Le 23 mai 2018, à la veille du grand salon de l’innovation VivaTech, le Président de la République Emmanuel Macron a reçu les patrons des géants informatiques comme Google, Facebook ou Uber. Signe des temps, ce sommet très médiatique avait pour thème « Tech for good ». De fait, à mesure que le numérique prend une place croissante dans l’économie et dans nos vies, les acteurs du secteur sont tenus de rendre des comptes sur l’impact de leur activité dans la « cité ». Une nécessité rendue impérieuse par les scandales comme celui de Cambridge Analytica.
Les startups ont une taille et un poids économique sans commune mesure avec ces mastodontes, mais elles jouent aussi, à leur échelle, un rôle sociétal – par leur mission et par l’environnement de travail qu’elles proposent. Côté pile, les jeunes pousses du numérique font valoir les atouts d’une hiérarchie plate et des écarts de rémunération limités par rapport aux grands groupes. Côté face, on constate une trop grande homogénéité des profils dans les jeunes pousses tricolores, où les grandes écoles de commerce et d’ingénieurs sont surreprésentées. Un ancien résident de Station F, vitrine internationale des startups françaises, partageait justement son désarroi face à cette homogénéité de la population résidente.
Des structures comme l’école 42, 100 000 entrepreneurs ou encore The Family oeuvrent pour ouvrir les opportunités d’entreprendre à une plus large partie de la population. La meilleure façon de promouvoir la diversité est de la pratiquer, ou, autrement dit, de “lead by example”, pour reprendre une expression chère aux entrepreneurs…
Je m’explique. Dans mon entreprise, Qonto, nous avons comme ambition de révolutionner la banque et pour cela, nous disposons d’un seul véritable actif : les femmes et hommes qui y travaillent.
Nos effectifs ont doublé en six mois et le recrutement constitue ma principale préoccupation. J’ai appris récemment en faisant le point avec Sarah, notre responsable RH, que nos 80 salariés venaient de 56 écoles et universités différentes – de France mais aussi d’origines différentes avec 13 % d’internationaux venants : du Maroc, de Chine, des Pays-Bas, du Cameroun, d’Ukraine, etc. Nous n’avons pas consciemment recherché un tel éventail de parcours. C’est simplement le résultat d’une politique de recrutement basée sur la motivation et les compétences, évaluées systématiquement lors d’un cas pratique.
L’investissement que demande une nouvelle recrue qui ne correspond pas immédiatement à la “culture locale” ou à la “fiche de poste” en vaut la peine, qu’il s’agisse de gens au parcours atypique ou d’étrangers.
Ce n’est pas parce qu’on n’a pas tel diplôme qu’on ne va pas pouvoir acquérir les compétences demandées, ce n’est pas non plus parce qu’on ne connaît pas les habitudes de vie qu’on ne va s’adapter. Au contraire !
Par exemple, Christophe, un opérateur en charge de la maintenance des voies à la SNCF, a récemment rejoint notre équipe informatique. En cours de reconversion, il n’avait alors pas le niveau technique requis pour le poste mais il a montré une telle envie d’apprendre qu’il a rattrapé son retard en quelques semaines.
La sélection de nos collaborateurs résulte ainsi de l’évidence d’une rencontre fructueuse plus que d’un calcul. Cela étant dit, il nous paraît important d’accueillir comme il se doit les nouvelles recrues qui ont des besoins particuliers. L’inclusion des collaborateurs non-francophones constitue à ce titre un enjeu majeur pour nous.
Comme d’autres startups de la scène tricolore, Qonto a vocation à s’étendre rapidement sur le marché européen. Un de nos investisseurs est américain, certains de nos développeurs sont ukrainiens et la proportion de passeports étrangers dans nos effectifs va, je l’espère, croître dans les mois qui viennent. C’est pourquoi tous les supports internes (spécifications produit, documents de travail, emails) sont rédigés en anglais et nous aidons les salariés venus de l’étranger à trouver un logement à Paris en activant nos réseaux personnels. Je salue au passage l’initiative des French Tech Tickets, qui, je l’espère, permettra d’attirer plus de talents étrangers dans l’Hexagone. Nous avons besoin de ces designers, développeurs, data scientists et autres spécialistes du marketing en ligne venus d’Inde, de Chine, d’Europe de l’Est… voire, soyons fous, des Etats-Unis.
Une startup sur deux dans la Silicon Valley a été cofondée par un étranger. Je rêve du jour où on pourra dire la même chose de la France. Nous voulons des licornes ? Commençons par accueillir les forces vives qui ne demandent qu’à venir ici.