Quelles avancées attendre de la prochaine COP 24 ?

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Par Frédéric Debaere Publié le 21 novembre 2018 à 5h04
Cop22 Conference Climat Rechauffement Climatique
40%L'accord de Paris prévoit que la France diminue ses émissions domestiques de gaz à effet de serre (GES) d?au moins 40% d?ici à 2030, par rapport à 1990.

Le 3 décembre prochain s’ouvrira la 24ème conférence des parties à la convention-cadre des nations unies sur les changements climatiques (COP 24) à Katowice en Pologne. Elle aura pour objectif de finaliser les règles d’application de l’accord de Paris de 2015. Ces négociations devront également répondre à deux questions majeures : celle de l’adaptation au changement climatique et celle de l’orientation des flux financiers. Ambitieux, quelles solutions doit mettre en place ce nouveau sommet pour influencer la trajectoire climatique mondiale ?

Rappel du contexte

L’accord de la COP 21 signé fin 2015 à Paris vise, dans son article 2, à contenir la hausse moyenne des températures nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, en limitant la hausse à 1,5°C si possible, à l’horizon communément admis de la fin du siècle.

Pour y parvenir, l’accord de Paris repose sur un principe de « contributions déterminées au niveau national » (‘intended Nationally Determined Contributions’ – iNDCs), c’est-à-dire d’engagements des pays signataires partageant des « responsabilités communes mais différentiées », « transparents », actualisés tous les cinq ans à partir de 2020 en relevant à chaque fois le niveau d’ambition.

Le succès de l’accord de Paris repose donc sur l’action déterminée des Etats. La France a ratifié l’accord en 2016, sa contribution étant inscrite dans celle de l’Union Européenne adoptée en mars 2015 et prévoyant une baisse des émissions domestiques de gaz à effet de serre (GES) d’au moins 40% d’ici à 2030, par rapport à 1990. L’engagement propre à la France est ensuite précisé notamment dans son plan climat visant une neutralité carbone d’ici à 2050, et par la loi de transition énergétique du 17 août 2015.

La feuille de route est donc relativement claire, au moins pour la France et l’Union Européenne. Mais le niveau d’ambition global reste largement insuffisant et le dernier rapport du Giec publié début octobre a fait l’effet d’une douche froide : sur la base des iNDCs et des politiques climatiques nationales actuelles, le niveau d’émissions de CO2eq projeté en 2030 serait compris entre 52 et 58 gigatonnes, alors qu’il faudrait viser 30 gigatonnes pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C à l’horizon de la fin du siècle.

Comment la COP de Katowice peut-elle contribuer à accélérer les choses ? Quelques mots d’abord sur la trajectoire du pays hôte, la Pologne.

La trajectoire polonaise

Près de 80% de l’électricité polonaise est produite au charbon, et il semble que tout l’effort de la politique énergétique de la Pologne ait été d’optimiser son approvisionnement en énergies fossiles. La situation est peu flatteuse, même si elle s’explique par l’histoire de ce pays, et malgré quelques annonces récentes.

Mais la Pologne doit pouvoir aller plus loin. Pour le moment, son plan à long terme consiste essentiellement à diversifier son approvisionnement en gaz, à rendre ses installations au charbon plus performantes et à intégrer à moyen terme le nucléaire dans son bouquet énergétique. Le ministre de l’énergie Krzysztof Tchórzewski l’a promis : la feuille de route de la transformation du secteur énergétique polonais sera précisée avant la COP 24. A suivre…

La feuille de route de Katowice

La conférence de Katowice s’ouvrira le 3 décembre sous le thème de la « transition juste ». Mais quelle pourra être l’influence réelle de la Pologne, sans présumer des annonces qu’elle pourrait faire dans les prochaines semaines concernant sa propre trajectoire énergétique ? En réalité, la présidence polonaise ne manque pas d’atouts : d’un côté elle engage la crédibilité de l’Union Européenne, d’un autre côté la Pologne est à un stade de son développement qui est proche, toutes proportions gardées, de celui des grands pays asiatiques, Chine et Inde en tête, où se jouera en grande partie la question climatique.

