Ce n’est pas la première fois que l’Allemagne se permet de rappeler la France à l’ordre. Lundi 25 février, le président de la Banque centrale allemande, Jens Weidmann, a demandé à la France de ne pas abandonner son objectif de ramener ces déficits à 3 % du PIB. La loi de finances pour 2013 prévoit en effet de ramener cette année les déficits publics de la France de 4,5 % à 3 % de son PIB et ce sur la base d'un scénario de croissance de 0,8 %.
Objectifs difficiles à tenir
Or le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, déclarait, sur France Inter, à la mi-février : « La probabilité d'atteindre cet objectif s'est amenuisée au fur et à mesure que la croissance pâlissait, non seulement en France mais plus généralement dans la zone euro et dans le monde. Chacun sait bien qu'il est difficile d'atteindre des objectifs nominaux de déficits publics quand la conjoncture est à ce point défavorable ».
« Il est certainement vrai qu'il est plus difficile de tenir les objectifs de déficit dans un contexte de faible croissance économique », a reconnu le président de la Bundesbank devant les étudiants de l'Ecole des hautes études commerciales (HEC). « Pour autant, dans la situation actuelle nous devons reconnaître que nous sommes confrontés à une crise de confiance », a-t-il ajouté.
Tenir malgré tout ses engagements
Cependant, pour Jens Weidmann, la France doit montrer l'exemple aux plus petits pays de la zone euro : « Il est particulièrement important que les poids lourds de la zone euro émettent des signaux clairs, qui dopent la crédibilité des règles budgétaires et des accords au sein de l'Union économique et monétaire ainsi que la crédibilité de leur propre stratégie de consolidation budgétaire », a-t-il expliqué.
La Commission européenne a annoncé vendredi s'attendre à ce que la France affiche cette année un déficit de 3,7 % du PIB, loin du seuil de 3 % auquel le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s'était engagé à le ramener. « Il y a eu une perte partielle de confiance dans nos règles budgétaires ainsi que dans la volonté des pays européens à consolider leurs finances publiques », a alerté Jens Weidmann.
Sur le rôle des banques centrales
Selon lui, les banques centrales ne peuvent pas résoudre seules la crise : « Les banques centrales doivent se concentrer sur la stabilité des prix, elles doivent rester indépendantes et elles ne doivent pas devenir trop impliquées dans la politique budgétaire », a-t-il estimé.
Jens Weidmann considère que si les banques centrales sont trop actives elles risquent de conduire à une dépréciation de la monnaie unique : « Si nous nous soucions de la stabilité des prix et si nous nous soucions du pouvoir d'achat, alors nous avons des raisons d'être inquiets. Nous avons des raisons d'être inquiets car, sur la piste de danse européenne, les politiques monétaire et budgétaire sont en train de se rapprocher l'une de l'autre », a-t-il lancé.
Les précédentes leçons de l’Allemagne
Mais ce n’est pas la première fois que l’Allemagne se permet de critiquer la politique économique de la France. Au début de l'été, Wolfgang Schaüble, le ministre des Finances, avait considéré que la décision du gouvernement de revenir à la retraite à 60 ans pour certaines catégories de salariés en France était contraire aux engagements européens : « En Europe, nous avons décidé d'adapter nos systèmes de protection sociale à l'évolution démographique », avait lancé dans une interview à la Stampa.
Autre exemple avec l’hebdomadaire allemand Der Spiegel qui expliquait à ses lecteurs, en août, comment Paris était « en train de tuer l'industrie française » : « La politique industrielle de la France est un échec. Les entreprises et les politiques ont raté le coche de la mondialisation ».
Ou encore en septembre, le président de la fédération allemande de l'industrie (BDI), Hans-Peter Keitel, critiquait la politique économique du gouvernement français, qui serait trop « interventionniste » : « Je m'inquiète du fait que la croissance en France repose toujours surl'interventionnisme de l'Etat », avait-il estimé lors d'un congrès bancaire à Francfort. « Il faut rapidement changer de cap » car « l'écart se creuse entre l'Allemagne et la France ». Et la liste est longue...
Eviter le divorce
Alors comment éviter que cet écart se creuse ? Il est pourtant vrai que la question du dépassement des 3 % de déficit public par la France est au cœur des tensions qui exsitent aujourd’hui entreParis et Berlin. L'Allemagne souhaiterait que la France accepte de faire des efforts supplémentaires, à l’image des politiques récentes menées par l'Espagne et l'Italie en matière de compétitivité par la baisse du coût du travail, mais aussi de rigueur...
Mais les Français n’entendent pas se faire dicter leur conduite. Arnaud Montebourg a récemment a dénoncé « le verrouillage monétaire » de la zone euro, dont serait responsable la chancelière allemande qui « dicte le taux de l'euro ». « Madame Merkel ne peut diriger seule l'Europe et fixer la parité », a-t-il lancé. Ces phrases qui expriment de véritables tensions entre les deux pays conduiront-elles à un véritable divorce ? Personne ne le souhaite…