Sanctions américaines : l’Union Européenne en ordre de marche ?

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Par Alexandre Mandil Modifié le 4 octobre 2018 à 12h12
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Alors que Donald Trump menace de réduire en cendres les règles du commerce international, la zone Euro doit adopter une attitude combative afin de préserver les intérêts de ses entreprises.

Depuis l’été, Donald Trump fait trembler les marchés en brandissant la menace de la guerre commerciale contre le monde, Union Européenne comprise. En l’espace de quelques mois, la Chine, l’Iran, la Russie et la Turquie ont également connu des sanctions économiques d’une rare violence. Avec les résultats que l’on sait : départ de géants français de l’Iran, pertes économiques sèches pour les PME qui se positionnent sur le marché perse et institutions bancaires tétanisées.

Dans ce cadre, la réponse européenne est plus que balbutiante.

Loi de blocage : un bon début mais...

Pour faire face aux sanctions qui touche par répercussion ses entreprises, l'Union européenne a pris des mesures défensives parmi lesquelles la mise à jour de la « loi de blocage » de 1996. Ce dispositif vise tout d’abord à limiter les conséquences des sanctions américaines sur les entreprises européennes actives en Iran en annulant l’effet d’une décision d’une autorité, d’un juge ou d’un arbitre américain sur le territoire européen. Ainsi, une entreprise européenne condamnée aux États-Unis pour avoir réalisé des transactions commerciales ou financières avec l’Iran ne pourra par exemple pas voir ses bien saisis dans l'UE. La loi de blocage ouvre aux personnes physiques et entreprises européennes la possibilité de demander réparation auprès d’une juridiction européenne, en assignant par exemple l’État américain, pour tout dommage découlant du non-respect de la décision américaine. Enfin, ce dispositif prévoit des sanctions, assorties d’un mécanisme de dérogations, pour les entreprises européennes qui décideraient malgré tout de se plier à une décision américaine.

Mais la mesure souffre d’une faiblesse majeure : elle ne protège que les intérêts des entreprises qui n’ont pas de succursales en dehors de l’Union européenne. Or, la plupart, si ce n’est tous les principaux groupes français ont des filiales aux Etats-Unis. Ces derniers ne se font d’ailleurs pas d’illusion sur la capacité de l’Union européenne à résister aux sanctions américaines contre l’Iran. En effet, depuis l’annonce du rétablissement des sanctions en mai dernier, plus d’une centaine d’entre eux ont déjà cessé toute activité dans le pays. C'est notamment le cas d’Airbus, de Peugeot, de Renault, ou encore Total. Conséquences ? Une perte de crédibilité à l'international pour l'industrie française et européenne, et des pertes chiffrées à plusieurs milliards de dollars.

Pression sur l’aluminium

Autre épisode de cette guerre économique, le maintien des sanctions commerciales à l’encontre du groupe russe Rusal continue de donner des sueurs froides aux PME de l’aluminium. L’Europe et ses entreprises ont, un temps, espéré qu’Outre-Atlantique, on changerait son fusil d’épaule. Las. Malgré un allègement des mesures (qui permettront notamment de commercer dans un cadre strict avec le premier fournisseur d’aluminium en Europe), l’avenir semble toujours incertain, avec des conséquences potentiellement désastreuses sur l'industrie européenne.

Rusal fournit en effet plus du quart des importations en aluminium de l'UE et est également fournisseur de 65% de l'alumine française, destinée à être transformée en métal. Sous la pression, Rusal pourrait devoir arrêter ses livraisons du jour au lendemain. Conséquence : une crise de l’aluminium aux conséquences dramatiques.

La France serait alors privée d'une grande partie de sa production nationale en métal - et pourrait perdre jusqu’à 100 000 emplois directs et indirects. La fonderie Trimet, par exemple à Saint Jean de Maurienne, ou Aluminium Dunkerque, première fonderie européenne redoutent ces sanctions qui pourraient faire fondre leurs chiffres d’affaire. D’autres petites entreprises, tributaires de ces fonderies, pourraient littéralement en mourir. Si des noms tels que Fives ECL à Ronchin ou Figéac Aéro dans le Lot ne parlent pas au grand public, ces petites entreprises, champions départementaux voire régionaux, sont directement concernés par la guerre commerciale à l’œuvre. Chacune pèse un peu plus de trois-cents emplois locaux.

Resserrer les rangs

Les développements de ces derniers mois laissent peu d’illusions sur l’avenir du commerce international sous l’ère Trump. Afin d'éviter la destruction de leur tissu économique et préserver la souveraineté stratégique du continent, les États européens se doivent d’agir de concert. Outre l’accélération de la « dédollarisation » des transactions de matière première au profit de l’euro, il est urgent de bâtir une architecture de défense qui s’étend au-delà de la loi de blocage. La création d'un système de troc est un pas de plus vers la bonne direction, bien qu'il ne saurait suffire.

Renforcer la loi de blocage d’une part, mais également construire un véritable système de défense de paiements : européen, indépendant et aussi capable de limiter la dépendance des européens vis-à-vis des technologies américaines. Faute de quoi, l’Union Européenne continuera de subir les dommages directs ou collatéraux d’une diplomatie économique américaine destructrice.

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Alexandre Mandil est avocat de formation et diplômé d'un MBA en intelligence économique à l'École de Guerre Économique. Il a exercé au sein du département « Technologies, médias et télécommunications » d’un important cabinet d’avocats d’affaires international ainsi qu’au sein de la Direction juridique d’un important groupe français pétroliers et gaziers. Il a également exercé pendant 4 ans les fonctions de consultant en intelligence économique au sein d’un cabinet d'intelligence économique.

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