Hollande remet jeudi sa majorité en ordre de marche… Mais pour aller où ?

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Par Jean-Marc Sylvestre Modifié le 15 mai 2013 à 4h53

Une pré-négo sur les retraites, une audition à Bruxelles et une conférence de presse. Le président de la République est surtout attendu maintenant sur sa capacité à faire le ménage dans sa majorité.

La semaine sera difficile pour François Hollande parce qu'elle sera très tendue sur le front social. En effet, les premières négociations avec les syndicats sur les retraites ont montré une chose : il faudra trouver des contreparties sérieuses si le gouvernement veut véritablement avancer sur la voie d'une réforme radicale qui mettrait le système français à l'abri des difficultés.

Il n'y a pas de miracle à attendre. Il faudrait encore repousser l'âge de départ à la retraite mais on préfèrera augmenter le nombre d'années de cotisation pour toucher une pension à taux plein. Ça veut dire qu'un salarié pourra toujours partir plus tôt mais dans ces conditions sans toucher le taux plein.

On est quand même dans un faux débat.
Tout le monde convient qu'avec l'allongement de la durée de vie, il faudra forcement travailler plus longtemps. Ceux qui voudront partir en retraite plus jeune, toucheront moins. Pour compléter la retraite de base, le ministère des affaires sociales voudrait ressortir une complémentaire par capitalisation mais sur le principe du volontariat.

Le modèle du genre, serait la Préfon, qui est réservée aux fonctionnaires. C'est une capitalisation qui offre un énorme avantage fiscal à l'entrée : tous les versements sont déductibles de l'impôt sur le revenu sans plafond. Certains hauts fonctionnaires font remarquer, à ce propos, que cette complémentaire, qui a beaucoup de succès chez les anciens fonctionnaires qui sont allés pantoufler dans le privé, avait été conçue et imposée par la CGT qui gère encore la caisse de retraite aujourd'hui dans le giron de la CNP.

Comme par hasard, la Préfon fait, depuis un mois, une énorme campagne de publicité à la télévision pour convaincre les fonctionnaires, les ex-fonctionnaires et les parents de fonctionnaires d'adhérer.

Le seul signe d'apaisement sur ce dossier réside dans le fait que les syndicats ont accepté d'en discuter sur le fond à la fin du mois de juin. Une période qui n'est guère propice à l'organisation de grandes manifestations. « Si seulement on pouvait se mettre d'accord pendant l'été. On passerait à autre chose à la rentrée ». C'est le scénario rêvé par l'Élysée.

Semaine difficile aussi, parce que c'est jeudi au Parlement que l'on rediscutera de la loi d'amnistie des représentants syndicaux condamnés pour violence. François Hollande criant qu'à cette occasion son aile gauche en profite pour rallumer le feu de la grogne.

Semaine compliquée aussi parce que François Hollande s'en va expliquer à la commission de Bruxelles ce qu'il compte faire des deux années de sursis qui ont été accordées à la France pour revenir dans les clous des 3% au niveau du déficit des finances publiques.

Le président de la République peut toujours raconter qu'il a obtenu un report des délais avec ses petits bras musclés en exerçant une pression politique telle, que ses partenaires ne pouvaient s'y opposer. La réalité, c'est qu'il n'y avait pas d'autres solutions que d'accorder ce délai à une condition : qu'il serve à mettre en œuvre des réformes de fond. Et ces réformes de fond, il va devoir les confirmer demain à Bruxelles.

Des engagements qu'avait pris Pierre Moscovici au terme d'un mois de négociation quasi secrète avec l'Allemagne. Des négociations que le discours anti-Allemand de l'aile gauche du PS aurait pu faire capoter.

La conférence de presse que donnera François Hollande jeudi après-midi est donc très attendue par les milieux d'affaires et par nos partenaires européens. Les exercices de communication du président de la République ont, jusqu'à maintenant, laissé tous les observateurs très dubitatifs sur la stratégie suivie.

« François Hollande c'est un coup à droite, un coup à gauche ! » disent ses amis du PS qui pensent que ce louvoiement est très volontaire. « Pour les chefs d'entreprise, les milieux financiers et les autorités allemandes c'est très désorientant. Un jour François Hollande va faire un grand plaidoyer pour la compétitivité des entreprises françaises et le lendemain, il réclamera qu'on aille plus vite dans les contrats aidés. Le matin, il réclame beaucoup de rigueur au niveau des finances publiques et le soir il ira visiter une entreprise en difficulté en lui promettant de l'aider. Plus grave, il laisse ses ministres dire tout et parfois n'importe quoi ... »

L'enjeu pour le Président jeudi, un an jour pour jour après son arrivée au pouvoir, sera de clarifier le discours, la stratégie et le management du gouvernement. Remettre la majorité en ordre de marche.
1er point, tout le monde s'attend à ce qu'il confirme l'orientation sociale-démocrate de la politique du gouvernement. Il ne peut pas faire autrement. Il s'y sera engagé à Bruxelles la veille ; c'est la condition sine qua non pour continuer de bénéficier de la garantie allemande et d'obtenir des moyens de financement.

