Zonage des vacances d’été : une bonne idée pour le tourisme ?

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Eric Sancery Modifié le 13 décembre 2022 à 20h41

Raccourcir de deux semaines les vacances d’été, tout en les étalant sur une période plus longue, du 15 juin au 15 septembre, serait sans doute un bienfait pour le secteur touristique, qui représente selon les sources, entre 7 % et 9,8 % du PIB français.

De fait, on peut penser que cette mesure aurait des effets vertueux sur notre économie, et aussi sur la qualité des prestations délivrées par les professionnels (agences de voyage, hôteliers, prestataires de services…) qui en l’état actuel de notre calendrier scolaire se voient contraints d’accueillir l’ensemble de la population française candidate aux vacances sur une période estivale de moins de 8 semaines, avec un pic énorme « du 15 juillet au 15 août ».

Des congés plus étalés, répartis en « zones », comme c’est déjà le cas pour les vacances d’hiver, permettraient effectivement de désengorger les lieux touristiques, d’allonger les contrats saisonniers de toute une population dont le métier est de s’occuper des vacances des autres, et probablement de proposer un meilleur accueil à l’ensemble des touristes. Car il ne faut pas oublier que la France, n’en déplaise aux « déclinistes » de tous bords, est classée par l’Organisation Mondiale du Tourisme en tête des pays les plus visités de la planète depuis les années 1990. Alors oui, d’un point de vue purement économique, cette proposition de Vincent Peillon, ministre de l'Education, semble pleine de bon sens. D’ailleurs, les organismes directement concernés par cet aspect des choses -le SNAV, le CETO, la FNAM, et autres- ont pesé de toute leur influence pour convaincre le ministre du bien fondé des mesures envisagées. C’était non seulement leur droit, mais aussi leur devoir puisqu’ils représentent des centaines d’entreprises, des milliers de salariés.

Ceci étant, la principale raison d’être du débat actuel sur l’éducation n’est pas d’améliorer le sort de telle ou telle catégorie professionnelle. Son but ultime, si l’on en croit les « officiels » portant les propositions de réforme, est avant tout d’augmenter les performances de notre système éducatif, grâce à un meilleur respect des « rythmes de l’enfant ». C’est ainsi que sur le site du ministère de l’éducation, on peut lire ce genre de déclarations pleines de bonnes intentions : « Il s’agit, avec cette réforme, d’assurer un plus grand respect des rythmes naturels d’apprentissage et de repos de l’enfant, grâce à une meilleure répartition des heures d’enseignement en classe sur la semaine, à un allègement du nombre d’heures d’enseignement par jour et à une programmation des séquences d’enseignement à des moments où la faculté de concentration des élèves est la plus grande. »

Comment contredire des arguments si empreints de sagesse ? Peut-on remettre en cause de si belles idées, qui semblent ne se soucier que de l’équilibre des élèves ?

A vrai dire, je suis persuadé que non seulement on le peut, mais qu’en plus il le faut ! Car une fois encore, le débat ne porte que sur la structure, l’organisation logistique de notre système éducatif, sans jamais remettre en question sa finalité principale. Comme toujours, on parle plus du contenant que du contenu. On s’entête à vouloir « réformer l’école » en ne parlant toujours que de la forme sans jamais aborder le fond ! Pourtant, que ce soit en 36 ou en 40 semaines, elles mêmes réparties en 4 jours, 4 jours ½ ou 5 jours de travail, et quelle que soit la durée des vacances, le problème originel de notre système éducatif n’est pas le nombre d’heures que les élèves passent dans les écoles mais bel et bien qu’on s’y ennuie lamentablement, à longueur de temps.

Je ne pense pas exagérer : peut-être peut-on trouver quelques adultes qui nieront ce qui paraît pourtant une évidence, mais l’immense majorité des gens avoue s’être ennuyée ferme lors de 90% des cours qu’ils ont eu à subir de la maternelle jusqu’au bac, ce qui représente quand même une bonne quinzaine d’années. Le corps enseignant lui-même s’embête la plupart du temps, ce n’est un secret pour personne, il suffit d’avoir suivi une scolarité normale pour le savoir.

Tous ceux qui proclament que l’école c’est sérieux et qu’on n’y va pas pour s’amuser n’ont rien compris :

Le formatage, pour ne pas écrire le conditionnement, que subissent les jeunes scolarisés n’est pas efficace sous la forme établie et ne le sera jamais car son fonctionnement est basé sur la négation quasi systématique de la véritable nature humaine : le goût du jeu. L’enthousiasme, la motivation, le plaisir forment le socle indispensable sur lequel construire un apprentissage réussi. Il ne s’agit évidemment pas de nier la nécessité de l’effort, de la concentration, du sérieux souvent indispensables aux études.

Mais puisqu’on admet de plus en plus qu’un bon professionnel est quelqu’un qui aime son travail, pourquoi nier cette vérité lorsqu’il s’agit de nos enfants ? Pensons nous qu’il existe une loi naturelle protégeant les élèves de l’ennui et de ses dérivés ? Ou que par la force, l’intimidation, la peur de mal faire ou de « rater sa vie », on obtiendra un jour de vrais résultats, c’est-à-dire des générations entières de petits moutons prêts à ingurgiter des milliers d’informations dénuées d’intérêt, assénées à longueur de cours soporifiques par des enseignants déprimés ?

Apprendre l’économie, les mathématiques, la géographie pourrait être passionnant, mais il faudrait que l’enseignement de ces disciplines soit adossé à des notions humanistes qui devraient être son fil rouge. Cessons de vouloir conditionner nos gamins pour en faire de bons consommateurs-contribuables, arrêtons de les envoyer à l’école pour qu’ils apprennent à gober tout rond ce qu’on voudra bien leur apprendre. Les jeunes doivent apprendre le goût du travail bien fait, mais aussi développer leur esprit critique, leur empathie, leur compréhension globale du monde, et cela ne saurait passer que par la passion de s’instruire, de comprendre.

Un bon citoyen n’est pas quelqu’un qui produit et consomme toujours plus sans se poser de questions, mais au contraire une personne instruite, capable de réflexion personnelle, d’implication dans la société. Autant d’aptitudes que l’école pourrait contribuer à forger si elle devenait enfin ce qu’elle devrait être, à savoir un lieu d’enrichissement intellectuel où chacun aspire à passer du temps.

Le système scolaire que nous connaissons prêche parfois ce genre d’orientation, mais jamais rien n’est fait pour que la situation évolue en profondeur. C’est cela dont il faut prendre conscience et qu’il faut changer, sans quoi les débats stériles autour de ce sujet hautement délicat ne cesseront jamais, et ne régleront jamais rien.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Eric Sancery est le créateur et le gérant de la Holding VTR, qui détient plusieurs sociétés  et marques commerciales, dont les principales sont VTR Voyages et Voyages Etudiants.Com. Il a créé l'association ASP (Action Sport Passion) en 1992,  a été directeur commercial au sein de OTU Voyages, puis directeur associé de Tribu SA, société à l’origine de Travel Horizon. Ces différentes expériences l’ont aidé à mettre en place des méthodes de management très personnelles qu’il applique aujourd’hui avec succès.

Suivez-nous sur Google News Economie Matin - Soutenez-nous en nous ajoutant à vos favoris Google Actualités.

Aucun commentaire à «Zonage des vacances d’été : une bonne idée pour le tourisme ?»

Laisser un commentaire

* Champs requis