Autonomisation des épargnants : l’angle mort de la loi Pacte

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Par Nicolas Schimel Publié le 9 juin 2022 à 6h12
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En rendant les mécanismes plus simples et incitatifs, la loi Pacte s’est logiquement concentrée sur le milieu de la chaîne de valeur de l’épargne salariale, c’est-à-dire sur les entreprises. Reste maintenant pour ses dernières à rendre les épargnants salariés autonomes et proactifs.

L’atteinte de l’objectif d’une épargne salariale vertueuse et d’une supplémentaire abondante est à ce prix.

Beaucoup a été fait au cours des dernières décennies pour inciter les Français à se constituer une épargne longue. Promulguée en 2019, la loi Pacte a participé à ce fléchage et renforcé, ce qui est remarquable, à la fois le poids de l’épargne entreprise dans cet effort et l’incitation à des versements volontaires. Les dispositifs existants ont été simplifiés, les différents régimes regroupés, et les avantages fiscaux et sociaux renforcés. Ce faisant, ce nouveau cadre a consacré le rôle plus que jamais central des entreprises pour accompagner les Français dans la constitution d’une épargne de long terme, et notamment d’un complément de retraite au côté des régimes par répartition.

Un enjeu d’éducation financière connu mais ignoré depuis longtemps

Dès 2019, ces mesures ont été largement relayées par les teneurs de compte d’épargne salariale et gestionnaires de PER. Ils ont déployé des offres plus simples, englobant l’ensemble de la palette de l’épargne entreprise, et mis en œuvre des moyens importants en matière de pédagogie et de sensibilisation auprès des entreprises, et notamment de leurs DRH. Avec un succès certain, puisque l’épargne salariale est devenue un prérequis pour les grandes entreprises et gagne un nombre sans cesse croissant de PME, voire de TPE (l’AFG dénombre ainsi 360 000 entreprises concernées en 2021, en hausse de 6 % par rapport à l’année précédente).

Reste maintenant à savoir ce qu’il advient de ces dispositifs une fois mis en place. Or, de ce point de vue, le succès pourtant bien réel de l’épargne entreprise cache une situation plus contrastée. Bon nombre de salariés ont en effet une compréhension parcellaire des contrats proposés et de leur finalité, quand ils ne s’en méfient pas. Résultat, ils tardent à s’en saisir, en témoigne le très paradoxal faible taux d’utilisation des abondements (des primes défiscalisées à portée de main) et des décisions d’investissement aléatoires, qui peuvent être très pénalisantes en période d’incertitude financière et d’inflation.

Cette situation n’a pourtant rien d’une surprise. Depuis des années le manque d’éducation financière des Français est connu et reconnu. Les initiatives de place (semaine de l’épargne salariale, semaine de l’éducation financière…), pour louables et sympathiques qu’elles soient, n’attaquent le problème qu’en surface. Les entreprises ne sont ni légitimes ni équipées pour former les salariés à ces sujets. Pour des raisons commerciales évidentes, les promoteurs des produits concentrent tout d’abord leur attention sur ceux qui décident de leur confier l’argent, c’est-à-dire sur les entreprises, et non sur ceux à qui il est destiné, les salariés.

Des modules d’accompagnement individuel économiquement viables

Si le problème est connu, la solution l’est aussi. Pour acquérir l’autonomie nécessaire pour faire fonctionner leurs dispositifs, en comprendre le sens, et manipuler seuls les interfaces digitales les salariés doivent être accompagnés. Au vu de l’enjeu, qui n’est pas seulement de comprendre les dispositifs mis à leur disposition, mais de se les approprier au regard de leurs propres objectifs et besoins, cet accompagnement doit être individuel. Bref, les avantages de la loi Pacte doivent être complétés par une approche pédagogique personnalisée et accessible à tous avec la même exigence de qualité.

Faut-il pour cela attendre du législateur, qui a déjà souligné dans la loi Pacte la nécessité d’une « aide à la décision », un décret ? Notre conviction profonde, étayée par notre pratique quotidienne est qu’il ne sera pas nécessaire. L’innovation permet dès aujourd’hui de délivrer un accompagnement efficace, aux effets durables, facilement finançable au regard du coût du dispositif. Les salariés plébiscitent la démarche et ressentent une grande satisfaction à se sentir plus autonomes dans la gestion de leur épargne. Il revient aux entreprises, qui sont bien au fait des enjeux d’engagement de leurs salariés et de valorisation de leur package, d’imposer ce nouveau standard et aux institutions financières de leur proposer des solutions de qualité et un mode de financement cohérent. Certains l’ont déjà fait. D’autres suivront rapidement.

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Nicolas Schimel est un expert de l'écosystème financier et de stratégie d'entreprise. Diplômé de l'école Polytechnique, il a occupé différents postes à hautes responsabilités dans l'assurance et a notamment été Directeur Général d’Aviva puis Président Directeur Général de l'Union Financière de France (UFF). Fort de ces expériences, Nicolas Schimel créé ensuite Filib' en 2017, un service de coaching financier novateur en ligne pour accompagner les salariés dans l’utilisation de leurs dispositifs d’épargne salariale et de retraite collective, proposant ainsi un nouveau standard d’accompagnement. Il occupe aujourd'hui le poste de Président et de co-fondateur de la fintech.

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