De fait, l’ordre du jour de la conférence de Katowice sera la finalisation des règles d’application de l’accord de Paris, ou « l’opérationnalisation » de l’accord. Il s’agit de permettre une mise en œuvre rapide, dans un canevas multilatéral assurant la solidarité entre pays, en définissant notamment un cadre de présentation des iNDCs, et de comptabilisation des émissions et des flux financiers.

Au-delà des mesures techniques, le dialogue dit « de Talanoa » continuera à jouer un rôle essentiel en associant les différentes parties prenantes, pour faire le point sur les efforts faits et restant à faire, et pour préparer l’actualisation des iNDCs en 2020.

Le modèle de transition

D’une certaine manière, la COP 24 permettra « d’entrer dans le dur » de la politique d’atténuation climatique lancée dans le cadre de la COP 21. Elle doit permettre de consolider ce cadre en avançant également sur les questions d’adaptation au changement climatique et d’orientation des flux financiers, les deux autres points de l’article 2 de l’accord de Paris.

Sur le plan financier, un engagement quantifié des pays développés en faveur des pays en développement avait été pris à Copenhague en 2009 : un financement de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. Le suivi de cet engagement suppose, ici encore, la définition d’un cadre méthodologique précis. En ce qui concerne plus généralement les besoins d'infrastructures dans les pays en développement, l'écart de financement par rapport à la tendance actuelle, en intégrant les besoins liés aux Sustainable Development Goals, est estimé en moyenne annuelle à horizon 2040 à 132 milliards de dollars rien que pour l'Afrique. Les besoins de financement pour répondre à l’engagement de Copenhague et plus généralement aider les pays en développement à se doter d’infrastructures permettant de lutter contre la pauvreté laissent donc une place importante aux financements privés.

Si la transition énergétique doit s’accélérer, l’équation doit intégrer trois dimensions : le bouquet énergétique actuel, la recherche et l’innovation, et les besoins liés à la transformation des infrastructures et au développement. Ainsi, une transformation trop rapide des infrastructures gagerait l’avenir sur des décennies et se heurterait au contenu carbone du bouquet énergétique actuel. Une hausse trop rapide de la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique se heurterait en particulier aux difficultés de stockage. Des investissements tous azimuts dans la recherche et l’innovation risqueraient quant à eux de se faire au détriment des besoins urgents pour la transformation et le développement.

La transition énergétique doit donc être envisagée sur une trajectoire à 10-20 ans, les modèles de transition devant à la fois tenir compte de l’état des connaissances scientifiques et des progrès attendus. C’est sans doute la dimension recherche et innovation qui doit être privilégiée, en particulier dans le stockage de l’énergie, clé de voûte de la transition énergétique à moyen terme.

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Frédéric Debaere est de nationalité française, d’origine flamande. Il débute sa carrière dans le secteur bancaire au Crédit Lyonnais en tant qu’ingénieur d’études pour différentes directions de la banque (1993-1997) puis ingénieur financier et gérant de fonds diversifiés et structurés (1997-2001). Il rejoint ensuite IXIS Asset Management (anciennement NATIXIS management) au sein de l’ingénierie financière en charge des solutions d’investissement pour les clients institutionnels en tant que Financial engineer & portofolio strategist (2001-2004). Ensuite, il s’oriente vers l’activité de conseil chez Mercer comme Consultant Senior en investissement. Il devient Directeur Conseil en Investissement pour la France fin 2009 et puis, pour la Belgique, début 2017. Frédéric Debaere est désormais positionné à la fois en Belgique et en France. Il enseigne par ailleurs la Gestion financière des compagnies d’assurances, en master 2 à l’Université Paris-Dauphine. Frédéric Debaere, CFA, est diplômé de l’Ecole Polytechnique à Palaiseau, de l’Ecole Nationale Supérieure des Techniques Avancées à Paris, et de l’Université Dauphine en Mathématiques appliquées à l’ingénierie.

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