Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,
« Sur l’île de France il y a à peu près 12 millions d’habitants, elle en comportera peut-être 6 millions. Vous allez me dire, où sont passés les autres ? Et bien les plus aidés sont partis ailleurs, les autres sont partis au ciel. » Le futur proche de l’île de France vu par Yves Cochet, ancien ministre, c’est plutôt une catastrophe géante avec des millions de morts et un exode urbain massif.
Penser l’exode urbain
Cela fait longtemps que je dis que si l’exode rural a eu lieu, c’est parce que le modèle économique actuel consumériste supposait avant tout de regrouper dans de grandes usines beaucoup de bras et d’ouvriers afin de produire en grande quantité.
En 1945 la France est encore très rurale. Les 30 glorieuses et la reconstruction vont considérablement hâter l’exode rural. Pourtant, dès le début des années 2000 les phénomènes de fond qui ont alimenté cet exode rural vont commencer à s’inverser.
La région parisienne voit le coût de l’immobilier exploser à la hausse, les délocalisations ferment les usines, et nous perdons depuis la fin des années 80 des milliers de postes d’ouvriers chaque année. La mondialisation va tout changer, de même que les progrès technologiques, Internet et le télétravail qui commencent tout juste à rentrer dans le domaine du possible, sans oublier la tertiarisation considérable de notre économie. Bref, la ville devient coûteuse, inconfortable, polluée, avec peu d’espaces disponibles et une qualité de vie qui se détériore de façon importante.
Au bout du compte, on constate dès 2010 l’apparition d’un solde démographique négatif pour l’île de France. Les Babyboomers partent à la retraite, ailleurs qu’en région parisienne. Ils partent en province. De plus en plus de familles et de jeunes couples sont exclus des zones centrales de Paris et s’éloignent de plus en plus.
Tout ceci est logique, et ce sont des tendances de fond qui vont continuer.
La ville est obsolète si tout va bien !
La ville est devenue obsolète en soi car les moyens de communication, la typologie même des fonctions, le télétravail, le développement de l’autoentrepreneuriat, la précarité généralisée, vont pousser, même si tout va bien, les agents économiques que nous sommes à prendre en considération leur fragilité financière et donc à raisonner « autonomie ».
On ne peut pas être autonome en ville, on ne peut pas être résilient en ville. Lorsque l’on est propriétaire d’un appartement dans une copropriété, il faut payer ses charges, faire les réparations que d’autres veulent, s’occuper des espaces verts et changer les fleurs… même si vous n’avez pas les moyens de le faire parce que votre mission n’a pas été reconduite.
Dans votre copro il n’y a pas de place pour votre poulailler, la possibilité de se chauffer au bois, ou de cultiver votre potager. Vous avez rarement la place d’avoir deux congélateurs pour stocker la viande en promotion et les lots importants qui vous font l’année... et je peux multiplier les exemples à l’infini. La misère est moins pénible au soleil, elle est également moins difficile à la campagne !
La ville est condamnée si tout va mal !
Si tout va mal et que le système actuel s’effondre, alors, la prédiction d’Yves Cochet risque fort de se révéler exacte. Y aura-t-il des millions de morts ou seulement des milliers, nul ne le sait aujourd’hui, mais ce qui est certain, c’est que sans Monoprix, Auchan, et tous les services supports qui font tourner les villes, ces immenses mégalopoles sont tout simplement invivables et le sont déjà pour de nombreux quartiers.
Vendre la ville, acheter la campagne…
Alors forcément, ils sont de plus en plus nombreux à vendre la ville et à acheter la campagne. Pour les plus riches, ils peuvent se permettre de faire les deux et d’acheter la ville ET la campagne.
Ce que vous montre ce reportage, c’est que partout en France, il y a des milliers de Français et de familles qui, loin des propos rassurants et lénifiants d’usage, se préparent et prennent leurs dispositions pour gérer aussi bien le trop-plein que la pénurie. Entre le stress professionnel, le manque de sens, les burn-out et les bore-out, les « bullshit jobs » et les pressions insupportables, beaucoup veulent une autre vie, et une autre vie est possible. Nettement plus ancrée dans la réalité, dans le quotidien, plus proche de la nature et de la terre.
L’homme n’a pas été fait pour être enfermé dans des boîtes empilées les unes sur les autres.
Vers l’exode urbain…
L’exode urbain s’annonce donc comme une grande tendance des 10 années à venir que les choses se passent très bien, moyennement bien, mal ou très mal. La seule inconnue désormais, sera la puissance de ce mouvement. Considérable si le système s’effondre, nettement plus doux si les choses se passent bien.
Dans tous les cas, ce qui est porteur d’espoir c’est de voir tous ces îlots non pas de gens surarmés en train de se développer, mais de voir cette prise de conscience qui passe pour la première fois un effet de seuil permettant à ce mouvement de recherche d’autonomie et de résilience de devenir significatif. Plus les résilients seront nombreux, plus le pays sera collectivement fort pour affronter ce qui arrive.
Les solutions ne viendront pas du haut, mais de l’addition de toutes les initiatives des gueux sans homard que nous sommes.
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae