. Le Zimbabwe et la Somalie n'en sont pas passés loin mais parce qu'ils ne remboursaient pas leurs dettes contractées auprès du Fonds.

L'Argentine, qui a fait faillite en 2001 (et qui en tient le FMI pour responsable), risque donc de se transformer en « paria » de la communauté économique internationale. La présidente Cristina Kirchner crie à l'acharnement. Cette fois, son pays a jusqu'à septembre, date du nouvel ultimatum, pour se mettre aux normes. Sinon, l'institution lancera une procédure de mise à l'index, nouveau pas vers l'exclusion.

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Journaliste depuis 2005, Laure de Charette a d'abord travaillé cinq ans au service France du quotidien 20 Minutes à Paris, tout en écrivant pour Economie Matin, déjà. Elle est ensuite partie vivre à Singapour en 2010, où elle était notamment correspondante du Nouvel Economiste et où elle couvrait l'actualité politique, économique, sociale -et même touristique !- de l'Asie. Depuis mi-2014, elle vit et travaille à Bratislava, en Slovaquie, d'où elle couvre l'actualité autrichienne et slovaque pour Ouest France et La Libre Belgique. Elle est aussi l'auteur de plusieurs livres, dont "Chine-Les nouveaux milliardaires rouges" (février 2013, Ed. L'Archipel) et "Gotha City-Enquête sur le pouvoir discret des aristos" (2010, Ed. du Moment). Elle a, à nouveau, rejoint l'équipe d'Economie Matin en 2012.

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