Le chaos du Brexit est toujours remis à demain

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Par Nick Hubble Publié le 2 décembre 2018 à 7h09
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Le drame du Brexit est inexistant : la question de savoir qui décide n’a aucun rapport avec celle de savoir ce qui sera décidé dans différents domaines.

Après six tentatives par des infirmières de quatre nationalités différentes de me faire une prise de sang, ma femme a décidé que le NHS (1) est bien aussi mauvais que l’avaient décrit les médias japonais. Au moins, elle a fini par apprendre ce qu’était le Brexit grâce à la télévision installée dans la salle d’attente.

Apparemment je ne le lui avais pas suffisamment expliqué.

Le temps passé en salle d’attente m’a fait prendre conscience de quelque chose. Rien n’a changé en fait.

Le 15 novembre dernier, la chute de la livre sterling a été soudaine mais minime, nous ramenant à peine au niveau de fin octobre. Finalement, tout le ramdam soulevé porte sur le soutien au Brexit, pas sur l’accord à proprement dit.

On ne cesse de demander aux Brexiters s’ils regrettent à présent le résultat du référendum à présent. L’énorme chaos qu’il a provoqué serait un cauchemar total. Les Brexiters répliquent qu’ils ne sont pas aux affaires et qu’il est donc un peu facile de les tenir pour responsables de la pagaille que les Remainers ont fait du Brexit.

Toutefois, était-il réaliste de s’attendre à ce que le Brexit se passe sans accroc, quelle qu’ait été la personne en charge de ce projet ?

Le Brexit est un drame qui disparaît dès qu’on éteint la télévision

Néanmoins, ne vous laissez pas avoir par ce faux drame. Quel chaos le Brexit a-t-il provoqué ? Eteignez votre télévision : disparu le chaos ! Il me semble que nos biens, nos revenus et tout ce qui nous importe à nous autres Britanniques n’aient pas changé.

La croissance économique va bien. La croissance des salaires se porte encore mieux. L’inflation est faible.

Vous l’avez peut-être remarqué à présent : le chaos provoqué par le Brexit est toujours à venir. C’est pour cela qu’il existe tant de périodes de transition, de backstops (filets de sécurité) et de reports.

Qu’en est-il de toutes ces alertes rouges sur ce qui pourrait arriver ?

Comme par exemple la récession prévue par la Banque d’Angleterre à la suite du référendum ? Elle a dû revenir sur sa baisse des taux d’intérêt lorsque rien ne s’est produit. La livre sterling a absorbé le choc. Ce qui a véritablement donné du poids aux positions des eurosceptiques sur l’intérêt ou non de rejoindre l’euro.

L’Italie devrait en prendre bonne note. Et faire de même.

Les problèmes du Brexit n’ont pas besoin d’accord pour être résolus

Certes, le Brexit pose des problèmes. Mais il ne s’agit pas de problèmes qui nécessitent de grands accords pour être résolus. En fait, ils ne nécessitent aucun accord, juste du bon sens.

Par exemple :
l’Union européenne (UE) s’inquiétait que ses entreprises financières n’aient plus accès aux marchés dérivés de la Grande-Bretagne après le Brexit. Elle a donc voté une loi autorisant les sociétés européennes à continuer de les utiliser. Problème résolu. Pas de drame. Pas d’accord. Pas de négociations. A peine évoqué dans les médias.

Entre temps, les gros titres continuent à expliquer comment la City de Londres va être démantelée et déplacée à Francfort-sur-le-Main ou à Paris.

A présent appliquons cette solution à tous les autres aspects du Brexit.

Si on craint une frontière en Irlande, il suffit de ne pas en imposer une et d’autoriser les flux commerciaux, comme c’est actuellement le cas entre des pays qui ont une fiscalité et des réglementations très différentes.

Si on craint que les avions ne puissent pas voler entre l’UE et la Grande-Bretagne, il suffit de légaliser les vols transfrontaliers. Pas besoin d’un accord ni d’un traité. Juste une légalisation.

