Le patronat clos le débat sur « travailler plus après la crise »

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 14 avril 2020 à 16h03
Bruit Travail
1539,42 EUROSLe SMIC 2020 est de 1.539,42 euros par mois.

Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a créé un micro-scandale le 11 avril 2020. Il a tout simplement attaqué le temps de travail et les congés payés : il a estimé que les Français allaient devoir travailler plus après la crise. À droite comme à gauche, et même au sein du gouvernement, les critiques n’ont pas manqué.

Et le Medef crée le "bad buzz"

Les propos de Geoffroy Roux de Bézieux dans les colonnes du Figaro, le 11 avril 2020, sont sans équivoque : « il faudra bien se poser tôt ou tard la question du temps de travail, des jours fériés et des congés payés pour accompagner la reprise économique et faciliter, en travaillant un peu plus, la création de croissance supplémentaire ».

Pourquoi ? Simple : « l’important, c’est de remettre la machine économique en marche et de reproduire de la richesse en masse, pour tenter d’effacer, dès 2021, les pertes de croissance de 2020. » Des propos jugés malvenus alors que l’on compte plus de 13.000 morts en France et plus de 119.000 morts dans le monde.

Mais l’idée fait des émules, y compris chez le gouvernement. Agnès Pannier-Runacher, le même jour, déclarait sur France Info « Il faudra probablement plus travailler que nous ne l'avons fait avant, il faut rattraper ce mois perdu ». Et bien que son cabinet ait été obligé de préciser lundi 13 avril 2020 que les propos ne se référaient pas à ceux du Medef, mais « à la situation des indépendants et des petites entreprises », ils ont forcément été associés.

Des propos critiqués de tous bords

Malheureusement pour le président du Medef, il s’est attiré les foudres de tous bords… et signe un très mauvais « buzz » pour le patronat. Si les syndicats sont montés au créneau, ce qui n’est pas étonnant, comme Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, qui a déclaré « c'est totalement indécent. Aujourd'hui, les travailleurs, comme tout le monde, sont en train de payer le coût de cette crise. Ce n'est pas à eux de payer ensuite », d’autres voix se sont élevées.

C’est le cas de Xavier Bertrand, ancien ministre du Travail sous Nicolas Sarkozy et ancien membre du parti Les Républicains, qui estime que dire aux Français qu’ils vont payer la facture est une erreur « Mais qu’est-ce qu’on veut, on veut rendre fous les Français ? ». « Si à la sortie de cette crise, la réponse est l’austérité, ceux qui nous gouvernent n’ont rien compris. Je suis farouchement opposé à l’idée de faire payer la facture aux salariés » a-t-il déclaré sur BFMTV.

Même le président des députés LR, Damien Abad, s’est levé contre les propos du Medef et d’Agnès Pannier-Runacher sur Twitter : « il est hors de question que ce soit les salariés qui paient la facture en sacrifiant leur RTT et jours de congés payés. Si on travaille plus, on doit gagner plus. Ce n'est pas en sacrifiant nos salariés, mais en valorisant leur travail que l'on relèvera notre économie ».

Face à la polémique, Geoffroy Roux de Bézieux rétropédale

Il ne s'attendait sans doute pas à ce que ses propos créent une telle polémique, mais ce fut le cas. Afin d'éteindre le début d'incendie, Geoffroys Roux de Bézieux a donc été contraint, le 14 avril 2020 sur Europe 1, de s'expliquer et de faire un rétropédalage en bonne et due forme. "L'idée était de travailler plus pour gagner plus, pas de travailler plus pour gagner moins, comme je l'ai lu "

Et si le patron du Medef conserve l'espoir de pouvoir relancer le débat, il semble avoir retenu la leçon : les changements concernant le temps de travail et les congés payés ne peuvent se faire "que dans le dialogue social avec les syndicats, par entreprise : j'ai lu leur réponse, donc le débat est clos d'une certaine manière, puisqu'ils ont tous répondu plus ou moins fortement qu'il n'en était pas question." En tout cas, pour l'instant, puisqu'il espère malgré tout retenter une négociation, ou au moins un discussion, "à la rentrée". Avec les syndicats, cette fois.

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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