Innover technologiquement ou protéger l’environnement, un choix cornélien ?

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Par Olivier De Montlivault Publié le 6 novembre 2019 à 22h40
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50Nos besoins numériques produisent à eux seuls 50 millions de déchets électriques et électroniques chaque année.

Depuis les Trente Glorieuses, l’innovation bénéficie d’une image positive. Aussi, la course à la différenciation amène les entreprises à innover sans cesse afin de séduire des consommateurs eux-mêmes friands de nouveautés en tout genre.

Aujourd’hui, la surconsommation est devenue une fin tout autant qu’un modèle de société. En effet, l’INSEE révèle qu’en 2018, les français ont de nouveau augmenté leur niveau de consommation confirmant une tendance observée depuis 50 ans. Cette effervescence consommatrice n’est pas sans conséquence. À commencer par un volume de déchets en constante augmentation : d’après une étude menée par l’Université des Nations Unies, nos besoins numériques produisent à eux seuls 50 millions de déchets électriques et électroniques chaque année.

Cependant, si la nouveauté demeure une priorité pour certains consommateurs dits « pionniers » ou « technophiles », une part croissante de consommateurs montre une réticence à cette logique du toujours plus…

Aujourd’hui, les entreprises se retrouvent face à un dilemme de taille entre la course à l’innovation et la fabrication de produits embarquant moins de technologies pour allonger leur durée de vie en permettant leur réparation.

Une course à l’innovation semée de déchets

L’innovation reste le Graal d’entreprises et de startups en quête d’agilité, de créativité et de modernité. Il ne se passe pas six mois sans que ne sorte le nouveau réfrigérateur connecté ou le nouvel assistant virtuel à la voix doucereuse.

Pour les acteurs qui l’empruntent, cette course à l’innovation constante est aujourd’hui un parcours semé d’embûches. L’effervescence consommatrice a simultanément fait naître une économie du tout jetable. Une fois acheté, un objet est jeté, racheté avec d’autres fonctionnalités sans jamais passer par la case réparation. Pendant des années, ce modèle économique a même incité les acteurs à la mise en place d’une politique vicieuse : l’obsolescence programmée qui consiste à limiter sciemment la durée de vie d’un produit afin d’accélérer son renouvellement.

Les conséquences environnementales et sanitaires sont lourdes. Sur terre, les déchets n’ont jamais été aussi nombreux, faute de recyclage décent. Rien que dans le secteur du numérique, 1.400 e-déchets sont produits chaque seconde dans le monde. Leurs effets sont préoccupants sur la pollution des sols, des airs et des océans ainsi que sur la raréfaction des ressources. D’ici, 30 ans, on estime que l’or et le cuivre - composants essentiels des objets électroniques - auront disparus.

De nouvelles typologies de consommateurs

Face à cette course effrénée à l’innovation, les typologies de consommateurs se sont progressivement restructurées. Jusqu’à présent, l’offre pléthorique d’objets sur le marché répondait à la demande de consommateurs « pionniers », férus de nouveauté. Or, en 2019, cette cible n’est plus majoritaire.

En effet, selon l’étude prospective sur le Marché des objets connectés à destination du grand public menée par le Ministère de l’Économie et des Finances, cinq typologies de consommateurs se dessinent parmi :

  • Les « Technophiles », avancés en termes d’équipement et d’intention d’achat. Ils sont sensibles à l’innovation technologique,
  • Les « Suiveurs » qui suivent les « Technophiles », avec un niveau d’équipement supérieur à la moyenne,
  • Les « Réticents » peu équipés, avec peu d’intentions d’équipement. Ils ont une image plutôt négative des objets connectés,
  • Les « Opposés » qui ont une image négative de ces objets connectés et très peu d’intentions d’équipement,
  • Les « Incertains » qui se caractérisent par un manque de connaissance des objets connectés, sur lesquels ils ne savent souvent pas s’exprimer.

Sur ce marché, le cœur de cible des technophiles tend à diminuer pour ne représenter que 11 % des consommateurs. En revanche, deux catégories sont en augmentation : les Opposés (13%) et les Réticents (24%) traduisant une volonté d’adopter une démarche de consommation plus éco-responsable.

Minimalisme et autoréparation

L’innovation questionne, le consommateur mue. La nécessité de protéger l’environnement ne fait plus vraiment débat. Du côté des entreprises, elle n’est possible que par un changement de paradigme culturel. Pour les fabricants, l’enjeu consiste à revenir à une idéologie de l’innovation plus minimaliste. En remplaçant la culture de la quantité par celle de la qualité du produit. La culture de l’invention permanente par celle de l’amélioration de l’existant. Le réfrigérateur de demain, est peut être finalement celui, plus basique, qui s’inscrira dans la durée et qui consommera moins d’énergie, d’eau et d’électricité.

Dans ce modèle, l’autoréparation tient une place primordiale. La politique du tout jetable passera par celle du tout réparable, dans l’optique d’une économie circularisée. D’où l’importance de développer des labels de réparabilité, de sensibiliser les consommateurs à l’obsolescence programmée ainsi que d’encourager la démarche du Do It Yourself.

Le dilemme est dénoué. Entre innover technologiquement et protéger l’environnement, le choix n’est pas utile. À partir du moment où l’on privilégie l’utile sur le gadget, le réparable sur le jetable, et que l’on répond à une demande nouvelle d’éco-responsabilité de la part du consommateur.

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Olivier De Montlivault est CEO de SOS Accessoire.

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