Le scandale Orpea déteint déjà sur la campagne présidentielle

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Par Michel Delapierre Modifié le 1 février 2022 à 16h37
France Ehpad Securite Nouvelles Technologies

Le cours de l’action d’Orpea a chuté de 30% en deux jours, suite aux révélations de Victor Castanet dans Les Fossoyeurs

Le géant des Ehpad privés vacille

Le scandale ne fait sans doute que commencer, mais le livre « Les fossoyeurs » de Victor Castanet, publié chez Fayard, qui dénonce les mauvais traitements réservés aux résidents des maisons de retraite du groupe Orpea, a déjà bouleversé l’actualité et s’invite à l’improviste dans la campagne présidentielle. En quelques jours, le géant du secteur, fort de 372 établissements implantés en France, présent dans 23 pays et qui emploie plus de 65000 collaborateurs, a vacillé comme jamais : le cours de Bourse, qui a même été suspendu provisoirement, a chuté de près de 30% et suscite désormais un débat qui dépasse largement son propre cas: quel sort est réservé aux pensionnaires des Ehpad privés soumis à la rentabilité ? Le profit, « une politique de réduction des couts », engendre-t-il « un système qui maltraite nos ainés » selon les mots de l’auteur ?

Un système maltraitant ?

Même si la direction du groupe dénonce « une volonté manifeste de nuire », des « dérives sensationnalistes » et met en avant les supposées « valeurs de l’entreprise », les exemples développés et largement documentés par Victor Castanet font froid dans le dos : protections rationnées, assistance limitée, résidents réduits à de simples numéros… Au cœur de son enquête, le journaliste indépendant, qui assure que le groupe lui a proposé 15 millions d’euros pour ne pas publier son travail, n’a pourtant pas placé un établissement de seconde zone, mais une de ses résidences les plus huppées, et les plus chères. La résidence Les Bords de Seine, sise à Neuilly-sur-Seine, peut facturer ses services plus de 10000 euros par mois, elle serait pourtant le théâtre de dérives qui s’apparentent à de la maltraitance. Pourtant, cet Ehpad haut de gamme bénéficie de substantiels financements publics et « au moins de manière indirecte, une partie de cet argent ne va pas au bénéfice des personnes âgées » selon Victor Castanet. Violemment, son livre replace l’État, supposément défaillant dans ses contrôles, dans son rôle d’arbitre d’un secteur dont l’activité touche à des questions qui dépassent largement le seul cadre économique.

Un nouveau thème de campagne présidentielle

Sentant l’incendie sur le point d’échapper à tout contrôle et d’envahir l’espace politique, le gouvernement, par la voix d’Olivier Véran, annonçait dès mardi « des réponses sur ces allégations graves » : « je verrai s’il y a eu lieu de diligenter une enquête de l’inspection générale sur l’ensemble du groupe. » Dans la foulée, Brigitte Bourguignon, ministre chargée de l’autonomie, a annoncé « convoquer le directeur général d’Orpéa dans les plus brefs délais. »

Il faudra en effet faire très vite pour tenter d’éviter que le sujet ne devienne un enjeu pour la campagne électorale. Première à s’engouffrer sur ce terrain, Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national, a demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la gestion des Ehpad « par les groupes privés ». « Nous nous devons de protéger nos aînés et de les traiter avec la dignité et le respect qui leur sont dû. La logique de rentabilité est insupportable lorsqu’elle remet en cause ces principes ». Elle propose que tous les établissements soient « dotés d’un médecin coordonnateur et d’une infirmière présente vingt-quatre heures sur vingt-quatre » et veut allonger la durée du congé des proches aidants à douze mois pour l’ensemble de la carrière, avec une indemnisation indexée sur le revenu de la personne aidante. De gauche comme de droite, les états-majors ne resteront pas muets longtemps. Les oppositions ont déjà commencé à dénoncer « les promesses non tenues » d’Emmanuel Macron, notamment par l’intermédiaire du député LR Damien Abad. Même si le quinquennat qui s’achève a vu le vote de mesures en faveur du grand âge dans le budget 2022 de la Sécurité sociale et la création d’une « cinquième branche », en 2030 il devrait manquer près de 10 milliards d’euros pour financer les pertes d’autonomie. Le livre de Victor Castanet, et les plaintes en action collective qui devraient être déposées dans les semaines qui viennent, pourraient bien décaler durablement les thèmes centraux de la campagne présidentielle.

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