Coopération franco-russe : quand les grands groupes et les startups font de la concurrence à la Silicon Valley

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Par Rédacteur Modifié le 29 novembre 2022 à 9h22
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10 MILLIARDS €La FrenchTech, en 2021, a levé plus de 10 milliards d'euros.

Destinées à rapprocher les sociétés civiles russe et française, plusieurs initiatives politiques récentes, comme le Dialogue de Trianon et ses déclinaisons sur le terrain (Trianon Startups, EcoLab franco-russe etc.) permettent aux jeunes ou aux entrepreneurs et chefs d'entreprise des deux pays de faire avancer des projets innovants, durables, et qui n'ont rien à envier à ceux de la Silicon Valley.

En matière de stéréotypes nationaux, les clichés ont la vie dure, en affaires comme ailleurs. L'innovation technologique mondiale ne s'épanouirait qu'en Californie, la Russie serait la patrie éternelle de l'industrie lourde et la France celle, non moins fantasmée, d'un art de vivre figé dans le temps. C'est en partie pour lutter contre ces préjugés et jeter de nouveaux ponts entre leurs pays respectifs qu'Emmanuel Macron et son homologue russe, Vladimir Poutine, ont inauguré en mai 2017 le Dialogue de Trianon. Également dénommée « forum franco-russe des sociétés civiles », l'initiative, lancée comme son nom l'indique à Versailles, vise à « permettre à notre jeunesse, nos acteurs économiques, culturels, nos penseurs, de dialoguer, de se rapprocher et de surmonter les éventuelles incompréhensions », selon le président français.

Depuis son lancement, le Dialogue du Trianon s'articule autour de plusieurs rencontres physiques – en France ou en Russie – réunissant citoyens, associations, entreprises et acteurs publics autour d'un ou de plusieurs axes stratégiques. Un accent particulier est mis sur la participation de la jeunesse et la discussion autour de thèmes qui mettent en lumière les domaines de rapprochement entre l'Europe et la Russie. S'il repose, au plus haut niveau, sur une véritable volonté politique, le Dialogue du Trianon a donc rapidement essaimé du côté de la société civile, où les acteurs économiques des deux pays se sont emparés de l'opportunité pour étoffer leurs relations et accélérer leurs échanges, notamment en matière de business.

Trianon Startups, EcoLab franco-russe...le potentiel de la société civile

C'est ainsi qu'est né Trianon Startups, une organisation chargée de mettre en place des rencontres franco-russes, lancée notamment par des membres du conseil de coordination du Dialogue du même nom et des entrepreneurs tels que la présidente de la French Tech à Moscou Euryale Châtelard. Plus limités que ceux de son grand frère, les objectifs du Trianon Startups sont, aussi, plus concrets : il s'agit de faire se rencontrer, sur le modèle du speed-matching, des représentants de grands groupes et ceux de jeunes pousses des deux pays. Courtes, les rencontres en face à face permettent en effet d'aller à l'essentiel. Trois éditions se sont d'ores et déjà tenues : une première, au Château de Versailles en avril 2019, mettant en relation une quinzaine de groupes tricolores avec 30 startups russes ; une deuxième, le 3 février 2020, dans l'écrin du Musée des Beaux-Arts de Pouchkine à Moscou, entre une trentaine de jeunes pousses françaises et 23 groupes russes ; la troisième édition s'est quant à elle tenue, à nouveau, dans l'enceinte du Château de Versailles le 7 juin dernier réunissant 26 jeunes pousses russes autour de l'« industrie du futur ». L'événement est « inscrit au titre des rendez-vous incontournables du Dialogue de Trianon » comme l'indique le site de l’organisation.

L'occasion, pour les entrepreneurs russes, de se présenter aux dirigeants de grands noms du CAC 40 qui avaient fait le déplacement : Orange, Renault, Air France, Saint-Gobain, Pernod Ricard, TotalEnergies, Thales, etc. Placé sous le sceau de l'innovation high tech, l'évènement a permis aux entreprises russes de se distinguer dans des domaines variés, allant des technologies financières au marketing numérique, en passant par la réalité virtuelle, le commerce électronique ou l'efficacité énergétique – autant de créneaux d'avenir sur lesquels, en France, on n'attendrait pas nécessairement que des acteurs russes se positionnent. Et, fort de ce succès, Trianon Startups se décline désormais en éditions thématiques régionales et décentralisées, telle que celle qui s'est tenue, le 12 octobre 2021, à la Maison Sevastianov d'Ekaterinbourg, dans la région russe de l'Oural. Les Green Tech étaient cette fois à l'honneur, démontrant s'il le fallait encore que l'innovation écologique n'est plus l'apanage de la seule Silicon Valley, ou de l'Europe de l'Ouest.

Business as usual

«Le Sud et l’Est de l’Europe sont encore des régions sous-représentées dans le mouvement de la jeunesse en faveur du climat, notamment en ce qui concerne l’environnement politique et nos objectifs» affirme de son côté Tetiana Stadnyk, secrétaire générale de l’ONG Youth and Environment Europe (YEE). En partenariat avec YEE et organisé dans le cadre du Dialogue de Trianon, l’ÉcoLab franco-russe est un programme de mobilité pour les jeunes Français et Russes œuvrant en faveur de la biodiversité. Autant d’initiatives qui prouvent le très fort potentiel de la société civile européenne.

En attendant, des entreprises ont su tirer leur épingle du jeu en 2021, notamment à la faveur de la crise sanitaire : la société russe Yandex a lancé son service de livraison à Paris en 2021, le détaillant en ligne Wildberries s'est implanté dans l'Hexagone en proposant 5 millions de produits et Brandquad, spécialisée dans le data management, a levé 2,5 millions d'euros auprès de Skolkovo Ventures et de BPI France.

Si la France et la Russie peuvent connaître de temps à autre des tensions sur le volet international, ces initiatives de terrain montrent la persistance du business as usual malgré les aléas diplomatiques, et l’urgence, aux yeux de la société civile, des enjeux technologiques et environnementaux de demain.

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