Ces bénéficiaires du RSA qui n’en profitent pas

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Par Vincent Chriqui Modifié le 31 décembre 2012 à 8h17

Il faut considérer le non recours aux prestations sociales comme le revers de la médaille de la lutte contre la fraude. Ce sujet est d’une particulière actualité, alors que la non effectivité de certains droits sociaux peut entraîner une limite de leur efficacité, notamment sur la pauvreté.

Depuis quelques années, la lutte contre la fraude a connu une progression de son organisation, et nous disposons de quelques éléments de mesure. De son côté, la surprise créée par le fort non recours au RSA a encouragé les évaluations de la réalité de ce phénomène.

Si les motivations des fraudes nous semblent évidentes, celles qui produisent du non recours nous apparaissent plus obscures. De fait, le non recours peut être lié à des comportements individuels (non connaissance, refus de demande), à la responsabilité de l’administration (mauvaise information, trop grande complexité dans l’accès aux droits) ou à la conception même des prestations (prestations trop complexes ou mal définies par rapport aux besoins, conditions trop étroites …).

Ces deux volets d’un paiement à bon droit pourraient être appréhendés de façon globale.

-Pour favoriser la justice au niveau des individus

-Pour limiter les coûts induits par les erreurs du côté des administrations

-Pour mieux évaluer les prestations

Nos préconisations s’attachent alors à proposer des solutions, pour améliorer le paiement à bon droit.

Proposition 1 : Systématiser, au sein des organismes de protection sociale, la mise en place d’alertes pour détecter les cas potentiels de fraudes et de non-recours à l’aide du Répertoire national commun de la protection sociale.

Le Répertoire national commun de la protection sociale (Rncps), existe déjà ; il s’agit d’unfichier interbranches et inter-régimes des assurés sociaux et bénéficiaires de la Sécurité sociale ; il regroupe, sur la base du Nir, des données d’état civil et d’affiliation ainsi que la nature des prestations servies et les adresses déclarées par les assurés pour les percevoir.

Il se présente sous la forme d’un portail consultable sous certaines conditions par des agents de la protection sociale. Il est composé d’informations stockées et d’un dispositif de gestion des échanges entre organismes.

Il sert aujourd’hui à repérer des fraudes, mais pourrait être utilisé également pour détecter des absences de droit, et ce, de façon plus systématique qu’aujourd’hui.

Par ailleurs, ce fichier pourrait être étendu pour inclure des informations d’autres administrations, comme le fichier de l’administration fiscale. Contrairement à notre intuition, la tenue d’un tel fichier, car il nécessiterait l’organisation des échanges et notamment la constitution d’un conseil de gestion et de surveillance, garantirait autant, si ce n’est plus, la confidentialité des informations individuelles, tout en multipliant les possibilités de simplification pour les usagers. Cette solution est d’ailleurs déjà adoptée en Belgique, par le biais de la « banque carrefour de la sécurité sociale ».

Proposition 2 : Développer une plateforme d’échanges entre administrations allant au-delà du champ de la Sécurité sociale, munie d’un conseil de gestion et de surveillance :

-Pour veiller à la sécurité des échanges et au respect des règles de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

-Pour initier des échanges de données, notamment pour rechercher des droits.

Parallèlement, sont développés dans les organismes sociaux des outils de détection des fraudes, comme le datamining, qui construit en quelque sorte un scoring de détection des cas statistiquement les plus risqués pour les indus ou la fraude, sur la base duquel on établit une liste de contrôles. Cette méthode permet de mieux cibler les contrôles et d’en accroître l’efficacité. Une telle mesure pourrait également être appliquée à la détection des cas de non recours, dont on a vu qu’une partie des causalités sont liées à la situation personnelle.

En outre, le repérage des incidents récurrents aurait également pour attrait une limitation du coût de la recherche par fait détecté.

Proposition 3 : Généraliser l’utilisation d’outils d’analyse des données pour faciliter la détection des fraudes, des indus non intentionnels, mais également des cas de non-recours.

Enfin, ces outils pourraient être utilisés de façon globale pour l’évaluation des prestations. A l’instar du Royaume Uni, qui publie chaque année des indicateurs de taux de recoursaux différentes prestations, et, par un mécanisme d’alerte, déclenche une étude lorsque ces taux sont considérés comme trop faibles, une meilleure détection des cas individuels permettrait de repérer les prestations qui suscitent un trop fort taux d’indus ou de non recours, et de les analyser à l’aune de cet élément, qui peut révéler une inadaptation de la prestation ou de son octroi.

Proposition 4 : Mieux évaluer et analyser le non-recours :

-Evaluer annuellement les taux de non-recours aux principales prestations.

-A partir de ces évaluations, identifier les causes et les solutions au non-recours par l’interrogation des bénéficiaires potentiels et des agents.

Ainsi, et sans négliger les coûts de mise en place d’un tel système, la mise en place d’une politique de paiement à bon droit nous semble à la fois garante d’une meilleure justice sociale à titre individuel, mais aussi d’une progression dans l’efficacité des politiques.

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Vincent Chriqui est le Directeur général du Centre d’analyse stratégique.  

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