Délinquance : les statistiques interdites du crime organisé en France

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 24 avril 2014 à 8h26

Les habitués des ressorts de fonctionnement de l'orchestre médiatique - cher à Vladimir Volkoff dans Le montage (1982, Grand Prix de l'Académie Française) - ne seront pas surpris qu'une histoire insignifiante prenne une telle proportion. Rappel express des faits : mardi 22 avril, le quotidien Le Progrès de Lyon publie une infographie assez basique présentant les différents types de criminalités présents dans le département du Rhône. Cambriolage, vols dans et autour des distributeurs de billets, vol de ferraille, braquage, petits vols, prostitution et trafic de stupéfiants. Manquent les vols de voitures, et les atteintes aux personnes. Que reproche-t-on au quotidien régional dont l'ADN politique est dans le nom ? D'avoir osé expliquer à ses lecteurs quelles sont les "principales nationalités impliquées" dans ces atteintes aux biens.

Et les réseaux sociaux de s'enflammer. Derrière le hashtag #LeProgres on peut lire sur Twitter "Le Progrès est un journal de merde", "La Gestapo est aux commandes" ou encore le communiqué du SNJ National (syndication national des journalistes) titré " "La nausée et les mains sales". Extrait : "Le sujet a été validé, comme l’infographie. La responsabilité de la rédaction en chef et de la chaîne hiérarchique est clairement engagée. Le SNJ a pris acte des « excuses » publiées ce soir sur le site du journal, mais ne s’en tiendra pas là. La rédaction duProgrès, qui va devoir vivre avec la honte de cette image désastreuse, ne peut s’en satisfaire. Ce soir, les journalistes du Progrès ont mal à leur journal.

Le Progrès de Lyon, ce matin, a publié des "précisions" : "Cette infographie est extraite d’un dossier d’une double page consacrée aux filières criminelles dans le département du Rhône. Les sources sont précisées. Le dossier s’appuie essentiellement sur de nombreux interlocuteurs locaux. Le SIRASCO de la Police judiciaire est également sollicité. Il s’agit du service d’information, de renseignement, d’analyse stratégique de la délinquance organisée. Un service dont les rapports sont connus. Ils ont déjà fait l’objet de dossiers du même type dans d’autres médias, Le Monde notamment qui a publié une infographie sur ce sujet (lire ici)."Résultat, le dossier du quotidien, en accès réservé aux abonnés jusqu'ici, a été publié intégralement sur son site web.

Le Progrès a raison. Effectivement, sur le site du quotidien Le Monde, on trouve sans aucune difficulté une infographie datant du 14 décembre 2013 présentant les "activités des principales organisations criminelles par bassins de criminalité". Or, quand cette infographie a été publiée par Le Monde, on n'a pas souvenir qu'elle aie déclenché une telle levée de boucliers. Etait ce parce que c'est Le Monde, ou tout simplement parce que l'infographie, comme celle du Progrès, est tirée des données du "service d'information de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée" dépendant du Ministère de l'Intérieur ?

Dans cette infographie basée donc sur des statistiques totalement officielles, l'origine ethnique ou géographique des "organisations criminelles" est clairement exprimée. Pour Paris et sa petite couronne, on peut ainsi lire que les vols de voitures et de métaux ainsi que les cambriolages et vols avec violence sont le fait de "groupes roumains", et le trafic de cannabis tout comme les cambriolages et vols avec violence, de "groupes issus de cités sensibles". En Alsace Lorraine Champagne Ardennes, les "réseaux nigérians" s'adonnent au proxénétisme, quand les "groupes issus de la communauté des gens du voyage" et les "groupes balkaniques" s'adonnent aux cambriolages et vols avec violence". Le trafic d'héroïne, dans la même région, est la spécialité des "groupes issus de la communauté turque". On trouve encore des "organisations géorgiennes" en Aquitaine Midi-Pyrénées tout comme en Centre Poitou Charentes Limousin. Des "groupes franco-marocains" dans la même dernière région. Et même, audace suprême de l'information, le "milieu traditionnel marseillais" en PACA Languedoc Roussilon, et des "groupes issu de la région du Valinco" en Corse.

SOS Racisme a annoncé mercredi 23 avril porter plainte contre X pour "fichage ethno-racial". Le PS et le Front de Gauche ont hurlé à la mort la veille. Mais de qui se moque-t-on ? Outre le fait que d'autres médias comme Le Monde ou Marianne avaient déjà décortiqué ces statistiques fournies par le Ministère de l'Intérieur pour les donner à consulter sous forme d'infographie à leurs lecteurs, sans être plus inquiété, il n'y a absolument rien que l'on ne sache déjà. Pas un Français (ou un étranger habitant en France) n'ignore, dans la ville ou la région dans laquelle il se trouve, quels coins éviter ou au contraire fréquenter en fonction de ce que l'on y cherche. Et qui fait quoi, où, et comment... "locaux" compris. D'ailleurs, l'infographie du Progrès précisait justement pour "braquage", "cambriolage" et "trafic de stupéfiants" : "locaux : groupes des cités, toxicomanes, autres".

Les auvergnats sont radins, les marseillais roublards, les bretons alcooliques, les parisiens têtes de chien et les versaillais mal baisés. Je ne dirai rien sur les corses. J'attends les citations à comparaître.

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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