Expatriés : Depardieu ne nous représente pas !

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Par Francis Dumaurier Modifié le 22 janvier 2013 à 6h05

Les expatriés sont un groupe mal connu, mal compris, et parfois mal famé ... et Gérard Depardieu est en train de nous faire du tort.

J’ai eu le plaisir de travailler avec lui dans deux scènes tournées à New York pour “Green Card” et “My Father The Hero”, et je dois avouer que ce privilège m’est toujours resté cher car Gérard était courtois, amusant et sympathique d’un point de vue personnel ... et que, par ailleurs, sa présence formidable sur le plateau dominait le tournage avec une précision méthodique et supérieure. Malheureusement pour lui, la vie du monde réel est plus complexe que celle des plateaux de cinéma, et ce qui était vrai en 1990 l’est encore en 2013.

“Green Card” était son premier film en anglais qui l’introduisait sur le marché américain, mais cette grande vedette internationale du cinéma français n’a pas compris les subtilités des relations avec la presse qui l’a matraqué lorsqu’il s’est exprimé à contre courant – ce qui lui a fait perdre ainsi la conquête commerciale du marché américain et, après quelques essais malheureux, on n’a plus vraiment entendu parler de lui ici en dehors des rares films français distribués dans les cinémas d’art de quelques grandes villes américaines.

Il semble avoir maintenant plus de chance avec l’ours russe qu’il n’en a eu avec l’aigle américain, et ce n’est probablement pas un hasard si tout ce brouhaha se passe à la suite du film “Raspoutine” qu’il vient de tourner pour une compagnie franco-russe et dans lequel il interprète ce personnage mythique dans la peau duquel il devait être parfaitement à l’aise.

Il est souvent difficile pour les vedettes du cinéma de faire la différence entre la réalité de tous les jours et leurs propres campagnes de relations publiques, et sa manière de traiter son problème avec l’état français semble lui valoir une chute de popularité avec le public.

Je n’ai aucune opinion à offrir sur les raisons qui l’ont poussé à vouloir devenir belge avant de devenir russe, mais ses actions ont pris une dimension qui nous donne tous une mauvaise image – nous les vrais expatriés.

Il est difficile d’accepter ce qu’on ne connait pas et – c’est du moins ce que mon expérience personnelle m’a forcé d’accepter avec une certaine amertume – les expatriés étaient déjà considérés par les Français de l’hexagone comme des traitres virtuels. Mais vient maintenant s’ajouter la notion de “fuite” pour aller cacher ailleurs ce qu’on ne veut pas garder en France.

De plus, d’autres cas célèbres viennent se greffer à celui de M. Depardieu, tel celui de Bernard Arnault à qui le gouvernement belge vient de refuser la citoyenneté pour ne pas avoir résidé suffisamment longtemps sur leur territoire avant d’en faire la demande. Poutine a prouvé qu’il n’avait pas d’état d’âme à ce sujet pour M. Depardieu, mais cette exception ne confirme pas la règle qui veut que les expatriés suivent un parcours précis d’éligibilité et de respect des lois d’immigration.

Je vis “à l’étranger” depuis 41 ans mais je n’ai pas “fui” la France. Je suis parti en voyage et ne suis simplement pas rentré car j’ai trouvé sur place les opportunités qui m’ont permis de bien vivre dans un environnement qui me convenait. Après avoir passé un an en jungle amazonienne et cinq ans à Rio de Janeiro, j’habite à New York depuis 35 ans où je travaille dans le monde du spectacle. Durant ces 41 ans, j’ai rencontré des centaines d’expatriés français dont aucun n’avait fui la France pour des raisons fiscales.

Être expatrié, c’est trouver son chemin. Je ne parle pas de ceux qui sont en déplacement temporaire pour avoir été envoyés en poste par leur société ou par le gouvernement. Je parle simplement de ceux qui, comme moi, sont partis à l’aventure pour se faire une place au soleil et qui ont trouvé des circonstances plus heureuses et plus bénéfiques que celles qui leur étaient réservées en France.

Nous sommes apparemment près de deux millions d’expatriés français dispersés de par le monde, mais cette expérience n’est pas faite pour tout le monde. Beaucoup échouent et finissent par rentrer après avoir été découragés par des conditions insurmontables, et certains préfèrent se suicider ou vivre dans la misère plutôt que de rentrer en France. Mais un grand nombre – hommes et femmes de tous bords – y arrivent et se font une vie nouvelle en surmontant les obstacles quotidiens posés par l’immigration, l’emploi, la famille, les finances, etc.

Le fait de vivre loin de l’hexagone ne veut pas dire qu’on n’est plus Français. On l’est toujours de cœur - et de passeport - même lorsqu’on a acquis la double nationalité. La plupart d’entre nous faisons de notre mieux pour offrir une image de qualité de la France et de l’état d’esprit français ... et nous sommes toujours représentés en France par nos propres sénateurs.

Qu’il ait raison ou qu’il ait tort, le comportement de M. Depardieu ne nous représente pas. Au contraire, il nous embarrasse !

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Né en banlieue parisienne, Francis Dumaurier a grandi au pied de la Butte Montmartre, passé son baccalauréat au Lycée Condorcet ainsi qu’une Maîtrise en Études Américaines sur “Jack Kerouac et la Beat Generation” à l’Université de Paris X Nanterre durant l’époque de Mai 1968.   Après avoir passé son premier week-end aux États Unis au festival de Woodstock en août 1969, il décide de partir à l’aventure et passe un an en jungle amazonienne comme guide de safaris et cinq ans à Rio de Janeiro dans l’industrie du tourisme avant de s’installer à New York où il vit depuis 35 ans en travaillant dans le monde du spectacle.   Son expérience d’expatrié est décrite dans la version illustrée de son livre « X-PAT NY » qui peut être téléchargée gratuitement sur le site http://xpatny.free.fr

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