Ecomouv : Pour Ségolène Royal, la signature de l’Etat ne vaut rien

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 17 octobre 2014 à 5h14

Désormais, la signature de l'Etat en bas d'un contrat ne vaudra plus rien. C'est en substance ce que Ségolène Royal vient d'affirmer sans se rendre compte de l'énormité de la chose.

Déterminée à ne pas payer les indemnités de rupture de contrat pourtant prévues dans celui qui lie l'Etat à Ecomouv pour la collecte de la défunte écotaxe, la ministre de l'Ecologie souhaite contester la "constitutionnalité" du contrat signé avec Ecomouv par l'Etat - incarné par le gouvernement dirigé par François Fillon - en 2011. Pour cela, elle se serait attaché les services de Corinne Lepage, qui outre sa qualité d'avocate spécialisée en droit de l'environnement (elle plaide en ce moment dans l'affaire Xinthia à la Faute-sur-Mer) se trouve être également... ancienne ministre de l'Environnement.

Ce sont donc deux ministres, une en exercice et une ancienne qui vont dire à une entreprise privée que la signature de leurs prédecesseurs, en l'occurence celle de Nathalie Kosciusko-Morizet, ne les engage pas, ou plutôt n'engage pas l'Etat. En cherchant une prétendue anticonstitutionnalité au contrat ! Laquelle ? Tout simplement, on se pince, le fait de confier la collecte d'un impôt à une entreprise privée, alors même que des dizaines de taxes sont prélevées ainsi tous les jours en délégation de service public. Il n'y a qu'à penser à l'une des taxes les plus rentables pour l'Etat, qui représente près de 80 % du prix de vente d'un produit incontournable (avec la TVA) : la Taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) bien sûr, qui n'est collectée pour le compte de l'Etat que par une poignée d'entreprises privées, les pétroliers et les grandes surfaces !

Qu'à cela ne tienne, quitte à paraître ridicule - une fois de plus - c'est l'argument qui a été trouvé pour essayer de jeter Ecomouv avec des 300 salariés et ses dizaines de portiques installés partout sur le territoire français, et qu'il va falloir démanteler. Et revendre ? On se demande bien à qui... Dans les faits, l'action en Justice que Ségolène Royal s'apprête à lancer contre Ecomouv et le contrat qui lie cette entreprise à l'Etat n'est pas du tout fait pour apporter une solution au problème, mais pour... gagner du temps ! Une procédure devant le Tribunal administratif prendra en effet des années, et pendant ce temps là, Ecomouv, lourdement endetté aurpès de banques qui ont cru en la garantie de l'Etat, va se trouver dans une situation intenable, puisque c'est une société sans aucune recettes : la collecte de l'impôt qui devait la rémunérer ! Fort probablement, Ecomouv va attaquer l'Etat en retour, en utilisant des procédures accélérées - référé - que la Justice, eu égard à la situation critique dans laquelle la société se trouve, acceptera probablement d'examiner. Les banques qui ont prété à Ecomouv pourraient également se joindre à la plainte, là encore pour exiger que la signature de l'Etat soit honorée, puisque c'est l'Etat qui a apporté sa garantie aux emprunts souscrits par Ecomouv pour construire et installer les portiques ecotaxe, et embaucher deux cents salariés et cent douaniers !

Entre le ridicule de devoir s'acquitter de centaines de millions d'indemnités de rupture à l'issue d'une négociation avec Ecomouv et celui d'être attaqué en Justice de toutes parts en écornant au passage la crédibilité de l'Etat, Ségolène Royal a choisi sa route : ce n'est pas celui de l'Honneur.

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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