Négociations : les principales tactiques d’appropriation

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Par Alain Pekar Lempereur et Aurélien Colso Publié le 15 juillet 2018 à 5h03
Negociations Entreprise Compromis Salle Reunion Travail

Tactique 1 : L’ancrage excessif des exigences

Son principe – L’autre négociateur annonce un chiffre très élevé (s’il est vendeur) ou très bas (s’il est acheteur), afin d’ancrer la négociation dans une zone qui lui est très favorable. Cet ancrage modifie vos perceptions en sa faveur, en vous donnant l’impression que vous avez mal apprécié la zone d’accords possibles.

Son risque – Que vous rompiez sur le champ la négociation si vous estimez soit que vous pouvez trouver mieux ailleurs, soit que vous ne pouvez pas rivaliser avec un tel niveau d’exigence. Même si vous demeurez à la table, la négociation promet d’être rude et de gaspiller du temps, puisqu’il faudra peu à peu, de concession en concession, redescendre du sommet (ou remonter de l’abîme) pour atteindre une zone de prix raisonnable.

La réponse – Demander à l’autre négociateur qu’il justifie ce chiffre et expose le calcul dont il résulte, en s’appuyant sur des critères objectifs ; il sera souvent bien en peine de s’exécuter ou sera pris en flagrant délit de bluff. Ou bien, en miroir, contre-ancrer avec une offre inverse aussi extrême : face à une première offre très élevée, certains acheteurs démarrent en proposant un prix… négatif, pour souligner le ridicule du premier ancrage. Ou encore, si nous disposons d’une bonne solution hors table, pourquoi ne pas aller négocier ailleurs ?

[…]

Tactique 3 : Grandes concessions demandées en échange de petites

Son principe – À chacune de vos concessions, l’autre répond par une concession, mais d’ampleur minimale, afin de concéder moins de terrain que vous. Les paliers sont grands d’une part, minuscules de l’autre.

Son risque – Il est faible si vous ne notez pas la tactique.

La réponse – Une bonne préparation vous aide à mieux évaluer, à la table, l’effort réel que constitue telle concession. Si besoin, nommer explicitement la tactique et rappeler qu’en l’espèce le principe de réciprocité ne signifie pas faire un nombre égal de concessions chez les deux parties, mais un effort équivalent. S’en tenir à de solides justifications.

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Tactique 6 : Le lièvre

Son principe – L’autre négociateur présente comme important pour lui un élément particulier – le « lièvre » – qui en fait ne revêt aucune importance, dans l’espoir de pouvoir plus tard y renoncer en exigeant de vous une concession en retour.

Son risque – Que les négociateurs finissent par consacrer beaucoup de temps à discuter d’éléments mineurs pour eux. Vous pouvez prendre l’autre négociateur à son propre piège et exiger de lui une concession importante en contrepartie de laquelle vous lui donnerez satisfaction sur « le lièvre »… dont il n’a cure. Un autre risque est de finir par vouloir ce qui au départ nous était insignifiant ; il suffit parfois de poser une prétention inessentielle pour qu’elle prenne sens à nos yeux dans le feu de l’action, surtout devant le refus de l’autre de nous l’accorder.

La réponse – Face à un « lièvre » suspecté, il est utile de demander au négociateur d’expliciter ses motivations profondes. Là encore, en avouant sa perplexité, il ne faut pas hésiter à prendre l’autre au pied de la lettre et lui indiquer que si telle demande, que l’on n’anticipait pas, est maintenue, elle ne peut trouver satisfaction qu’au détriment d’autres exigences. En invitant l’autre à hiérarchiser ses attentes, on l’invite à ne pas lâcher la proie pour l’ombre et à abandonner de lui-même sa tactique.

[…]

Tactique 8 : Le binôme « gentil flic/méchant flic »

Son principe – Il s’inspire d’une méthode d’interrogatoire bien connue : un premier inspecteur interroge sans ménagement le suspect, conjuguant cris, insultes, pressions, etc. ; puis quitte la pièce, prétendant se calmer, et laisse place à un second inspecteur, lequel engage une discussion plus sereine avec le suspect, en lui suggérant qu’il a intérêt à coopérer avec lui s’il ne veut pas se retrouver à nouveau entre les mains de son « méchant » collègue. Par analogie, lorsque deux négociateurs se présentent mandatés par un camp, l’un d’eux peut incarner le « méchant », refusant avec véhémence toute concession et jugeant toujours insuffisantes celles de l’autre partie, afin que cette dernière cède plus facilement aux demandes du négociateur « raisonnable ». Le binôme joue aussi sur un biais psychologique : l’effet de contraste. Par comparaison avec l’exigence excessive du « méchant », celle du « gentil » semble plus raisonnable, même si elle ne l’est pas vraiment.

Son risque – Cette tactique présente plusieurs faiblesses. Elle exige une complicité sans faille entre les deux compères, qui finissent souvent par se contredire, et en tout cas à consacrer plus d’attention à jouer leur rôle qu’à maîtriser le fond de la négociation ; elle devient tôt ou tard transparente aux yeux de l’autre partie, qui ne sait plus qui croire, du bon ou du méchant.

Sa réponse – Confronté à cette tactique, un négociateur demandera aux deux complices comment ils réconcilient tel propos et tel autre, et les invitera à harmoniser leur mandat pour revenir à la table une fois qu’ils auront accordé leurs violons.

Ceci est un extrait du livre « Méthode de négociation (2e édition) » écrit par Alain Pekar Lempereur et Aurélien Colson paru aux Éditions Dunod (ISBN-10 : 2100530739 ISBN-13 : 978-2100530731). Prix : 29,50 euros.

Reproduit ici grâce à l'aimable autorisation des auteurs et des Éditions Dunod.

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Alain Pekar Lempereur et Aurélien Colson sont auteurs du livre « Méthode de négociation (2e édition) » paru aux Éditions Dunod.

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