Après ses impressionnants échecs comme Président de la République, chef de la cinquième puissance économique du monde, François Hollande entame une très prometteuse reconversion professionnelle: producteur (et acteur) de séries de télé-réalité. Le premier épisode, intituléLucette, a fait l’objet d’une diffusion en prime time jeudi dernier sur toutes les chaînes de France.
Hollande doit encore rôder le concept
Le concept de l’émission n’était pas totalement nouveau (l’invention date des années 70): un homme se faisant passer pour le Président de la République s’invite chez une inconnue comme s’il passait par hasard dans la rue et avait vu de la lumière. Il lui pose des questions anodines sur sa vie quotidienne, entouré d’une bande de personnages qui jouent aux ministres ou aux hauts fonctionnaires, puis il s’en va comme si de rien n’était. Comme par hasard (et c’est la composante « réalité » dans la série), la quidam est chez elle à ce moment-là, comme par hasard, elle n’a rien d’autre à faire que tailler une bavette, comme par hasard elle a fait le ménage, et comme par hasard elle dispose de douze chaises autour de la table minuscule qui envahit son deux pièces. Tout cela lui permet d’accueillir chaleureusement la troupe qui entoure l’acteur principal (celui qui se fait passer pour le président).
Ce scénario qui pourrait donner lieu à d’amusantes scènes prises sur le vif dans la veine du légendaire Striptease belge a toutefois besoin d’un peu de rodage entre les mains de François Hollande: les questions sont cousues de fil blanc, et l’ensemble tient encore du publi-reportage digne d’un documentaire sous Ceausescu. Il faudrait que le producteur investisse dans des scénarios un peu plus crédibles.
Surtout, la production devrait s’inspirer de TF1 et faire signer aux acteurs un accord de confidentialité leur interdisant de dévoiler les ficelles du scénario à la presse. L’impression de réalité fonctionnerait un peu mieux.
Hollande a-t-il maltraité les chats de Lucette?
Au passage, il semblerait que, pour les besoins de l’émission, François Hollande ait demandé à Lucette d’enfermer ses chats dans un placard. Après le reportage en caméra cachée sur les abattoirs d’Alès, Hollande a ici pris un risque inconsidéré: et si les chats s’étaient plaints de mauvais traitement à l’occasion de l’émission?
On imagine le scandale si l’un d’eux était mort de suffocation, d’asthme ou d’une crise cardiaque due aux conditions extrêmes de tournage imposées par la production. Pour le prochain épisode, on recommande à Hollande de choisir une actrice sans animaux domestiques, ou alors elle doit pouvoir tourner avec eux.
Hollande et la comédie du pouvoir
Si certains se réjouiront de voir Hollande abandonner une carrière politique où sa performance individuelle laisse un peu perplexe, les mêmes constateront que les qualités et compétences qu’il mobilise dans sa nouvelle carrière ne sont pas fondamentalement différentes de l’éventail utilisé en politique: pompe, vacuité, vanité, substitution d’une courtoisie de façade aux véritables dialogues, langue de bois et occultation des sujets brûlants sont les maîtres mots d’un exercice qui explique le naufrage de la République.
L’émission aurait pu nous intéresser pourtant: Lucette avait probablement des choses utiles à dire. Elle aurait pu nous raconter sa vraie vie et nous parler de ses vrais soucis. Mais la télé-réalité préfère travestir, romantiser l’image des prolétaires: ils sont forcément très heureux d’habiter un HLM tout neuf! C’est même leur principale ambition dans la vie. C’est bien connu, le prolétaire a toujours rêvé d’être un prolétaire, il est très heureux de ne pas payer d’impôts et il rend chaque jour grâce à l’Etat de toutes les subventions qu’il reçoit pour améliorer son sort. Quand on pense que certains méchants néo-libéraux voudraient leur permettre de s’émanciper de tous ces bienfaits!
Hollande et la fin de la démocratie
En cherchant à renvoyer aux Français une image avilie d’eux-mêmes, celle de petites gens contents de l’être et très satisfaits de leur sort, on mesure l’inversion des valeurs politiques à laquelle nous assistons. Alors que, dans une démocratie normale, le pouvoir répond aux besoins des citoyens, dans la Vè République, ce sont les citoyens qui s’entendent intimer l’ordre de dire ce qu’on souhaite qu’ils disent et de correspondre au stéréotype défini par un pouvoir autoritaire.
Bien entendu, cette technique ne fait pas le jeu du Front National…
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog