CONFIDENTIEL
En redressement judiciaire depuis le 1er juin 2012, le Groupe Doux suscite bien des convoitises. Les administrateurs judiciaires ont reçu sept offres de reprise dont «cinq des sept [sont] minables» d’après le délégué CFDT de l’entreprise, Jean-Luc Guillart. La plupart sont très faibles financièrement, et ne reprennent qu'une petite partie du personnel de Doux, sur un total de 3 400 salariés.
Dans le lot, l’offre de Tilly-Sabco, dirigé par Daniel Sauvaget, ferait l’objet d’un lobbying actif en sa faveur de la part des représentants de l’Etat, qui suivent le dossier sous la houlette d’Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif.
L’offre de Tilly-Sabco est pourtant l’une des plus surprenantes quand l’on sait que cette entreprise réalise 125 millions d’euros de chiffre d’affaires, alors que le Groupe Doux, qui pèse 1, 4 milliard d’euros de CA au total, (mais a accumulé 344 millions d’euros de dettes), réalise quatre fois plus de chiffre d'affaires que Tilly-Sabco sur la seule activité export.
Après un redressement judiciaire de 18 mois dont il est sorti en 2008, Tilly-Sabco est par ailleurs encore trés endetté. Ses créances gelées lors du redressement, et dont le montant est tenu strictement confidentiel, ont été étalées sur dix ans. Tilly-Sabco, redevenu rentable, dégage assez de marge pour la rembourser, mais en 2017, la dernière échéance du plan de remboursement de sa dette sera de.. 55 %.
Or, Tilly-Sabco, dans son dossier de reprise, propose de reprendre 588 salariés de Doux et de racheter 50 % de ses créances auprès des éleveurs de volaille, évaluées à 6 millions d’euros. Avec quel argent ? Les banques ne se bousculent pas pour financer les projets de croissance d'une entreprise avec un échéancier de remboursement de dettes, arrété par un tribunal, sur les bras. Le secret demeure bien gardé. Par ailleurs, Daniel Sauvaget, actionnaire à 100 % de Tilly-Sabco via sa holding S2A, était dans le passé directeur général délégué de la branche volailles d'Unicopa dont Tilly-Sabco était… une filiale. Or, Unicopa a été démantelée en 2010, laissant plusieurs centaines de salariés sur le carreau.
Les connaisseurs du dossier Doux se demandent donc comment une entreprise onze fois plus petite que Doux, qui sort de redressement judiciaire, et dont le dirigeant n’a pas pu sauver dans un passé très récent un autre des gros acteurs du secteur agro-alimentaire, pourrait endosser le costume du sauveur du leader français de la volaille... tout en créant au passage près de 3 000 chômeurs supplémentaires.
Pendant ce temps, la famille Doux, qui détient encore 80 % du capital de l’entreprise, travaille sur un plan de continuation qu’elle pourrait présenter d’ici une dizaine de jours, et qui porterait sur au moins les 2/3 du périmètre actuel de l’entreprise, limitant les risques de casse sociale.
Les activités export de Doux sont aujourd’hui évaluées à hauteur de 200 millions d’euros, et suscitent l’essentiel des propositions de reprise actuellement sur le bureau des administrateurs judiciaires. Le Tribunal de commerce de Quimper les examinera le 16 juillet prochain.