« Mon ennemi c’est la finance ! »

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Par Charles Sannat Modifié le 23 juillet 2013 à 9h11

« Mon ennemi c’est la finance. » Nous avons tous en mémoire cette phrase de Monsieur « moi Président » qui ne l’était pas encore à l’époque et qui, donc, avait des paroles de candidat !

Un an après l’élection présidentielle, il ne reste plus grand-chose de ce discours, en tout cas dans les faits. La réforme bancaire fut une vaste fumisterie et Pierre Moscovici, notre mamamouchi de l’économie, a même récemment déclaré que la très libérale Commission Européenne allait trop loin dans la régulation bancaire en voulant imposer une taxe sur les transactions financières… Il faut se pincer pour se dire que l’on ne rêve pas.

Après avoir fait la tête aux banquiers (officiellement), puisqu’officieusement l’un des plus proches conseillers de Normal 1er est un ancien banquier de banque d’affaires au carnet d’adresses bien garni, le « ravi de la crèche », comme le surnomme désormais le Magazine Marianne (qui n’est pas vraiment à droite), a reçu à l’Elysée tout ce que notre douce France (de moins en moins douce d’ailleurs) compte de banquiers importants !

La moitié de la France étant en vacances et l’autre moitié étant éteinte par la chaleur estivale, c’est évidemment un bon moment pour « normaliser » normalement les relations de Normal 1er avec les vrais patrons… les banquiers !

L’AFP, qui est à l’information dans notre pays ce que la Pravda était à l’information en ex-URSS, nous gratifie de quelques commentaires assez drôles, à l’humour assez fin, bref, encore un grand moment « d’information » que j’avais envie de partager avec vous entre un plateau d’huîtres du bassin d’Arcachon (je fais aussi la pub de nos ostréiculteurs locaux) et un verre de rosé (du bordeaux de préférence, qui existe aussi en rosé fort agréable ; il y a également quelques bons entre-deux-mers qui accompagnent avec délice vos coquillages et crustacés).

Façonner une « communication », raconter une histoire (le « story-telling »)

J’apprends donc avec ravissement que « les dirigeants des grands réseaux bancaires ont apprécié d’être enfin reçus à l’Elysée. Ils ont souligné que les nouvelles contraintes qui pèsent sur les banques limitent leur capacité à financer l’économie ».

Haaa, ils sont contents nos banquiers. Ils ont apprécié d’être enfin reçus. C’est important d’être reçus par le gouverneur de la province européenne de France, car après tout, quand il faut négocier un petit chèque, autant aller discuter avec celui qui tient les cordons de la bourse. Or les banquiers, il n’y a qu’une chose qui peut les faire « vibrer », c’est de l’argent (croyez-moi, en tant qu’ancien banquier repenti j’en connais un rayon).

Officiellement, « François Hollande a reçu les patrons du secteur bancaire français, afin de s’assurer que leurs établissements étaient bien prêts à financer l’économie à hauteur de ses besoins ».
François il est fort. Comme il voit bien lui que la reprise arrive, il voulait s’assurer que tout le monde était prêt à financer et à accélérer ce processus de crôassance économique forte à venir qui va nous mener directement à la félicité partagée et retrouvée du plein-emploi pour tous…

J’adore aussi le passage sur la force morale de notre Président, l’homme incorruptible qui fait les choses dans l’ordre lui !

Lisez plutôt : « Il aura fallu plus d’un an pour que François Hollande rencontre enfin, vendredi après-midi, les patrons du secteur bancaire français. Sans doute parce que le président de la République voulait d’abord encadrer cette « finance sans nom et sans visage » dont il avait fait son principal ennemi durant sa campagne électorale. » C’est vrai qu’un an après les banquiers français se sentent hyperencadrés…
Surtout chez Dexia qui nous coûte la bagatelle de presque 7 milliards d’euros (pour le moment) et qui risque d’avoir besoin d’une petite rallonge supplémentaire assez rapidement dans la mesure où Dexia, qui est toujours dans les bons coups, avait décidé de façon magistrale de prêter des sous non pas aux communes françaises ou pourquoi belges, non, c’était trop simple, pas assez rigolo. Donc ils ont prêté votre fric à la ville de Détroit aux USA… Oui ce Détroit-là, celui qui vient d’être placé en faillite ! Il y en aurait pour 100 millions d’euros d’après certains esprits chagrins.
Non, vraiment, heureusement que Normal 1er a régulé cette finance folle et sans visage…

La Pravda (pardon l’AFP) continue à nous rendre compte de cet événement majeur. « Cet entretien d’une heure à l’Elysée « s’est très bien passé, nos échanges ont été constructifs », a ­confirmé l’un d’eux aux Échos. Et d’ajouter sur le ton de la plaisanterie : « François Hollande va bientôt devenir un professionnel de la chose bancaire ! »

François un expert en banque et en finance en moins d’une heure !