Si on craint pour les droits des citoyens européens en Grande-Bretagne et pour les droits des citoyens britanniques dans l’UE — quoi que cela puisse signifier — alors il suffit de garantir ces droits. Ne traitons pas les gens comme des otages dans un jeu de poker.

Si on craint que le business soit perturbé par des droits de douane, il suffit de ne pas les imposer. Pas à l’aide d’un accord de libre-échange mais juste par une loi. Comme on l’a fait pour les produits dérivés financiers.

Les quatre libertés invoquées par l’Union sont dissociables

Qu’en est-il des quatre libertés de l’UE ? L’UE a longtemps affirmé qu’on ne peut choisir entre la libre circulation des personnes, des capitaux, des biens et des services. L’UE doit protéger son intégrité – ou ce qu’il en reste.

Si vous croyez en cet argument, jetez un rapide coup d’œil sur l’Histoire ou même sur l’ensemble des relations actuelles de l’Union européenne. L’histoire de l’expansion de l’UE est remplie d’accords « sur mesure. » La Grande-Bretagne en est un exemple parmi de nombreux autres.

Et ne parlons pas de la vitesse à laquelle les frontières réapparaissent au sein de l’Europe lorsque l’immigration de masse menace. Ni de la vitesse à laquelle les contrôles de capitaux ont été mis en place lorsque certains pays ont commencé à faire faillite. Ni comment le commerce et les migrations sont possibles depuis l’extérieur de l’UE.

Les quatre libertés de l’UE sont bien fragiles. Quelque chose d’autre se joue dans la manière dont l’UE a négocié le Brexit. Un panel d’experts sur Sky, Bloomberg ou CNN – je ne peux me souvenir de laquelle de ces trois chaînes il s’agissait — est tombé par hasard sur la véritable raison.

L’Union européenne serait-elle une prison ?

Tout en essayant de réprimander les Brexiters d’avoir cru que sortir de l’UE serait facile, ils arrivèrent à la conclusion que « s’il était facile de quitter l’UE, tout le monde le ferait. » L’ironie leur a échappé.

Qu’est-ce que cela veut dire de l’UE ? Que c’est une prison qui garde vos droits en matière de commerce, de capitaux et de migration si vous essayez de partir ?

N’est-ce pas là reconnaître que chaque pays pense que l’UE serait mieux comme zone de libre-échange et rien de plus ? Ce sur quoi était censé porter le Brexit.

L’UE s’est encore plus discréditée en exigeant une frontière dans la mer d’Irlande. Comme si la contrebande était plus facile par mer que par terre…

En outre, la solution proposée par l’UE aurait divisé la Grande-Bretagne alors que tout le monde déplore le besoin de diviser l’île d’Irlande. Du point de vue de l’UE, il devrait y avoir des frontières au sein des pays mais pas entre eux…

Le plus drôle à propos du tollé des média sur le Brexit est la façon dont il est présenté : comme une bataille entre l’UE et la Grande-Bretagne. Comme s’il s’agissait d’un jeu à somme nulle. La victoire de l’un est l’échec de l’autre.

Ceux-là mêmes qui pensent que le Brexit est une mauvaise idée nous serinent que la Grande-Bretagne a énormément perdu dans sa bataille contre l’UE dans le cadre de l’accord parce que les Britanniques resteront liés à l’UE. Ils devraient être heureux de ce résultat s’ils pensent que faire partie de l’Union est une bonne chose.

Selon moi, il est impossible de se mettre d’accord sur ce qui est bien ou mal lorsqu’il s’agit d’évaluer le Brexit. Le libre-échange est-il une bonne ou une mauvaise chose ? L’harmonisation des réglementations est-elle bonne ou mauvaise ? L’immigration est-elle bonne ou mauvaise ?

