Plans de sauvegarde de l’emploi : va-t-on sacrifier des compétences ?

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Par Jean-Marie Thuillier Modifié le 13 décembre 2022 à 20h38
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454Selon les chiffres officiels, 454 plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) ont été envisagés par des entreprises françaises depuis le début de la crise sanitaire.

Près de 530 plans sociaux ont été initiés depuis début mars 2020 en France (contre 295 sur la même période de 2019). Au total, 72.500 ruptures de contrats de travail sont envisagées dans le cadre de Plans de sauvegarde de l'emploi (PSE), soit plus du triple par rapport à l'année précédente.

La préservation des compétences est l'affaire de tous

Ces chiffres alarmants sont bien évidemment la conséquence d’une crise sanitaire et économique dont le bilan n’a pas fini de s’alourdir. Mais après toute tempête, le soleil réapparaît. Et il réapparaîtra, c’est certain ! Mais comment une entreprise peut-elle redevenir compétitive si elle a licencié la plupart de ses talents ? Si elle n’a plus les compétences en interne pour la relance ? Si cette hémorragie de PSE ne cesse pas (alors que des solutions existent !), cette crise sanitaire risque de sacrifier des compétences et d’affaiblir durablement la compétitivité des entreprises et des territoires.

Chacun à son niveau doit se mobiliser pour préserver la compétitivité collective et individuelle. A l’échelle du territoire d’une part, où le maintien des compétences est crucial pour son attractivité. Régions, Direccte, Universités, Organismes de formation, Pôles de compétitivité… tous jouent un rôle clé pour dynamiser la croissance des entreprises. A l’échelle de l’entreprise d’autre part, qui, afin de relever ses enjeux économiques, se doit à la fois de développer l’employabilité individuelle des salariés, de veiller à les adapter et à les préserver, l’acquisition de certaines compétences prenant plusieurs années. Et bien entendu, les salariés eux-mêmes qui, plus que jamais, se doivent d'être alertes et agiles pour évoluer, se maintenir dans leur emploi ou assurer leur rebond.

Les compétences sont au cœur de la compétitivité des entreprises et des territoires

C’est un vrai sujet : la crise sanitaire crée des licenciements de compétences. Compétences qui sont au cœur des enjeux de compétitivité et de cohésion des entreprises, et des territoires. Et l’absence même de compétences entraîne l’exclusion de tout un système. C’est pour cela qu’il est un enjeu essentiel que celui d’investir massivement sur ces dernières !

Prenons l’exemple de Toulouse et de sa zone d’emploi. Son territoire n’existe quasiment que par les activités de construction aéronautique et spatiale, et leur chaîne de valeur (équipementiers, sociétés d’ingénierie, d’informatique…). C’est un vrai symbole car c’est toute une économie qui risque de s’effondrer si le secteur ne se (re)développe pas. Une région qui n’a jamais été confrontée à une telle crise ! L’Humain est au cœur de cette vitalité. Au regard des licenciements massifs, des compétences risquent de quitter la région et c’est tout un bassin qui va être impacté à long terme par la perte des compétences.

Former pour assurer la transition, protéger les plus fragiles et éviter l’exclusion

Nous sommes clairement dans une économie de transformation au sein de laquelle, l’adaptation des compétences est clé. « Garder, trouver ou retrouver un emploi » sont les Leitmotiv du moment, et il est urgent d’investir dans les compétences pour relancer l’économie. Cette crise que nous traversons oblige les entreprises à préserver les compétences des salariés (parce qu’elles ont massivement investi dans le développement des compétences depuis quelques années) alors qu’il y a une chute des activités pour assurer le redémarrage de l’entreprise et du territoire.

Nous en témoignons tous les jours, le marché de l’emploi est très tendu et compétitif car la crise amène des métiers à être en sur-tension avec une main d'œuvre non pourvue. C’est alors qu’il faut veiller aux difficultés des plus fragiles, pour éviter l’exclusion. Et il est assez évident que cette crise va créer des écarts importants ; que les seuls favorisés seront ceux initialement favorisésC’est là que la formation prend tout son sens. Il est essentiel d’investir dans les bons organismes de formation, sur les bonnes formations au bon moment ; pas simplement parce qu’on a un budget formation mais parce qu’il est vital que TOUS les salariés restent employables. Il est exclu d’exclure !

Un certain nombre d’outils ont d’ailleurs été mis en place pour soutenir cet effort de préservation des compétences :

- l’Activité Partielle de Longue Durée

- les accords GPEC

- les GPEC territoriales, pour préserver les compétences sur des sujets de mobilité

- les dispositions de transition collective...

« Former plutôt que licencier ». Evidemment que cela prend tout son sens. Mais charge également au salarié lui-même de devenir entrepreneur de son employabilité ! En fait, cette transition repose beaucoup sur l’individu, sur sa capacité (ou volonté) d’accepter et d’embrasser le changement. Chacun doit pouvoir mesurer son employabilité en fonction de ses aspirations personnelles, pour pouvoir garder, trouver ou retrouver un emploi et surtout… pour en vivre.

Les salariés doivent absolument devenir agiles, mobiles et polyvalents

En pleine tempête, il faut savoir accompagner la transformation. Pour « garder, trouver ou retrouver » un emploi, mais surtout pour évoluer et se transformer, tout un chacun dans cette crise doit développer et diversifier ses compétences pour devenir agile et polyvalent. C’est ainsi que l’on pourra accompagner la transformation. Polyvalents, ça veut dire avoir une casquette avec de multiples compétences. Agile, ça veut dire être en mesure d’avancer dans une certaine forme de résilience.

Très clairement, si vous êtes agile, polycompétent et avez la chance d’avoir plusieurs expériences et que vous êtes capable de vous adapter, alors vous avez plus de chance que les autres de vous en sortir ! Et ce sont des savoir-être qui peuvent s'acquérir.

C’est une nouvelle réalité multifocale qui est mise en évidence par la crise : la nécessaire préservation de l’employabilité et de la diversification des compétences pour l’entreprise, et le territoire d’une part. Le nécessaire renforcement de l'agilité et de la polycompétence d’autre part. Oui, la crise sanitaire actuelle vient de créer un hiatus : celui de préserver et de diversifier les compétences.

Aujourd’hui, pour préserver les compétences des entreprises qui veulent rebondir après la crise, les entreprises doivent se saisir des dispositifs de préservation de l’emploi mis en place et investir massivement sur le développement des compétences. Cet investissement permet également à l’entreprise de garder le lien avec les salariés pour qu’ils puissent et souhaitent revenir au bon moment. C’est également embarquer les salariés sur les compétences de demain pour éviter de les éloigner de l’emploi, car les emplois évoluent rapidement.

Cette crise sanitaire comme toute crise nous rappelle ô combien le maintien d’un bon équilibre entre performance économique et performance sociale est clé, impliquant cependant de repenser concrètement les leviers de la croissance au travers d’un nouveau contrat social, voire même avec de nouveaux acteurs. Pour éviter de subir des pertes de talents et des compétences clés au regard de leur stratégie business, les acteurs de la négociation devront identifier des principes « gagnant-gagnant » pour encore mieux faire converger leur performance économique et leur performance sociale.

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Jean-Marie Thuillier est directeur BU Emploi & Territoires du cabinet de conseil RH BPI group.

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