Cette orientation implique une véritable réforme de la politique budgétaire avec moins de dépenses publiques et une réduction du périmètre de l'État. François Hollande peut aller jusqu' à annoncer la mise en chantier de la réforme des collectivités locales et de la suppression des départements. Cette orientation devrait confirmer les efforts en faveur d'une meilleure compétitivité des entreprises et, pourquoi pas, d'une ouverture du droit d'expérimenter l'exploitation des gaz de schiste qui représenteraient un gain substantiel au niveau des dépenses d'énergie.

Il est évident que la ligne stratégique ainsi définie prend à contre-pied des composantes entières de sa majorité. Du parti communiste à Ségolène Royal en passant par le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon, les écologistes et l'aile gauche du PS où règne bruyamment Arnaud Montebourg.

Mais il conforte en contrepartie la tendance libérale du parti, Michel Sapin, Manuel Valls , Pierre Moscovici, Laurent Fabius et la plupart des maires socialistes des très grandes villes qui réclament avec vigueur une politique plus responsable.

2ème point, François Hollande ne pourra pas ne pas parler du prochain remaniement gouvernemental. D'abord parce qu'il a annoncé lui-même qu'il y réfléchissait. Ensuite parce qu'à partir du moment où il annonce et confirme le changement de ligne politique, la question se pose de savoir quelle équipe peut la porter le mieux.

C'est assez compliqué. En toute logique, un recentrage du gouvernement s'imposerait autour des fidèles de François Hollande avec l'entrée dans le jeu de personnalités comme Louis Gallois ou Pascal Lamy qui aura quitté l'OMC mais aussi quelques centristes de la tendance Bayrou ou même des personnalités comme Alain Lambert, l'ancien ministre du budget, déçu du Sarkozysme qui travaille aujourd'hui aux côtés de Didier Migaud et qui serait prêt à apporter son expertise en matière budgétaire.

Le monde des affaires n'a pas été sans remarquer la semaine dernière que Bercy avait mis les petits plats dans les grands pour lui remettre les insignes d'Officier de la Légion d'honneur.

Si le virage est acté, on est quand même très gêné au PS de ce que pourraient devenir des hommes comme Arnaud Montebourg ou Benoit Hamon qui incarnent la tradition socialiste « tendance potache ».
Gêné aussi de ne pas savoir qui pourrait tenir Matignon dans une configuration du pouvoir renforcé à l'Élysée où, comme avec les Présidents précédents, tout remonte. « La différence » disait l'un d'eux, « c'est que je crois qu'aujourd'hui rien ne redescend. C'est cela aussi qu'il faudra changer ».

Cela dit, à l'Elysée on fait aussi remarquer que François Mitterrand en 1982 avait assumé la nouvelle politique économique et le départ des communistes en maintenant Pierre Mauroy au poste de Premier ministre. La réflexion est donc loin d'aboutir et, fidèle à sa nature, le Président laisse le temps au temps ce qui en agace plus d'un. Quelle que soit la nouvelle géométrie du gouvernement, elle devrait se mettre en place au plus tard à la fin du mois de juin. Après, la France part en vacances mais le gouvernement se met sur le budget.

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Après une licence en sciences économiques, puis un doctorat obtenu à l'Université Paris-Dauphine, il est assistant professeur à l'Université de Caen. Puis il entre en 1973 au magazine L’Expansion, au Management, à La Vie française, au Nouvel Économiste (rédacteur en chef adjoint) puis au Quotidien de Paris (rédacteur en chef du service économie). Il a exercé sur La Cinq en tant que chroniqueur économique, sur France 3 et sur TF1, où il devient chef du service « économique et social ». Il entre à LCI en juin 1994 où il anime, depuis cette date, l’émission hebdomadaire Décideur. Entre septembre 1997 et juillet 2010, il anime aussi sur cette même chaîne Le Club de l’économie. En juillet 2008, il est nommé directeur adjoint de l'information de TF1 et de LCI et sera chargé de l'information économique et sociale. Jean-Marc Sylvestre est, jusqu'en juin 2008, également chroniqueur économique à France Inter où il débat notamment le vendredi avec Bernard Maris, alter-mondialiste, membre d'Attac et des Verts. Il a, depuis, attaqué France Inter aux Prud'hommes pour demander la requalification de ses multiples CDD en CDI. À l'été 2010, Jean-Marc Sylvestre quitte TF1 et LCI pour rejoindre la chaîne d'information en continu i>Télé. À partir d'octobre 2010, il présente le dimanche Les Clés de l'Éco, un magazine sur l'économie en partenariat avec le quotidien Les Échos et deux éditos dans la matinale.  

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