Il est trop fort notre gouverneur un peu « ravi de la crèche » sur les bords. En une heure, il a tout pigé à la finance, si ce n’est une preuve de « brillance », je ne sais pas ce que c’est. Regardez, par exemple, moi, votre humble serviteur, je n’ai pas encore tout compris à la finance, il y a quelques subtilités qui par moment, reconnaissons-le, m’échappent et je suis content dans ce cas de pouvoir passer un ou deux coups de fil pour avoir quelques précisions et explications forts nécessaires ! Mais François LUI, il est TROP fort. En une heure, entre deux déplacements héliportés pour aller serrer 3 louches, poser deux chrysanthèmes, couper un ruban, il devient un professionnel de la chose bancaire.

Lorsqu’un banquier dit de quelqu’un qu’il devient un pro de la chose bancaire, c’est que la personne en question n’a strictement rien compris (ce qui ne l’empêche jamais de prendre un air entendu) et qu’il est en train de se faire enfler dans les grandes largeurs, ce qui évidemment ravit nos banquiers qui vont gagner encore un peu plus de fric sur la bête.

Le bâton de François !

Hoooo, ce passage est proprement hilarant, vous allez adorer mes amis ! Cela ne peut que vous plaire…

« Le ton est donné. Après avoir manié le bâton, le président de la République a désormais hâte de mettre des noms et des visages sur un secteur dont il a absolument besoin pour conforter la reprise économique. Ces noms sont ceux des dirigeants des 6 grands réseaux bancaires français : Jean-Paul Chifflet, directeur général du Crédit Agricole et président de la FBF, Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas, Michel Lucas, président de Crédit Mutuel-CIC, François Pérol, président du directoire de BPCE, Séverin Cabannes, directeur général délégué de la Société Générale, qui remplaçait son PDG, Frédéric Oudéa, et Philippe Wahl, président du directoire de La Banque Postale. François Hollande les a tous conviés pour s’assurer que leurs ­établissements sont bien prêts à financer l’économie à hauteur de ses besoins ».

Vous voyez comment on gère une communication ? Comment on écrit une belle histoire ? François, l’homme qui a su affronter avec son bâton cette finance sans visage, a « absolument besoin de mettre des visages pour conforter la reprise économique »…. Haaa haaaha hahahahahahaha ! J’en avale mon huître de travers (c’est bon les huîtres, mangez des huîtres, surtout celle du bassin d’Arcachon).

Maintenant on peut commencer à plaindre les banquiers !

La Pravda (enfin l’AFP, mais vous aviez traduit en bons contrariens que vous êtes) : « Ils ont d’ailleurs souligné que leurs encours de crédit n’avaient cessé de progresser. Ils estiment en effet que les réformes prudentielles, réglementaires et fiscales variées, dont ils ont fait les frais ces derniers mois, limitent considérablement leurs marges de manœuvre. Selon eux, il faut mettre un terme à ce « bank bashing » afin que « les banques puissent faire ce qu’elles ont envie de faire et qui est leur métier » ?? Vous avez compris la manœuvre ?

Hooooo… Pauvre banquier… perdu tout seul dans ce maquis réglementaire qui l’empêche de faire son métier et accessoirement de faire les poches de ses clients et surtout des con-tribuables.

Sont tellement gentils ces banquiers. Veulent juste faire leur métier… C’est tellement mignon une telle demande. On ne peut pas être contre hein ?… !

Les banques ne pourront pas conforter la reprise !

La Pravda conclut donc son compte-rendu de la dernière réunion du Politburo en nous expliquant que « jusqu’ici cette mise en garde ne portait pas parce que les besoins de financement des entreprises étaient moindres du fait de l’environ­nement récessif. Le mois dernier, les encours de crédits aux PME stagnaient voire diminuaient pour les entreprises de taille intermédiaire (– 1,9 %). Mais si leur appétit d’investissements retrouve des couleurs avec la reprise, les banques assurent que leurs contraintes seront trop fortes pour qu’elles puissent ­honorer toutes les demandes de crédit ».

Oulalalalalalala toussa-toussa-toussa, c’est grave… Il va falloir trouver une solution hein ? Et si, par exemple, je ne sais pas moi, on décidait d’aider encore les banques ? Ce serait juste hein ! Et puis c’est pour conforter la reprise hein ! Ce n’est évidemment pas pour leur refiler votre fric en douce parce que tout le système bancaire français est moisi jusqu’à la moelle…
On va à nouveau aider les banques, enfin les re-re-re-sauver encore une fois.

Et la Pravda de conclure pour vous préparer, vous le petit peuple, à une nouvelle politique de soutien aux banques, mais en douceur (la préparation) :

« Or François Hollande veut non seulement croire à ce scénario mais il veut aussi le faire vivre. Pour cela, il est prêt à tendre la main ­aux banques. »

Eh oui mes amis, pour que la reprise soit confortée, il va falloir tendre la main aux banquiers, ce que s’apprête à faire notre petit père des peuples dans sa sagesse infinie… avec votre fric, car c’est beaucoup plus facile qu’avec le sien.

Nous ne sommes pas au bout de nos peines, raison pour laquelle je vous laisse, j’ai un plateau d’huîtres à manger, autant en profiter tant qu’on peut !

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.

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