Le monde redistribue les cartes : quelle économie à terme ?

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Par Jean-Paul Gomez Modifié le 29 novembre 2022 à 10h11

L’intervention de la Russie en Ukraine juste à la fin des JO d’hiver est un point crucial de l’évolution de notre Monde. Depuis quelque temps, effectivement, on a constaté un regain de tension dans la gestion politique et géo stratégique des différents Etats.

Réminiscence de la guerre froide, tensions sociales au Brésil et dans les pays d’Amérique du Sud, interrogations sur le modèle de développement économique et environnementale en Chine, le retour de l’indépendance énergétique des USA, le conflit contre les intégristes musulmans qui s’enlisent, bref, des éléments importants qui risquent d’amener les Etats à favoriser ou à renforcer le protectionnisme ou à baisser voire interrompre le développement des relations politiques et économiques avec leurs partenaires de la mondialisation. Les Etats du G8 ne parlent-ils pas de chasser la Russie du G8 ?

L’intervention de la fédération de Russie dans le mouvement Ukrainien marque un point d’arrêt très important, tout comme la construction du mur de Berlin et l’intervention des chars Russes à Prague avaient marqué le monde de la réalité du régime soviétique et de sa brutalité. Cet acte est la démonstration qu’un membre du G8 a des valeurs peu compatibles avec l’idée associée du libéralisme : la démocratie. D’autre part, la Russie montre à cette occasion qu’elle n’a pas changé sa nature profonde : un esprit tsariste et impérial ne tolérant aucune dissension.

Depuis la chute du Mur de Berlin et l’éclatement de l’empire Soviétique, la révolution économique chinoise, l’apparition des BRICS dans le jeu économique mondial, la sphère financière avait pensé avoir pris le contrôle de la planète économique et politique. Effectivement, le monde de la finance a mis à sa botte des pays comme la Grèce, l’Espagne, l’Islande, l’Italie, l’Angleterre… Pour autant est ce le triomphe et la victoire de cette entité ? Depuis les révolutions en Tunisie, en Lybie, en Egypte, en Syrie, un premier retour du politique sur la scène a eu lieu. Lorsque Les Russes sont clairement intervenus en Syrie pour marquer leur territoire en interdisant toute intervention extérieure pour arrêter cette horrible guerre civile.

Jusqu’au début des printemps arabes, les conflits géostratégiques de ces dernières années ont toujours été commandités par l’intérêt économique. Les interventions en Irak dont on sait aujourd’hui que l’enjeu réel est le pétrole, les interventions au Mali dont l’enjeu est l’approvisionnement en uranium se sont déroulées conformément aux intérêts de l’économie mondiale. Dans la foulée de l’intervention, les contrats pleuvaient et l’argent coulait à flots dans les caisses des entreprises.


Aujourd’hui l’intervention en Ukraine est troublante car le principal bénéficiaire de celle-ci est la Russie et sa position stratégique sur la région. Cela signe le coup d’arrêt d’une action du modèle économique de développement accepté sur la Planète et partagé par tous : l’esprit de libre arbitre d’un peuple. C’est le retour de la puissance de l’Etat. Peut-être pas dans sa meilleure forme, mais les autres puissances pour protéger également leurs intérêts vont devoir suivre. Alors que va-t-il se passer ? Quel modèle économique peut maintenant se mettre en place ?

Les grands axes économiques à venir seront conditionnés par le pragmatisme et la capacité d’adaptation des décideurs économiques qui rechercheront la maximisation de leurs profits. Donc ils s’adapteront à l’évolution du monde économique et à une forme de « saisie nationale » de leurs entreprises dans les pays en voie de développement. Et les conséquences seront les suivantes :

- Le retour aux bons vieux partenaires économiques historiques ; les occidentaux avec les occidentaux, les russes avec les chinois (se regardant en chiens de faïence), Les Japonais avec les Américains, l’Amérique du sud aura la tentation de l’Amérique du Nord et elle arrivera difficilement à reconquérir un semblant d’indépendance, le retour de l’Afrique dans le giron européen.

- La Chine va abandonner sa politique de développement économique tourné uniquement à l’export pour développer son marché intérieur et améliorer les conditions de vie de sa population en s’attaquant à l’accroissement des inégalités. D’autre part, elle va s’attaquer sérieusement à son problème de pollution. Ces deux éléments vont la rendre nettement moins compétitive à l’export car les couts de production vont augmenter.

- Les pays occidentaux vont procéder à une remise en cause profonde du modèle de production de l’énergie : Pétrole et gaz de schiste vont être exploités partout où cela sera possible, solaire et éolien vont prendre un réel envol dans les pays où cela n’est pas encore fait, la filière nucléaire sera encore un peu exploitée, mais si il y a un nouvel incident grave, les pays du monde entier se détourneront du modèle actuel de production d’énergie nucléaire. Il est à noter que d’autres modèles que la fission à l’uranium peuvent apparaître dans les décennies prochaines : la fission à sels fondus, la fusion nucléaire à chaud...

- On va assister à un négociation pur aboutir à un accord sur une répartition plus équitable de la richesse créée.

- Les modèles sociaux les plus avantageux en termes de retraite et chômage qui sont lourdement attaqués aujourd’hui par le modèle économique vont être reconfigurés pour être viable en fonction de l’espérance de vie des personnes. Mais ils ne seront pas privatisés. Cela attirera des immigrants dans les pays occidentaux à faible taux de natalité pour assurer le développement futur de l’économie du pays concerné.

- Les dernières innovations technologiques en nano matériaux, bio technologie, organisation et mode de déplacement, électroniques et informatiques vont permettre d’assurer un retour vers une croissance plus pérenne pour chaque pays qui la développera. Les entreprises et les pays pratiqueront moins de transfert de technologie.

C’est le retour assuré d’une certaine forme d’un monde en 2, 3 mondes opposés les uns aux autres : la bonne vieille guerre froide est à notre porte. L’économique sera encore l’arbitre du jeu. Les pays occidentaux avaient réussi à tirer correctement leur épingle du jeu à l’époque. Espérons que chacun des blocs arrivera à en faire de même pour l’amélioration de la vie de tous et que personne ne dira : « Je ne rembourse pas ma dette !!! ». Car là, ce serait la catastrophe.

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Jean-Paul Gomez est économiste. Il est également auteur de nombreux articles parus dans la presse.

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