Se loger : un luxe ?

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Par Michel Piron Modifié le 23 octobre 2012 à 5h17

Qu’y a-t-il donc derrière ce qu’on appelle depuis si longtemps "la crise du logement" ?

Si l’on compare l’évolution moyenne des prix de l’immobilier depuis 10 ans (+84%) pour les logements neufs, + 141% pour les logements anciens) à celle des revenus des ménages (+43%) , le titre de cet article peut sembler justifié. Si l’on ajoute qu’entre 1988 et 2006 le taux d’effort net des locataires est passé de 18 à 22 %, le logement constituant le premier poste de dépenses ( bien supérieur à l’alimentation), on mesure la préoccupation des locataires les plus modestes qui sont aussi les plus touchés.

Et pourtant, l’offre de logements a, depuis 25 ans, crû plus vite (30 %) que la population (14 %), notamment après 2005. On peut, certes, invoquer la réduction de la taille des ménages, l’allongement de la durée de vie… pour expliquer la pression plus forte de la demande. Ces moyennes statistiques masquent, en réalité, des disparités régionales et infra-régionales considérables qui font que, là où l’on parle de "la crise", le pluriel devrait être employé puisqu’elle désigne aussi bien le manque de logements des zones tendues (région parisienne, Genevois français, Rhône-Alpes, région PACA, quelques métropoles…) que l’excès de logements vacants ailleurs (pourtour du Massif Central, Champagne-Ardennes…).

Trop peu ici, trop là. Alors qu’on a dépassé en 2007 et 2008 le pic des 400 000 logements construits, avec une contribution maximale des bailleurs sociaux en 2010 (131 000 logements), la réponse, même améliorée (construire en zones tendues, rénover en zones détendues), n’arrive pas à suivre géographiquement une demande marquée par des migrations intérieures accélérées par la métropolisation des activités et des services, donc de l’emploi.

Ce phénomène, probablement renforcé par la tertiarisation de notre économie, recompose ainsi une géographie de l’offre et de la demande de logements sans doute plus subie que voulue, qui se traduit par une baisse des loyers dans 7 régions et un tiers des villes quand ils s’envolent en région parisienne. S’il y a donc bien des distorsions entre l’offre et les besoins de logements, encore convient-il de mieux les situer et les analyser.



A cet égard, le zonage des politiques d’aides constitue un indéniable progrès, mais il demeure adossé à des systèmes d’observation que leur centralisation rend sans doute encore trop "lointains" et décalés dans le temps. Quoi qu’il en soit, le coût du logement doit être appréhendé non seulement dans ses composantes techniques, mais géographiques. Les premières, s’agissant des coûts de construction, sont évidemment liées aux conditions économiques et normatives (dont les exigences ont connu un épanouissement certain au cours de ces dernières années) ; les secondes ont un rapport étroit avec le prix du foncier dont la rareté, de fait ou de droit, fait qu’il peut représenter 15 % du prix du logement dans une grande ville de province pour aller jusqu’à 30 voire 50 % dans la première couronne de l’Ile de France.

Un tel constat nous invite, au moins, à réinterroger le statut du foncier, sa fiscalité, sa disponibilité, toutes questions qui conditionnent les politiques d’urbanisme "ordonnant" celles du logement. La maîtrise de la charge foncière, même et précisément là où l’espace est rare, est un enjeu majeur - pour les constructeurs publics ou privés, pour les futurs occupants, locataires ou propriétaires - dont dépend la densification et l’évolution de la "ville" et de la "mixité sociale".

En agissant sur les causes, donc sur le prix du logement, on peut exiger les effets sur les loyers. C’est ce que font, d’ores déjà, certains maires "aménageurs". Il n’en demeure pas moins vrai qu’ainsi abordé le problème du droit de l’urbanisme, même revisité à l’aune de "grands projets", ne pourra répondre, à nos yeux, à deux questions plus larges et éminemment "politiques".

Si la métropolisation constitue un fait général des pays développés, elle ne prend pas partout le même visage. A côté du "modèle mexicain", le modèle allemand offre un tout autre maillage territorial, et d’autres Etat en Europe ne se sont pas résolus à voir 20 ou 25 % de leur population se concentrer dans leur capitale. Quel schéma, subi ou voulu, entend-t-on privilégier ?



Poser cette question, c’est évidemment poser celle, nationale, de l’aménagement du territoire en nous demandant si les aides publiques doivent accompagner les tendances actuelles ou, s’appuyant sur les régions (comme chez nos voisins européens) envisager d’autres voies de développement reposant sur d’autres maillages où prendraient place les villes moyennes. Il en va ici du lien entre emploi, logement et déplacements.

Ce qui appelle la seconde question, celle de la gouvernance de telle ou telles politiques : qui de l’Etat et/ou des collectivités territoriales est le mieux à même de tisser ce lien ? Chacun sait à quel point la planification, au sens large, est atomisée dans notre pays. L’Ile de France, région la plus émiettée sur le plan communal et intercommunal, n’offre-t-elle pas un exemple presque caricatural des difficultés d’organisation et de gestion de l’espace bâti, là où l’échelon de l’arbitrage n’est pas à l’échelle des problèmes ?

L’urbanité de l’urbanisme, et donc la juste place du logement ne dépendent-ils pas aussi de réponses nouvelles à ces questions ?

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Michel Piron est député UMP de la 4ème circonscription de Maine-et-Loire depuis 2002, conseiller général de Maine-et-Loire, président de la Communauté des Coteaux du Layon et ancien maire de Thouarcé. Par ailleurs, il est président du Conseil National de l'Habitat.

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