Si vous faites remarquer à un Remainer que l’accord de May n’a de Brexit que le nom, il continue quand même à vous assurer que la Grande-Bretagne a perdu dans les négociations… Qu’est-il, un Brexiter ?

Le fait que le libre-échange et l’immigration pourraient augmenter une fois la Grande-Bretagne sortie de l’UE rend les choses encore plus confuses. L’objet du Brexit est de déterminer qui prend les décisions de la politique britannique — l’UE ou la Grande-Bretagne — et pas la direction que prendra cette politique.

Choisir qui décide n’est pas choisir ce qui sera décidé

Les Remainers affirment que les Brexiters n’ont jamais présenté un plan sur l’avenir pour le pays. Comme si le Brexit portait sur la direction que les Britanniques vont prendre. Ce n’est pas le cas.

Le sujet du Brexit est de choisir qui a le pouvoir de décider quelle direction la Grande-Bretagne devrait prendre. Ce pouvoir devrait-il appartenir aux électeurs et au Parlement britanniques ? Ou de plus en plus aux électeurs, à la Commission et au Parlement européens ?

Dans le cadre du Brexit, les Britanniques pourraient continuer à reproduire la politique de l’UE pour le reste des temps s’ils le souhaitent. Ou s’en écarter. Ou bien commercer et échanger en dehors de l’UE. Le Brexit signifie simplement que ce sont les Britanniques qui décident.

Ce que j’essaie d’expliquer est repris dans le livre de Tim Shipman (2).

Si le commerce libre au sein de l’UE est bon, imaginez ce que le commerce sans entrave avec le reste du monde peut faire pour vous. Le Brexit ouvre simplement l’éventail des choix, il ne les prend pas pour nous.

Certains imaginent une GB pauvre et minée par le chômage si nous ouvrons le commerce avec le monde. D’autres prévoient un boom économique aux proportions inimaginables.

Personne ne sait vraiment quelle politique commerciale résultera du Brexit. Tout est possible.

Le drame imaginé par les médias évite soigneusement tout cela. Si le débat autour du Brexit était conçu comme la simple question « qui doit diriger la Grande-Bretagne », le Brexit serait largement plébiscité.

Mais ceux qui ont fait campagne pour le Brexit ont plutôt promu l’idée de la politique. Ils ont promis moins d’immigration plutôt que la capacité à décider de quelle politique migratoire nous voulons.

Le chaos n’est que dans les idées politiques

Le seul endroit où il existe un chaos provoqué par le Brexit, c’est dans la vie politique britannique. C’est là que tous les drames se jouent. Non que cela revête une grande importance pour nous.

En tant qu’Australien, je reste de marbre face aux défis qui se posent aux dirigeants. Nous avons eu sept Premiers ministres qui se sont succédés en dix ans en regard des 24 sur les 100 précédentes années.

La bataille sur Twitter entre Air New Zealand et la compagnie aérienne nationale australienne Qantas a fait naître cette magnifique phrase : « nous aimerions émettre une plainte officielle. Qui est votre Premier ministre cette semaine ? »

L’Australie s’en sort très bien alors que peu d’Australiens savent qui dirige leur pays à un moment donné. Tout comme la Belgique s’en est bien sortie sans gouvernement pendant plus d’un an. Et tout comme la croissance économique britannique a repris grâce au fait que le Parlement a été trop occupé par le Brexit pour avoir le temps de se mêler de l’économie autant qu’il le fait habituellement.

J’espère vous avoir donné la capacité d’ignorer les informations sur le Brexit qui arriveront ces prochains jours. Ou que vous les apprécierez purement pour leur valeur de distraction inutile.

Pour plus d’informations et de conseils de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

(1) Le système de sécurité sociale britannique

(2) All Out War: The Full Story of How Brexit Sank Britain

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Diplômé de la prestigieuse université Bond en Finance, Economie et Droit, Nick Hubble est aujourd'hui chroniqueur pour différentes publications financières en ligne telles que "The Daily Reckoning Australia" et "The Money Life Letter".

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