Pourquoi les bureaux sont-ils aussi chers ?

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Par Ludovic Delaisse Modifié le 10 mars 2013 à 16h42

La croissance de l’économie française est restée au point mort en 2012 tandis que le taux de chômage a fortement progressé, retrouvant son niveau de 1999. Accentuant le manque de visibilité des utilisateurs, cette forte détérioration du climat économique a limité la consommation de surfaces de bureaux en région parisienne. Les incertitudes ont en outre été accrues par la tenue d’élections majeures qui ont, du moins temporairement, limité la demande émanant du secteur public. Cette conjonction d’éléments défavorables ne s’est pourtant pas traduite par un recul important de l’activité. Ainsi, 2,1 millions de mètres carrés de bureaux ont été loués ou vendus aux utilisateurs en Ile-de-France en 2012, soit une baisse de 10 % par rapport à 2011 mais de 1 % à peine par rapport à la moyenne des dix dernières années.

Le resserrement du marché n’en est pas moins évident, notamment illustré par la forte baisse du nombre total de transactions. Ses performances ont ainsi dépendu pour une large part de la volonté de grandes entreprises de réduire leurs coûts immobiliers tout en modernisant leurs sites, jouant en faveur des pôles tertiaires disposant d’une offre adaptée aux stratégies de rationalisation des utilisateurs.

Cette tendance des entreprises à rationaliser leur outil immobilier explique que l’évolution la plus significative en termes de loyers concerne la forte progression de la part des grandes transactions signées à des valeurs inférieures à 350€/m²/an. Celles-ci ont représenté 51 % du volume de la demande placée totale (34 % l’année précédente) sous l’effet conjoint de grands projets clés-en-mains signés à ce niveau de loyer – comme Casino à Vitry-sur-Seine ou Orange à Châtillon – et du nombre important de transactions enregistrées hors de la capitale. Cette évolution est le signe évident du succès des secteurs de report offrant un bon rapport qualité/prix, qu’il s’agisse d’immeubles rénovés ou de seconde-main proches des secteurs établis des Hauts-de-Seine (comme Nanterre) ou de bureaux neufs de secteurs moins établis de 1ère couronne (comme Montreuil) ou de 2ème couronne (Rungis, Marne-la-Vallée).

La part des transactions de plus de 550 €/m²/an est à l’inverse restée peu importante, constituant à peine 10 % du volume total des transactions supérieures à 4 000 m² en 2012. Comme en 2011, cette part modeste ne traduit pas tant une désaffection des utilisateurs pour les biens les plus haut-de-gamme que le nombre très restreint de grandes transactions signées à ce niveau de prix (6 en 2012 après 12 en 2011) et la pénurie d’offres de bureaux de qualité dans les secteurs les plus prisés de la capitale (quartier de l’Etoile et 7e arrondissement en particulier). Cette rareté ne se démentira pas en 2013, contribuant, comme en 2012, au maintien du loyer prime d’Ile-de-France à des niveaux élevés. Ainsi, s’établissant à 838 €/m²/an, celui-ci reste stable d’une année sur l’autre du fait de la propension des utilisateurs de secteurs à forte valeur ajoutée (avocats, conseils en stratégie) à payer le prix fort pour saisir les dernières opportunités des beaux quartiers de la capitale. Les cabinets d’avocats étrangers ont, tels Hogan Lovells au 17 avenue Matignon ou SJ Berwin dans Ozone sur les Champs-Elysées, privilégié les actifs les plus onéreux du QCA. Ils avaient, en 2011, privilégié le 7ème arrondissement (Latham & Watkins au 45 rue Saint-Dominique, McDermott Will & Emery au 23-25 rue de l’Université), encore animé en 2012 par la location par AT Kearney de 2 000 m² au 23-25 rue de l’Université, qui a quasiment asséché l’offre restructurée du secteur.

Au-delà du marché des biens d’exception, la grande hétérogénéité des valeurs locatives demeure la règle, celles-ci pouvant varier fortement dans un même secteur tertiaire en fonction de la localisation du bâtiment et de sa qualité intrinsèque. De façon générale, les mesures d’accompagnement ont toutefois été un élément plus déterminant des relations entre les preneurs et des bailleurs parfois contraints d’octroyer davantage de franchises de loyer pour limiter la vacance de leurs biens. Compte-tenu de la détérioration du climat économique et de la baisse sensible de la demande, certains propriétaires ont également fait preuve de davantage de souplesse pour conserver leurs locataires, conduisant notamment à la généralisation de l’ILAT (indice des loyers des activités tertiaires), institué par le décret n°2011-2028 du 29 décembre 2011. Cette évolution révèle un écart croissant entre valeurs faciales et valeurs économiques ainsi qu’une concurrence accrue entre biens et secteurs tertiaires. Ces deux tendances ne sont pas, loin s’en faut, synonymes de blocage du marché. Ainsi, les utilisateurs pourraient profiter dans les prochains mois de conditions de négociation généralement plus avantageuses pour mener à bien leur projet de rationalisation, donnant lieu à de nouvelles prises à bail et favorisant l’écoulement de l’offre neuve ou de seconde-main de qualité.

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Ludovic Delaisse est Directeur du département Bureaux et du Pôle Développement de Cushman & Wakefield France depuis 2008. Fort de 18 ans d’expérience en immobilier de bureaux, Ludovic conseille les propriétaires et les investisseurs dans leur stratégie patrimoniale par une analyse précise des enjeux du contexte lié au marché. Il accompagne les utilisateurs dans l’ensemble de leurs problématiques immobilières, propose une solution intégrée permettant d’adapter au mieux l’outil immobilier. Son équipe, composée de 40 collaborateurs, assure une couverture géographique du marché de Paris Ile-de-France. Ludovic est Membre du Board de Cushman & Wakefield France.

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