Licenciements boursiers : l’arbre qui cache la forêt

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Par Pierre Khalfa Modifié le 29 mai 2012 à 0h58

Les licenciements boursiers, c’est-à-dire effectués dans le seul but de faire croître la valeur de l’action, révoltent à juste titre l’opinion. Pourtant ils ne représentent qu’une faible part des licenciements. En effet, la majorité des entreprises ne sont pas cotées, et elles licencient aussi même lorsqu’elles font des profits...

Le nombre de plans sociaux (plans « de sauvegarde de l’emploi ») a fortement diminué ces dernières années : entre fin 2009 et fin 2010, il baissé de 53 %. Mais cette baisse ne signifie pas qu’il y ait moins de suppressions d’emplois. Simplement les entreprises utilisent des moyens moins couteux et plus rapides pour se débarrasser de leurs salariés.

Nicolas Sarkozy à la demande du Medef a instauré en 2008 une procédure dite de rupture conventionnelle, qui permet à une direction d’entreprise de se débarrasser d’un salarié avec son accord. Le succès de cette procédure (plus de 600 000 depuis sa création), en augmentation de près de 13 % en un an, témoigne qu’elle tend à se banaliser. Les salariés se voient dans les faits obligés d’accepter une rupture conventionnelle, leur direction les informant qu’ils seront de toute façon licenciés et faisant planer la menace d’un licenciement pour faute grave, c’est-à-dire sans indemnité. Cette solution semble particulièrement prisée dans les petites entreprises, puisque les trois quarts des demandes de ruptures homologuées proviennent d’entreprises de moins de 50 salariés.

Que faire alors contre les licenciements, en plus de supprimer cette procédure ? La règle générale devrait être de considérer le licenciement économique comme l’ultime recours, et non comme la variable d’ajustement de difficultés passagères. Ce qui signifie tout d’abord interdire les licenciements dans les entreprises qui font des profits. Ensuite, rétablir un pouvoir d’autorisation administrative de l’inspection du travail qui doit pouvoir invalider les licenciements si l’entreprise est rentable et en bonne santé financière, notamment si elle a augmenté les dividendes versés aux actionnaires lors du dernier exercice comptable. L’inspection du travail doit aussi avoir le pouvoir de vérifier si les licenciements pour faute grave ne correspondent pas à des motifs arbitraires. Cette dernière mesure permettrait de gagner un temps précieux en évitant le recours aux tribunaux prudhommaux.

Enfin, il faut instaurer un statut du salarié qui, en cas de licenciement économique (justifié) préservera la continuité des droits des salariés qui bénéficieraient ainsi du maintien de leur rémunération, de leur protection sociale et d’une formation professionnelle leur permettant de retrouver un emploi de niveau équivalent à celui qui a été perdu. Cette sécurité sociale professionnelle serait financée par une reconversion des indemnités chômage, complétée par une nouvelle cotisation sociale qui rendrait ainsi les entreprises solidairement responsables du sort des salariés.

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Pierre Khalfa, coprésident de la Fondation Copernic, membre du Conseil scientifique d'Attac, représentant de l'Union syndicale Solidaires au Conseil économique, social et environnemental.

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